Quelques mots et des images, à l’occasion du finissage de
l’exposition "Peinture", de Fernando GALVEZ à
Saint-Martin-de-Valamas, en Ardèche, programmée du 6 octobre au 4 novembre 2018.
Le peintre Fernando GALVEZ a investi les grandes salles de la Nouvelle Manufacture pendant
un mois, l'accrochage de grands formats a permis de montrer une évolution de sa
peinture depuis les années 2009.
Fernando GALVEZ privilégie les grandes toiles de format 185 x 200 et 200
x 200 cm. La surface peinte est comme un épiderme où tout se voit, plis,
reliefs, trames, transparence des glacis ou aplats de couleurs, brillances et
zones mates. Ce qui a été posé par le peintre est visible
dans un jeu de superpositions, un chaos de formes et de couleurs accumulées,
mené librement, instinctivement jusqu'au point d’équilibre où tout tient dans
un rapport tendu et s’immobilise.
Dans l’atelier, les toiles sont posées au sol et c’est en se
déplaçant autour du cadre que le peintre construit progressivement l’épiderme
de ses peintures. C’est un travail qui
nécessite du temps et se construit dans un rapport physique à l’espace, aux matériaux
et aux couleurs. Littéralement, le
peintre fait de la peinture. Peindre
est autant l’action de réaliser la peinture du point de vue matériel qu’une
construction mentale, intellectuelle. La peinture est à la
fois le matériaux et l’œuvre achevée, pour ainsi dire le point de départ et le
point d’accomplissement qui sous les yeux et par la main de l’artiste vont à la
rencontre l’un de l’autre.
La composante
dynamique de la peinture est essentielle, elle se fait avec le peintre. Pour le
dire autrement, le peintre peut avoir des idées et penser la peinture mais il
ne peut pas la réduire à une chose mentale, à une idée, parce qu’elle est
matière et que pour cette raison, c’est elle-même qui par ses qualités est
partie prenante de la dynamique de l’œuvre.
La peinture ne naît pas d’une pensée qui la ferait entièrement, elle ne
naît pas de rien, elle est ce qu’elle est, peinture, transformée par l’action
du peintre.
Résultat d’un corps à corps orchestré par l’idée que le
peintre se fait en continu, au fil du
work in progress, instant après instant, de sa
peinture. La peinture ne se réduit pas à la matière, bien sûr, l’artiste est acteur dans
la création, il participe de tout son être à faire surgir la peinture. Il a
conscience que certains de ses gestes sont volontaires et résultat d’un savoir-faire
et d’une culture picturale et que d’autres, dans l’intensité de la
concentration, sont une totale mise à disposition de la création ( parlons de
concentration, de méditation, de transe, de rite, d’inspiration, d’exorcisme, de
mystère, de magie…) comme si l’œuvre agissait à travers lui, comme si le peintre était un peu un chamane.
La toile est traitée comme un plan fini, les limites du cadre sont
souvent marquées comme pour signifier que tout est contenu dans la toile,
qu’elle est un tout, comme une vie, elle aussi limitée et dans laquelle tout
est inscrit. Pourtant, la vie d'un individu est la résultante d’une chaîne
de vies qui a perduré jusqu’à lui, et donc d'une certaine manière, de toute l’humanité. De même, une peinture est le résultat du
temps passé par le peintre autour d’une toile, mais aussi de toutes les années antérieures depuis qu'il a commencé à peindre et à regarder La Peinture. Elle est donc forcément en résonance avec l'histoire de la peinture.
Mais encore, la peinture est la résultante d’un tout plus vaste, qui n’est pas simplement le peintre et sa peinture, mais aussi la globalité de ce
qui se passe dans le monde, de ce qui touche le peintre. C'est à ces degrés divers que les choses se jouent. Des choses très
superficielles, d’autres plus profondes, plus dramatiques.
La vie n’est pas seulement un
fil tendu, une perspective construite, elle est envahie, parcourue d’événements, d'informations, de bruits, d’images, d'émotions, de formes, de couleurs qui nous parviennent en permanence, autant de
perturbateurs, ou de sollicitations hétéroclites formant un véritable chaos d’informations
impossibles à analyser toutes, elles imprègnent toutefois notre cerveau d’une somme
de données complètement contradictoires, non organisées. Le peintre, comme tout un chacun est sensible à la confusion ambiante à travers laquelle il se fraie un chemin, cette conscience se voit dans sa façon d'appréhender la composition de sa toile. Elle est saturée de formes et de couleurs, de lignes, de matières travaillées en épaisseur ou en transparence. On voit des chevauchements, des rapprochements colorés audacieux, des écoulements, des fusions, des accidents de parcours, et pourtant il en résulte une peinture organisée, équilibrée, dont la contemplation apporte un réconfort.
Une toile peut recueillir quantité de données picturales contradictoires, aléatoires,
accidentelles, mais à la fin elle apparaît comme entité, un espace en équilibre. Rien du chaos n'est caché, au contraire, tout est là, visible, présent
sous nos yeux, mais nous ne le voyons pas, d'abord parce qu'il finit par trouver une logique, un ordre, un sens, mais aussi parce que nous ne pouvons pas tout voir, tout
appréhender en une fois, il faut y revenir souvent, sans voir à chaque fois la
même chose, il y a des surgissements constants.
Si le peintre travaille la toile au sol, quand elle est
terminée, il la redresse. Elle devient verticalité et le spectateur lui fait
face. La toile se tient debout, elle a trouvé un sens, une orientation. Au sol, le peinture la construisait en se déplaçant autour. Au fur et à mesure que la toile se construit, elle acquiert un sens (orientation) et aussi du sens (idée, mais aussi sensualité). Ce changement est très significatif, passage du faire à celui d’être, de l’action, à l’état d’être exposée
aux regards. Quand la peinture est terminée la toile pose ses limites. C’est dans ce moment où la toile peut être redressée,
qu’elle peut être montrée au public, se tenir debout devant lui, supporter cette frontalité. Car l’œuvre est destinée au
public, c’est sa raison d’être, le regard posé sur l’œuvre
est essentiel pour qu'elle existe. C'est le regard du spectateur qui donne vie à la peinture, elle vient
à la rencontre du spectateur, et dialogue avec lui. La peinture existe alors pour elle même, en l'absence du peintre. Parfois même, elle se substitue à lui, et on parle d'elle comme si elle était le peintre, c'est un Vélasquez, un Goya ... un Galvez (!) etc... L'oeuvre est donc un vecteur de communication
très particulier, car elle finit par se suffire à elle même, voire à prolonger l'aura de l'artiste.
L'exposition des peintures de Fernando GALVEZ à La Nouvelle Manufacture se termine dimanche 4 novembre 2018.
Rappel du vernissage : https://imagesentete.blogspot.com/2018/10/fernando-galvez-le-vernissage-de.html
sites de Fernando Galvez:
Précédents articles:
Ouvert depuis plus de quatre ans, le centre d'art contemporain La Nouvelle Manufacture est dynamique et impliqué dans
la valorisation économique du territoire ardéchois au travers d'actions
culturelles avec des acteurs locaux et extérieurs. Il expose des artistes différents, propose des résidences et
est respectueux du travail et des
personnes qu'il reçoit. Depuis sa création, le projet ne cesse de se développer
et de rayonner localement et au-delà des limites régionales. Cela est dû
à la personnalité et à l'engagement des fondateurs, Antoine ABEL et Juliette
RAULT, aux liens qu'ils ont avec des artistes extérieurs, mais aussi à la
qualité du projet lui-même qui inscrit l'art contemporain dans un échange
humain qui ne se réduit pas un regard de passage. On peut fréquenter le café
culturel (voir sa programmation en fin d'article). Le lieu est à découvrir.
Le prochain événement est à voir sur la page FB de la galerie: la nouvelle manufacture - lnm
Le prochain événement est à voir sur la page FB de la galerie: la nouvelle manufacture - lnm
La Nouvelle Manufacture
espace d'arts
350 rue du Garail
07310 Saint-Martin-de-Valamas
06 73 27 37 96
ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h
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