vendredi 31 août 2018

Dans l'atelier de Pierre Vallauri, à Jouques


Fin juillet 2018, j’ai rendu visite à Pierre Vallauri, je souhaitais revoir  ses œuvres exposées dans une partie son atelier qu’il ouvre volontiers aux amateurs curieux, en dehors des journées du Patrimoine.  En 1981, il a acquis avec sa femme Lucy, une partie d’une magnifique demeure, un ancien moulin situé au bord du Réal, à Jouques, au nord-est d’Aix-en-Provence. Le lieu est assez vaste pour y vivre et  y avoir un atelier partagé en un espace de travail et un vaste showroom.


L’ensemble des pièces montrées révèle une œuvre foisonnante, abondante et variée dans les modes d’expression, travail de la laine, de la terre, de plusieurs types de papiers,  confection de boîtes, pour ne citer qu’un petit échantillon des thèmes qui ont intéressé Pierre Vallauri depuis l’aube de ses recherches graphiques et de ses collages dans les années 1966.   Avec le temps la direction du travail de l’artiste se déplace au gré de ses rencontres et coups de cœur pour l’œuvre d’autres artistes (j’y reviendrai), mais quelle que soit la période considérée, son travail est  décliné en  de multiples études, Pierre Vallauri semble poursuivre une idée en explorant son sujet dans plusieurs directions. On pourrait dire qu’il produit une collection d’œuvres, à l’instar de son goût personnel pour les collections d’objets  que l’on voit se mêler, dans son atelier, à ses propres œuvres. Il y a pour ainsi dire une continuité entre son goût de l’objet (utilitaire, décoratif ou ludique) unique  ou fabriqué en série et sa démarche d’artiste.  La curiosité de Pierre Vallauri nourrit sa gourmandise de découverte, la fertilité de  son imagination et la générosité de sa création. 



 Collectionner est lié au désir, une quête par essence  inépuisable.   Le fait de dénicher un nouvel objet  assouvit le désir, mais il propulse aussi le collectionneur vers la quête du prochain. De façon analogue,  dans l’acte de création, la réalisation d’une œuvre  fait parfois germer l’idée de l’œuvre suivante et conduit à la réalisation d’une série, terme employé avec précaution par les artistes parce qu’il vaut aussi pour les reproductions d’œuvres ou la production d’objets en masse qui sont  dépourvus d’une aura ( au sens où Walter Benjamin la définit), contrairement à l’œuvre d’art originale.  Concernant le travail de Pierrre Vallauri, on retiendra une inépuisable curiosité et une énergie créatrice généreuse nourrie des découvertes que lui inspirent la réalité matérielle du monde et les œuvres d’autres artistes qui lui donnent envie d’expérimenter et de créer. Avec l’œuvre de Pierre Vallauri, on est face à une œuvre hétérogène et multiple. On pourrait dire de lui ce que l’on a dit de Pablo Picasso,  qu’il s’inspire  du travail d’autres artistes, que c’est  une manière de leur rendre hommage et de nourrir sa propre création pour la faire évoluer et expérimenter. 






D’abord influencé par sa formation au dessin industriel, Pierre Vallauri  pratique   le tissage de la laine selon la technique de haute lice, à la suite  de voyages en Tunisie et en Algérie dans les années soixante-dix. Puis, au début des années quatre-vingts la rencontre de sculpteurs majeurs, à Aix-en-Provence, Jean Amado et Max Sauze dont il partage un temps l’atelier, le conduit presque naturellement à expérimenter dans leurs traces, la terre et même le béton, pour réaliser des sculptures. 
A partir de 1989, il crée une belle série de sculptures de corps féminins modelés en terre, dont certaines sont même fondues en bronze (fonderie Barthélémy à Crest , dans la Drôme).  Ses femmes adoptent les poses classiques que l’on rencontre souvent chez les modèles dans les ateliers où l’on dessine d’après modèle vivant mais Pierre Vallauri dépasse le modèle, il sculpte sa Vénus avec constance.  Elle est juchée sur des escarpins à talon qui la mettent sur un piédestal, elle a la cuisse ronde et les hanches larges,  elle expose sa nudité avec délice, savoure une féminité joueuse, déclinant pose après pose, les pas d’une parade amoureuse, elle se sait irrésistible dans sa coquetterie sans fard. Elle évoque bien « La Géante » qui inspire Charles Baudelaire.   
« Du temps que la Nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante,
Comme aux pieds d’une reine un chat voluptueux.

J’eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
Et grandir librement dans ces terribles jeux ;
Deviner si son cœur couvre une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux ;

Parcourir à loisir ses magnifiques formes ;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,

Lasse, la font s’étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d’une montagne.»


                                               Charles Baudelaire, « La géante», Les fleurs du Mal, 1857




Plus tard, de 2004 à 2012, c’est en tant que directeur du musée d’art contemporain de Châteauneuf-le-Rouge, ARTEUM et commissaire d’exposition, qu’il s’intéresse de près à l’œuvre de nombreux artistes qu’il invite à exposer. Au cours de la préparation de l’exposition « Mises en boîtes » (9 mars, 16 avril 2011), il est profondément touché par les œuvres des artistes Paul Duchein, Jean-Michel Jaudel, Marc Giai-Miniet, Cathy Mouis, Ronan-Jim Sevellec, Pascal Verbena, Lucas Weinachter, Omar Youssoufi .  Il choisit comme citation, en exergue du catalogue, une phrase d’Albert Einstein : « Celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise est pour ainsi dire mort, ses yeux sont éteints ».  Lui, regarde avec tant d’enthousiasme que cela rejaillit sur sa pratique et le conduit à s’engager dans des recherches similaires. Il débute une série de boîtes, combinant de multiples objets dont le rapprochement est,  sinon « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », suivant la formule de Lautréamont réemployée par André Breton pour définir la beauté de l’œuvre surréaliste ; du moins  vecteur d’un discours visuel et poétique sur la vie, la mort, l’amour, les thèmes existentiels  qui préoccupent tout un chacun.  Pierre Vallauri les aborde avec humour, tendresse ou ironie, en faisant dialoguer des objets hétéroclites et triviaux malgré le « sérieux » des thèmes.   Rien de tel que se mettre soi-même en boîte pour ne pas se prendre au sérieux et surtout pour ne pas suffoquer … On obtient une qualité de comique rabelaisien, salvateur, où l’humain est aimé pour lui-même, sans arrogance, dans une certaine démesure de moyens contenus dans l’espace fini d’une boîte. C'est témoigner d'un appétit de vivre et avoir envers et contre tout un regard positif sur l'humain et le monde. C'est une forme d'humanisme que je reconnais chez Pierre Vallauri.  Il faut parfois pousser le trait pour être visible ou lisible et pour capter le spectateur saturé d’images dans la vie quotidienne.



La profusion, le débordement, mais aussi l’énergie positive et une attention au monde  animent la démarche de Pierre Vallauri. Il est curieux d'art, mais aussi averti de ce qui se passe dans le monde,  pour preuve un travail en cours dont il m’avait montré les esquisses lors de ma visite dans son atelier,  sous le titre explicite : REPARATION(S).   Aujourd’hui l’œuvre est terminée et figurera du 27 novembre au 2 décembre 2018, au « Cinéma Repaire Artistique » de Roquevaire, dans une exposition  proposée par Michèle Guérin.  Cette exposition doit s’appuyer sur une citation de Kader Attia, présente dans son exposition au Palais de Tokyo : « il s’agit de réfléchir ensemble à l’immense pouvoir de l’art dans un processus réparateur des faiblesses de ce monde ».  Pierre Vallauri  veut présenter la photo d’une rue de Damas détruite et en miroir cette même rue reconstruite d’après quelques restes.  Il utilise une photo de Karam Al Masri, un réfugié syrien avec lequel il est entré en contact et lui a donné autorisation de le faire. Ce travail est un tableau à double vision d’un côté Alep détruite et de l’autre Alep réparée. Est-ce se situer dans une vision utopiste du monde que d’en proposer une vision réparée ? C’est en tout cas aller dans le sens de la vie par l’action, même s’il avoue qu’une œuvre d’art n’a pas beaucoup de prise sur le monde, même si cela témoigne de l’atroce et du désir d’action pour finir la guerre et réparer la vie, cela reste, aujourd’hui encore de l’ordre du ré-enchantement du monde, plus que de la réalité.  Créer pour ne pas se résigner en projetant un avenir possible, même dans un champ de ruines.





Oeuvre de Pierre Vallauri, tableau en relief à vue double pour l'exposition REPARATION(S), d'après des photos de Karam Al Masri. (crédit pour ces photos: Pierre Vallauri)




En 2013 , à l’occasion du grand projet Marseille Provence 2013 (MP13) , Pierre Vallauri a travaillé en étroite collaboration avec Corinne Theret ( Galerie du Lézard), Vincent Bercker ( Galerie Vincent Bercker) et bien d’autres galeries rassemblées autour duGUDGI, pour une suite d’expositions sur l’art du papier, intitulée  PAPER ART PROJECT. Une fois encore, la fréquentation des artistes invités et de leurs œuvres, a stimulé le travail de Pierre Vallauri. Le papier est un médium avec lequel il travaille depuis quatre ans environ, multipliant les  expositions collectives (Ninon Anger, Nicole Arsénian, Raymond Galle, Isabelle G. Nathan, Odile Xaxa) sous le titre « Cent papiers plus ou moins ». Son travail autour du papier explore les objets usuels, en l’occurrence les filtres à café usagés, cherchant par l’accumulation  à  brouiller la reconnaissance de la forme de l’objet,  à s’éloigner de son usage pour donner un supplément de beauté au rebus et faire porter sur lui un autre regard.  Le rebus, le déchet, devient matière première et se découvre un potentiel esthétique.  Plus il y a accumulation d’objets, moins on les voit en tant qu’objet.  La multiplication de l’objet réel contribue paradoxalement à lui ôter une part de sa réalité, il ne renvoie plus qu’à lui-même, une forme, une matière, une couleur en perdant sa fonctionnalité et son utilité. C’est alors qu’il devient objet d’art.   Pierre Vallauri  découpe, plie,  brûle des formes géométriques dans les grandes feuilles de papier, ces œuvres le plus souvent non figuratives jouent de la répétition du motif sous des éclairages particuliers. Les possibilités sont infinies et les études abondent. Le résultat est plus géométrique, plus élaboré, puisque le support papier est travaillé, altéré dans sa forme.  La démarche de création est en cela différente, elle est davantage jeu mental, habileté manuelle, recherche esthétique d’une forme, parfois d’un message positif : « YES ».   Enfin une œuvre de grande taille, m’a tout de suite intriguée en entrant dans l’atelier, un grand volume blanc, carré, divisé en cellules  plus petites, remplies de feuilles de papier blanc écru, roulées en volutes, comme le sont les paperolles. Elles dessinent des arabesques et jouent avec l’angle de vue qui fait évoluer la vision des pleins et des vides et la couleur des feuilles qui adoptent une infinité de nuances de blanc. Au premier abord j’y ai vu une accumulation de  messages, la feuille de papier blanc évoquant pour moi la lettre ou le manuscrit et j’ai pensé au mur des lamentations à Jérusalem… mais c’est très subjectif et il n’est pas nécessaire de trouver un équivalent dans la réalité du monde à une telle œuvre, plastiquement intéressante. Les jeux de formes et de lumières sont captivants. 





 Mon amitié avec Pierre Vallauri, remonte à l’époque où j’ai rejoint l’association Perspectives (2008), un groupement d’artistes aixois, il en avait été le président de 1982 à 1997 et était encore le président du MAC ARTEUM (musée d’art contemporain à Châteauneuf-le-Rouge) et dans le cadre de cette fonction, il m’avait confié la rédaction d’articles pour les catalogues des expositions « Suite arlésienne » (octobre-novembre 2011) et « Traits intimes » (novembre-décembre 2012). La préparation de ces articles nous avait conduits à visiter ensemble  plusieurs ateliers d’artistes arlésiens, Gabriel Delprat, Gérard Eppelé, Doris Salomon la compagne d’Heribert Maria Staub,Xavier Spatafora pour la préparation de « Suite arlésienne ». Ensuite,  Sophie de Garam, Catherine Duchêne, Denise Fernandez-Grundman, Kamel Khélif, Alain Puech, Pierre Salvan  pour l’exposition de dessins « Traits intimes » et j’ai gardé de ces moments de découverte  un excellent souvenir qui a scellé notre amitié.  Pierre Vallauri fait partie des artistes aixois (même s’il n’est pas exactement aixois), nègreliens (c’est ainsi que se nomment les habitants de Châteauneuf-le-Rouge), marseillais  etc…  qui comptent et qui ont été très actifs depuis la fin des années soixante. 


 Inéluctablement, le temps passe, les décès, la fermeture de plusieurs galeries (dont la Galerie Alain Paire), les mutations et changements politiques, font évoluer ce paysage humain.  Il est inutile d’être nostalgique, mais c’est inévitable aussi et pour cela un hommage et un témoignage amicaux me semblent avoir tout leur sens.  J’admire l’enthousiasme, la curiosité et l’énergie créatrice qui  animent Pierre Vallauri et je lui souhaite un beau succès pour l’exposition REPARATION(S),  au Repaire de Roquevaire. Qu'il poursuive encore longtemps à livrer des oeuvres généreuses qui sont sa manière d'être dans le monde,  un passeur (pour reprendre  un titre utilisé par le galeriste Patrick Bartoli) et un artiste de son temps. 

Florence Laude, août 2018.

Quelques liens utiles :

Pierre Vallauri
Le Pey Gros, 501 Route des Estrets
13490 JOUQUES
06 73 88 14 18
Les sites et les blogs de Pierre Vallauri
https://www.pierrevallauri.com/

http://enquetedimages.blogspot.com/

https://enquetediamges.blogspot.com/

http://vallauri.pagesperso-orange.fr/cv.html

https://www.galeriedulezard.com/pierre-vallauri

Autres articles sur ce blog et ailleurs:
https://imagesentete.blogspot.com/2013/12/pierre-vallauri-puzzle-papiers-galerie.html

https://imagesentete.blogspot.com/2011/07/pierre-vallauri-expose-la-galerie-de.html

Galeries et Musée
Galerie du Lézard, de Corinne Theret:   https://www.galeriedulezard.com/
Galerie Vincent Bercker : https://www.facebook.com/GALERIE-VINCENT-BERCKER-195972043772781/


Association PERSPECTIVES : https://perspectives13artcontemporain.blogspot.com/
                                                   https://www.facebook.com/people/Perspectives-Art-Contemporain/100011197427535




mardi 28 août 2018

"Par les masques écornés", Stéphane BLANQUET à l'abbaye d'Auberive (Haute-Marne)

Une vidéo véhiculée par la page FB de l'artiste Stéphane BLANQUET, pour faire un tour d'horizon de l'exposition "Par les masques écornés", dans l'ancienne abbaye cistercienne transformée en centre d'art par le collectionneur Jean-Claude Volot.

cliquez sur le lien pour accéder  à la vidéo

Stéphane Blanquet est un artiste s'exprimant à travers des médiums multiples et sur de multiples supports, dessin, gravure et lithogravure, sculpture en terre ou métal, tapisserie, théâtre, vidéo, revues  etc... Ses thèmes de prédilection, une vision de tragico-comico-grotesque de l'humain dans un monde surpeuplé d'objets, la violence et le sexe sont omniprésents, on pourrait parler de beauté saccagée, de décomposition, de déconstruction, de mutilations et pourtant, ses compositions ultra-chargées n'en finissent pas de vivre de manière convulsive, le vide serait peut-être davantage angoissant et funèbre que ce plein de vie torturé qu'il propose.  C'est un univers obsessionnel étrange, fantastique très coloré et chatoyant évoquant les oeuvres du Marquis de Sade et le surréalisme, selon cette formule d'André Breton dans L'amour fou, "la beauté sera convulsive ou ne sera pas" (1937)
Dans cette exposition (que je découvre uniquement à travers la vidéo, je ne l'ai pas vue),  je vois quelques échos ou hommages à d'autres grandes oeuvres, les tapisseries d'Aubusson ou des Gobelins, les papiers découpés de Wilhelm Gross, les grandes cages de Louise Bourgeois ou les oeuvres électromécanomaniaques de Gilbert Peyre ... 


L'exposition est visible à l'abbaye d'Auberive jusqu'au 30 septembre 2018

Pour de plus amples renseignements, voir le site de l'abbaye:


et le site de l'artiste:
http://www.blanquet.com/marchandises/index.php#contenu

Dans le prolongement de ces notes, on peut regarder d'autres vidéos: interview de Stéphane Blanquet, Le film Marquis de Roland Topor et un autre film / interview de Roland Topor.



Stéphane BLANQUET, interviewé par Cryptekeeper en 2016


Marquis, film de Roland Topor et Henri Xhonneux (1989)


" Roland Topor, songes, mensonges, panique et déconnade, toute l'histoire", vidéo

"Roland Topor, songes, mensonges, panique et déconnade", vidéo "Toute l'histoire" ...

vendredi 24 août 2018

"La traversée", Sylvia Plath (Crossing the water)


Sylvia Plath, La Traversée,  traduit par Valérie Rouzeau, 1962, publié 1971


La Traversée, Crossing the Water


« La Traversée »
Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier découpé, noires.
Jusqu’où s’étendent les arbres noirs qui s’abreuvent ici ?
Leurs ombres doivent couvrir le Canada.

Une petite lumière filtre des fleurs aquatiques.
Leurs feuilles ne souhaitent pas que nous nous dépêchions :
Elles sont rondes et plates et pleines d’obscurs conseils.

Des mondes glacés tremblent sous la rame.
L’esprit de noirceur est en nous, il est dans les poissons.
Une souche lève en signe d’adieu une main blême ;

Des étoiles s’ouvrent parmi les lys.
N’es-tu pas aveuglé par de telles sirènes sans regard ?
C’est le silence des âmes interdites.


« Crossing the water »

Balck lake, black boat, two black, cut-paper people.
Where do the black trees go that drink here ?
Their shadows must cover Canada.

A little light is filtering from the water flowers.
Their leaves do not wish us to hurry :
They are round and flat and full ord dark advice.

Cold words shake form the oar.
The spirit of blackness is in us, it is in the fishes.
A snag is lifting a valedictory, pale hand ;

Stars open among the lillies.
Are you not blinded by such expressionless sirens ?
This is the silence of astounded souls.



Sylvia Plath 1932 - 1963
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sylvia_Plath

"Tard dans la nuit", Pierre Reverdy


"Tard dans la nuit", Les ardoises du toit, 1918


Tard dans la nuit...


                                               La couleur que décompose la nuit
                                               La table où ils se sont assis
                                               Le verre en cheminée
                                                              La lampe est un coeur qui se vide
                                               C'est une autre année
                                                      Une nouvelle ride
                                               Y aviez-vous déjà pensé
                                                              La fenêtre déverse un carré bleu
                                                La porte est plus intime
                                                       Une séparation
                                                              Le remords et le crime
                                                Adieu je tombe
                                                Dans l'angle doux des bras qui me reçoivent
                                                Du coin de l'oeil je vois tous ceux qui boivent
                                                              Je n'ose pas bouger
                                                Ils sont assis
                                                                     La table est ronde
                                                Et la mémoire aussi
                                                Je me souviens de tout le monde
                                                Même de ceux qui sont partis



Pierre Reverdy ( 1889 - 1960), né à Narbonne, le poète arrive à Paris en 1910. Au Bateau-Lavoir qu'il fréquente, il rencontre aussi bien Pablo Picasso que Max Jacob, mais aussi Guillaume Apollinaire et Georges Braque. Il fréquente les peintres cubistes et les artistes surréalistes, André Breton, Philippe Soulpaut, Tritan Tzara, Louis Aragon...  En 1926, à l'âge de 37 ans, il choisit une vie méditative près de l'abbaye bénédictine de Solesmes et y reste jusqu'à la mort.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Reverdy






mercredi 22 août 2018

Papillonner

PAPILLONNER: v.intr (1) Aller d'une personne, d'une chose à une autre sans nécessité. V. folâtrer. Elle papillonnait en chantant. - Passer d'un sujet à l'autre sans rien approfondir.

Les papillons sont aussi jolis que les fleurs, mais plus difficiles à photographier, de par leur nécessaire tendance à papillonner. Par chance j'en ai saisi quelques unes, de ces fleurs sans racines que le vent porte, éphémères portraits de ces corps à corps...



















Sonnailles



A l'heure de l'angélus du soir, sur le plateau,  concert de cloches attachées au cou des Salers. 

lundi 13 août 2018

Jean Bonichon, La Nouvelle Manufacture, centre d’Art Contemporain, à Saint-Martin-de-Valamas en Ardèche .



Retour d’une visite à la Nouvelle Manufacture, une ancienne usine réaffectée pour la diffusion de l’Art Contemporain. Nous y étions pour la préparation de la prochaine exposition de Fernando Galvez, au mois d’Octobre 2018. 


L’association de La Nouvelle Manufacture est née il y a plus de quatre ans, du projet porté par deux jeunes plasticiens, Antoine Abel et Juliette Rault pour créer un lieu dédié à l’Art Contemporain, en marge des institutions conventionnelles. A la sortie des écoles, plutôt que de concentrer toutes leurs énergies à faire la cour aux galeries, ils ont décidé d’ouvrir un lieu à la mesure de leur conception du rôle d’un Centre d’Art dans sa relation aux artistes, dans la diffusion de l’art contemporain et dans sa mission partage de l’art avec la communauté sociale environnante, en l’occurrence, loin des grands centres urbains, sur la départementale 120, au sud de Saint-Agrève. Le lieu est composé de deux espaces, une salle de café, espace convivial de dialogue et de rencontre où l’on a plaisir à s’attarder et à regarder des œuvres exposées et une grande salle d’exposition. Le sous-sol du local est réservé aux ateliers des artistes.  


Antoine Abel a suivi un cursus de trois années à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulon, complété d’un DNSEP aux Beaux-Arts de Clermont-Ferrand.  Juliette Rault est diplômée de l’Ecole d’Architecture de Grenoble. Tous deux poursuivent leurs pratiques personnelles tout en faisant vivre l’Association.  En 2018  La Nouvelle Manufacture a programmé six événements, les expositions personnelles  de Ludovic Paquelier (mai-juin), Jean Bonichon (août-septembre) et Fernando Galvez (octobre-novembre), l’exposition « Reborn » avec Thomas Pallin et Guillaume Rojouan, une « fête du printemps » (4 et 5 mai)  et un Festival de dessin (20, 21 et 22 juillet). 


Depuis le 5 août, La Nouvelle Manufacture présente « Battre la brèche », une exposition de Jean Bonichon, dans la grande salle et les Dioramas de Juliette Rault, dans le café.
Jean Bonichon à qui on a donné carte blanche, présente une installation monumentale dans le cadre d’un parcours artistique « des échappées du Partage des eaux », initié par le Parc Natural régional des monts d’Ardèche.  Il s’agit une forêt de bouleaux constituée d’une soixantaine d’arbres ébranchés découpés en tronçons réguliers, certains ont été calcinés avant d’être remontés pour reconstituer les arbres d’origine, en alternant tronçon brûlé et tronçon naturel, ce qui crée un effet visuel en damier blanc-noir.  La disposition des arbres mime une forêt naturelle et non l’alignement géométrique d’une plantation. Déambuler entre les piliers végétaux devient une expérience sensorielle visuelle, mais aussi olfactive car les tronçons calcinés dégagent une odeur âcre d’incendie, alors que les tronçons recouverts d’écorce blanche sont doux au regard et au toucher comme un épiderme vivant. L’installation multiplie les zones de contrastes, les lignes de faille. 




L’expérience du spectateur s’inscrit dans un déplacement du corps dans l’espace qui fait bouger les lignes verticales des arbres piliers et les horizontales des larges bandes noires ou blanches dessinées sur les troncs.  En bougeant, il modifie les alignements et la perception de l’espace, un tronc peut tout aussi bien en cacher un autre qu’en faire surgir plusieurs dans le champ visuel et par la même, resserrer ou relâcher le maillage des grandes lignes verticales et des horizontales.  Ainsi, l’espace semble respirer, tantôt se dilater en prenant du souffle ou se resserrer en expirant, invitant à considérer le rythme de vie de la forêt, son rôle de poumon vert, mais aussi sa fragilité face aux pressions climatiques et économiques auxquelles elle est soumise. La vie et la mort du bois sont présentées comme deux entités aussi réelles et aussi présentes l’une que l’autre… C’est une proposition forte qui occupe l’espace de la salle d’exposition d’une façon très esthétique aussi.


Jean Bonichon, "Battre la brèche" (2018)

Diorama de Juliette Rault




Dans la salle du café où nous nous sommes aussi attardés, Juliette Rault propose des Dioramas. Ce sont des boîtes présentant des scènes en relief, des paysages dans lesquels des figurines miniatures racontent une histoire. Ici les fables ont toujours pour fonction d’avertir d’un danger écologique auquel notre monde est soumis à cause de nos modes de vies. Marées noires, épidémies, extinction des espèces par l’usage de produits toxiques pour l’environnement, ou pour combler nos envies futiles de consommateurs… Une manière de nous mettre face à nos responsabilités en proposant des tableaux  aussi présents que  des captures d’écrans de flash d’actualités, le détournement artistique et la mise à distance du réel en plus, pour faire naître le regard critique.

L'exposition "Battre la Brèche", installation de jean Bonichon
du 5 août au 9 septembre 2018
 ouvert du mercredi au dimanche 
de 14 à 18 heures

La Nouvelle Manufacture
350 rue du Garail
07310 Saint-Martin-de-Valamas

On peut suivre l’actualité de La Nouvelle Manufacture sur leur site ou leur page facebook
06 73 27 37 96







samedi 4 août 2018