lundi 31 mars 2014

Jacques Prévert et le Groupe Octobre, Citroën, la grève de 1933

Citroën

À la porte des maisons closes
C’est une petite lueur qui luit…
Mais sur Paris endormi, une grande lumière s’étale :
Une grande lumière grimpe sur la tour,
Une lumière toute crue.
C’est la lanterne du bordel capitaliste,
Avec le nom du tôlier qui brille dans la nuit.

Citroën ! Citroën !

C’est le nom d’un petit homme,
Un petit homme avec des chiffres dans la tête,
Un petit homme avec un sale regard derrière son lorgnon,
Un petit homme qui ne connaît qu’une seule chanson,
Toujours la même.

Bénéfices nets…
Millions… Millions…

Une chanson avec des chiffres qui tournent en rond,
500 voitures, 600 voitures par jour.
Trottinettes, caravanes, expéditions, auto-chenilles, camions…

Bénéfices nets…
Millions… Millions…Citron… Citron

Et le voilà qui se promène à Deauville,
Le voilà à Cannes qui sort du Casino

Le voilà à Nice qui fait le beau
Sur la promenade des Anglais avec un petit veston clair,
Beau temps aujourd’hui ! le voilà qui se promène qui prend l’air.

Il prend l’air des ouvriers, il leur prend l’air, le temps, la vie
Et quand il y en a un qui crache ses poumons dans l’atelier,
Ses poumons abîmés par le sable et les acides, il lui refuse
Une bouteille de lait. Qu’est-ce que ça peut bien lui foutre,
Une bouteille de lait ?
Il n’est pas laitier… Il est Citroën.

Il a son nom sur la tour, il a des colonels sous ses ordres.
Des colonels gratte-papier, garde-chiourme, espions.
Des journalistes mangent dans sa main.
Le préfet de police rampe sous son paillasson.

Citron ?… Citron ?… Millions… Millions…

Et si le chiffre d’affaires vient à baisser, pour que malgré tout
Les bénéfices ne diminuent pas, il suffit d’augmenter la cadence et de
Baisser les salaires des ouvriers

Baisser les salaires

Mais ceux qu’on a trop longtemps tondus en caniches,
Ceux-là gardent encore une mâchoire de loup
Pour mordre, pour se défendre, pour attaquer,
Pour faire la grève…
La grève…

Vive la grève !
Jacques Prévert

dimanche 30 mars 2014

Les moutons noirs des nuits d'hiver, Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou

Guillaume Apollinaire, né Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky,  en août 1880 à Rome et mort le 9 novembre 1918 à Paris, s'est engagé volontairement pour servir la France en 1914.  Sa première demande, en août 1914 est ajournée par le Conseil de Révision car il n'a pas la nationalité française.  Il en fait alors la demande; il  est incorporé en décembre 1914.  Entre les deux demandes, il a rencontré Louise de Coligny-Chatillon, à Nice. Il la surnomme Lou.  La relation n'est pas simple, ni apaisée.  Après son départ pour le front, Apollinaire lui écrit des lettres-poèmes dans lesquelles il exprime un amour passionné, mais aussi la vie des soldats du front, dans les tranchées et  souvent les deux sont mêlés. 
La semaine dernière, dans un des films Apocalypse programmés sur France 2, j'ai entendu quelques vers d'un poème d'Apollinaire que j'ai retrouvé parmi les Poèmes à Lou , publiés seulement en 1955.
Pour illustrer le poème, je choisis un dessin de Frédéric Pajak d'après une photo montrant Apollinaire la tête bandée après sa trépanation en 1916, suite à la blessure causée par un éclat d'obus.  Frédéric Pajak a écrit Le Chagrin d'Amour, publié en 2000 aux Presses Universitaires de France. Un très beau livre dans lequel il parle des blessures d'Apollinaire,  blessures physiques mais surtout de coeur et puis de bien autre chose...


                 XX

Les moutons noirs des nuits d'hiver
S'amènent en longs troupeaux tristes
Les étoiles parsèment l'air
Comme des éclats d'améthystes

Là-bas tu vois les projecteurs
Jouer l'aurore boréale
C'est une bataille de fleurs
Où l'obus est une fleur mâle

Les canons membres génitaux
Engrossent l'amoureuse terre
Le temps est aux instincts brutaux
Pareille à l'amour est la guerre

Ecoute au loin les branle-bas
Claquer le drapeau tricolore
Au vent dans le bruit des combats
Qui durent du soir à l'aurore

Salut salut au régiment
Qui va rejoindre les tranchées
Dans le ciel pâle éperdument
Sur lui la victoire est penchée

Mon cœur embrasse les deux fronts
Front de Toutou front de l'armée
Ce qu'ils ont fait nous le ferons
Au revoir ô ma bien-aimée

vendredi 21 mars 2014

La partie de billard, Alphonse Daudet

Dans le journal Le Soir du 26 septembre 1871, Alphonse Daudet faisait paraître cette nouvelle intitulée "La partie de billard".  Elle sera reprise ensuite dans Les Contes du lundi, publiés en 1873.

La partie de billard
 
Comme on se bat depuis deux jours et qu'ils ont passé la nuit sac au dos sous une pluie torrentielle, les soldats sont exténués. Pourtant voilà trois mortelles heures qu'on les laisse se morfondre, l'arme au pied, dans les flaques des grandes routes, dans la boue des champs détrempés.
Alourdis par la fatigue, les nuits passées, les uniformes pleins d'eau, ils se serrent les uns contre les autres pour se réchauffer, pour se soutenir. Il y en a qui dorment tout debout, appuyés au sac d'un voisin, et la lassitude, les privations se voient mieux sur ces visages détendus, abandonnés dans le sommeil. La pluie, la boue, pas de feu, pas de soupe, un ciel bas et noir, l'ennemi qu'on sent tout autour. C'est lugubre…
Qu'est-ce qu'on fait là ? Qu'est-ce qui se passe ?
Les canons, la gueule tournée vers le bois, ont l'air de guetter quelque chose. Les mitrailleuses embusquées regardent fixement l'horizon. Tout semble prêt pour une attaque. Pourquoi n'attaque-t-on pas ? Qu'est-ce qu'on attend ?…
On attend des ordres, et le quartier général n'en envoie pas.
Il n'est pas loin cependant le quartier général. C'est ce beau château Louis XIII dont les briques rouges, lavées par la pluie, luisent à mi-côte entre les massifs. Vraie demeure princière, bien digne de porter le fanion d'un maréchal de France. Derrière un grand fossé et une rampe de pierre qui les séparent de la route, les pelouses montent tout droit jusqu'au perron, unies et vertes, bordées de vases fleuris. De l'autre côté, du côté intime de la maison, les charmilles font des trouées lumineuses, la pièce d'eau où nagent des cygnes s'étale comme un miroir, et sous le toit en pagode d'une immense volière, lançant des cris aigus dans le feuillage, des paons, des faisans dorés battent des ailes et font la roue. Quoique les maîtres soient partis, on ne sent pas là l'abandon, le grand lâchez-tout de la guerre. L'oriflamme du chef de l'armée a préservé jusqu'aux moindres fleurettes des pelouses, et c'est quelque chose de saisissant de trouver, si près du champ de bataille, ce calme opulent qui vient de l'ordre des choses, de l'alignement correct des massifs, de la profondeur silencieuse des avenues.
La pluie, qui tasse là-bas de si vilaine boue sur les chemins et creuse des ornières si profondes, n'est plus ici qu'une ondée élégante, aristocratique, avivant la rougeur des briques, le vert des pelouses, lustrant les feuilles des orangers, les plumes blanches des cygnes. Tout reluit, tout est paisible. Vraiment, sans le drapeau qui flotte à la crête du toit, sans les deux soldats en faction devant la grille, jamais on ne se croirait au quartier général. Les chevaux reposent dans les écuries. Çà et là on rencontre des brosseurs, des ordonnances en petite tenue flânant aux abords des cuisines, ou quelque jardinier en pantalon rouge promenant tranquillement son râteau dans le sable des grandes cours.
La salle à manger, dont les fenêtres donnent sur le perron, laisse voir une table à moitié desservie, des bouteilles débouchées, des verres ternis et vides, blafards sur la nappe froissée, toute une fin de repas, les convives partis. Dans la pièce à côté, on entend des éclats de voix, des rires, des billes qui roulent, des verres qui se choquent. Le maréchal est en train de faire sa partie, et voilà pourquoi l'armée attend des ordres. Quand le maréchal a commencé sa partie, le ciel peut bien crouler, rien au monde ne saurait l'empêcher de la finir.
Le billard !
C'est sa faiblesse à ce grand homme de guerre. Il est là, sérieux comme à la bataille, en grande tenue, la poitrine couverte de plaques, l'œil brillant, les pommettes enflammées, dans l'animation du repas, du jeu, des grogs. Ses aides de camp l'entourent, empressés, respectueux, se pâmant d'admiration à chacun de ses coups. Quand le maréchal fait un point, tous se précipitent vers la marque ; quand le maréchal a soif, tous veulent lui préparer son grog. C'est un froissement d'épaulettes et de panaches, un cliquetis de croix et d'aiguillettes, et de voir tous ces jolis sourires, ces fines révérences de courtisans, tant de broderies et d'uniformes neufs, dans cette haute salle à boiseries de chêne, ouverte sur des parcs, sur des cours d'honneur, cela rappelle les automnes de Compiègne et repose un peu des capotes souillées qui se morfondent là-bas, au long des routes, et font des groupes si sombres sous la pluie.
Le partenaire du maréchal est un petit capitaine d'état-major, sanglé, frisé, ganté de clair, qui est de première force au billard et capable de rouler tous les maréchaux de la terre, mais il sait se tenir à une distance respectueuse de son chef, et s'applique à ne pas gagner, à ne pas perdre non plus trop facilement. C'est ce qu'on appelle un officier d'avenir…
« Attention, jeune homme, tenons-nous bien. Le maréchal en a quinze et vous dix. Il s'agit de mener la partie jusqu'au bout comme cela, et vous aurez fait plus pour votre avancement que si vous étiez dehors avec les autres, sous ces torrents d'eau qui noient l'horizon, à salir votre bel uniforme, à ternir l'or de vos aiguillettes, attendant des ordres qui ne viennent pas. »
C'est une partie vraiment intéressante. Les billes courent, se frôlent, croisent leurs couleurs. Les bandes rendent bien, le tapis s'échauffe… Soudain la flamme d'un coup de canon passe dans le ciel. Un bruit sourd fait trembler les vitres. Tout le monde tressaille ; on se regarde avec inquiétude. Seul le maréchal n'a rien vu, rien entendu : penché sur le billard, il est en train de combiner un magnifique effet de recul ; c'est son fort, à lui, les effets de recul !…
Mais voilà un nouvel éclair, puis un autre. Les coups de canon se succèdent, se précipitent. Les aides de camp courent aux fenêtres. Est-ce que les Prussiens attaqueraient ?
« Eh bien, qu'ils attaquent ! dit le maréchal en mettant du blanc… À vous de jouer, capitaine. »
L'état-major frémit d'admiration. Turenne endormi sur un affût n'est rien auprès de ce maréchal, si calme devant son billard au moment de l'action… Pendant ce temps, le vacarme redouble. Aux secousses du canon se mêlent les déchirements des mitrailleuses, les roulements des feux de peloton. Une buée rouge, noire sur les bords, monte au bout des pelouses. Tout le fond du parc est embrasé. Les paons, les faisans effarés clament dans la volière ; les chevaux arabes, sentant la poudre, se cabrent au fond des écuries. Le quartier général commence à s'émouvoir. Dépêches sur dépêches. Les estafettes arrivent à bride abattue. On demande le maréchal.
Le maréchal est inabordable. Quand je vous disais que rien ne pourrait l'empêcher d'achever sa partie.
« À vous de jouer, capitaine. »
Mais le capitaine a des distractions. Ce que c'est pourtant que d'être jeune ! Le voilà qui perd la tête, oublie son jeu et fait coup sur coup deux séries, qui lui donnent presque partie gagnée. Cette fois le maréchal devient furieux. La surprise, l'indignation éclatent sur son mâle visage. Juste à ce moment, un cheval lancé ventre à terre s'abat dans la cour. Un aide de camp couvert de boue force la consigne, franchit le perron d'un saut : « Maréchal ! maréchal ! » Il faut voir comment il est reçu… Tout bouffant de colère et rouge comme un coq, le maréchal paraît à la fenêtre, sa queue de billard à la main :
« Qu'est-ce qu'il y a ?… Qu'est-ce que c'est ?… Il n'y a donc pas de factionnaire par ici ?
– Mais, maréchal…
– C'est bon… Tout à l'heure… Qu'on attende mes ordres, nom de… D… ! »
Et la fenêtre se referme avec violence.
Qu'on attende ses ordres !
C'est bien ce qu'ils font, les pauvres gens. Le vent leur chasse la pluie et la mitraille en pleine figure. Des bataillons entiers sont écrasés, pendant que d'autres restent, inutiles, l'arme au bras, sans pouvoir se rendre compte de leur inaction. Rien à faire. On attend des ordres… Par exemple, comme on n'a pas besoin d'ordres pour mourir, les hommes tombent par centaines derrière les buissons, dans les fossés, en face du grand château silencieux. Même tombés, la mitraille les déchire encore, et par leurs blessures ouvertes coule sans bruit le sang généreux de la France… Là-haut, dans la salle de billard, cela chauffe terriblement : le maréchal a repris son avance ; mais le petit capitaine se défend comme un lion…
Dix-sept ! dix-huit ! dix-neuf !…
À peine a-t-on le temps de marquer les points. Le bruit de la bataille se rapproche. Le maréchal ne joue plus que pour un. Déjà des obus arrivent dans le parc. En voilà un qui éclate au-dessus de la pièce d'eau. Le miroir s'éraille ; un cygne nage, épeuré, dans un tourbillon de plumes sanglantes. C'est le dernier coup…
Maintenant, un grand silence. Rien que la pluie qui tombe sur les charmilles, un roulement confus au bas du coteau, et, par les chemins détrempés, quelque chose comme le piétinement d'un troupeau qui se hâte… L'armée est en pleine déroute. Le maréchal a gagné sa partie.
Très beau texte de Daudet, écrit peu après la guerre de 1870 contre la Prusse, qui s'est soldée par une défaite radicale et particulièrement meurtrière, pour la France.  La nouvelle transpose toute la critique qu'il y avait à faire sur la mauvaise préparation des troupes française, la désuétude de leur équipement, leur manque  d'entraînement... et,  un commandement incompétent.  Daudet  incarne tout cela dans  l'indifférence du maréchal uniquement préoccupé de sa partie de jeu ... Hommage est rendu aux hommes de troupe. 
Bien sûr, il faut le dire, j'ai eu l'idée de publier ce texte après avoir regardé les films "Apocalyse, première guerre mondiale", diffusés sur France 2. 
 http://apocalypse.france2.fr/premiere-guerre-mondiale/undefined/premiere-guerre-mondiale/fr/home
Le folie des hommes et particulièrement des hommes de pouvoir en 14, semble égaler celle de ce maréchal en 1870 ...

Lexington slow down, Mark Lanegan


dimanche 9 mars 2014

un blanc léger au bord du chemin



Ce n'est pas le titre du texte dont je voudrais recopier un extrait ici, pour dire la surprise renouvelée  d'année en année quand les amandiers fleurissent.  En roulant en vélo, ce matin (il faisait un temps absolument printanier), j'étais moins étonnée de les voir en fleur au bord du chemin qu'il y a quelques semaines quand la balade dominicale m'avait emmenée sur les rives de l'étang de Berre, du côté de Saint Chamas.  Si tôt au mois de février, je les pensais  fous de donner déjà leur floraison quand les frimas étaient encore à redouter.  Ce matin, l'air était si joyeusement vibrant sous le soleil  que je n'avais plus aucune crainte, l'euphorie de l'effort se conjuguant à la merveille du temps et des lieux ( la face sud de Sainte Victoire et la plaine de Trets) ne pouvaient nuancer le plaisir de découvrir de place en place des amandiers fleuris.  


"     Une nébuleuse ?  Une nuée d'étoiles dans les branches, au fond des champs?
      Mais c'est chercher trop loin de nos chemins.

     Cela Surgit un jour, inattendu, quand nous passons, à côté de nous, c'est là pour peu de temps et cependant nous ouvrons les yeux là-dessus ( comme ces fleurs se sont ouvertes), et nous aussi, nous sommes là pour peu de temps.  Nous considérons une chose vivante elle aussi, une vie, mais différente de la nôtre parce qu'elle se déroule selon un cycle annuel - fleurs, feuilles, fruits, branches nues-, créant ainsi l'illusion d'une permanence, alors qu'il s'agit d'un mouvement en spirale par rapport au nôtre, qui serait en ligne droite.
     Une rencontre. Encore semble-t-il que cette autre vie ne nous voit pas: non seulement passagère, mais aveugle; et nous, pourquoi respirons-nous ces choses de tous nos yeux?

      (Pourquoi les fleurs des vergers sont-elles toutes blanches ou roses, jamais, par exemple, jaunes ou bleues?
      Ce qu'il y a, comme couleur, de plus proche du rien d'où elles semblent naître et de l'air qui les porte; la couleur la moins marquée par l'ombre, la plus légère, et comme la plus vite effacée, ou tachée.)

      Une chose dont on ne peut rien faire (que la voir), à peine la respirer, qu'on ne peut manger. Fraîche. Où il n'y a pas de sang.

     Nullement exsangue toutefois comme le spectre, ou l'homme évanoui, livide.  On dirait plutôt que là, le sang n'est pas encore venu ou ne s'est pas encore montré, qu'il va venir.  C'est quelque chose qui paraît d'abord et qui paraît avant, qui se risque au sortir de l'hiver ( une neige chassant la neige?), qui s'aventure alors que l'herbe même ni aucune feuille ne l'a osé, qui commence, qui inaugure ( sans solennité, sans prétention, sans bruit); comme quand sort d'une bouche le premier mot d'un tendre entretien. (Combien de fois encore l'entendrons-nous? Pas si nombreuses. Et chaque fois, j'en ai peur, de plus loin.)  "

Texte de Philippe Jaccottet, A travers un verger, 1974, Fata Morgana, p. 13 à 15


Il faut noter que les oeuvres complètes de Philippe Jaccottet viennent de paraître en Pléiade

samedi 1 mars 2014

Vernissage de l'exposition "Figures du double : métamorphoses" à Bouc-Bel-Air


 Un article dans la Provence du samedi 1er mars  annonçait l'exposition Figures du double: métamorphoses au château de Bouc-Bel-Air. 
L'exposition est visible tous les jours jusqu'au 5 mars, du lundi au vendredi de 15h à 18h. Samedi et dimanche de 12h à 18h. 


L'inauguration de l'exposition s'est faite en présence du maire, de certains de ses adjoints et de la présidente de Perspectives, Jeanine Mège-Morin qui a ainsi présenté le projet:

"Nous avons proposé aux artistes cette année de croiser les énigmes du double et de la métamorphose et nous avons invité à une mise en images des transformations qu’on associe aux figures du double.

Aujourd’hui on navigue beaucoup dans le doute entre  le vrai et le faux,  entre  qui est moi et ce qui n’est pas moi, entre l’humain et le monde animal. On traverse les frontières du vivant et de l’inerte . On prend plaisir à voir revivre sur écran les reformulations des mythes anciens où les fureurs des divinités pouvaient brutalement bouleverser les apparences humaines. On s’émerveille pour ce qu’on appelle les miracles de la médecine, ces miracles qui  transforment les jeunes en vieux et les bandits en honnêtes gens .

Aux temps de crises permanentes l’individu en perte d’identité vit de rôles et de déguisements qui ne trompent que lui mais rêve toujours d’être lui-même en luttant contre l’autre. En temps de crise les offres de consolations appellent  au voyage imaginaire dans le Bonheur possible pour tous. L’art et la culture reprennent vie pour nous aider à éclairer les confusions troublantes des changements en cours.

 Quel regard les artistes portent-ils sur les nouvelles figures du double quand elles s’accompagnent de métamorphoses ?"( Jeanine Mège-Morin)
  Comme souvent, je rends compte ici de l'ambiance de l'exposition et j'essaie de la parcourir au milieu des visiteurs pour en proposer quelques photos souvenir. Il y a toujours des manques et des oublis ou des photos ratées.  Le coup d'oeil n'est donc pas exhaustif.   Pour retrouver et apprécier la qualité des oeuvres, il faut se déplacer !

 Claude Bernus

Rictus
16 tableaux placés sur un panneau de 185 x 56 cm,
pastel gras
 Jorge Perez

GeoLand 1, 2, 3 et 4
50x50cm
tirage numérique jet d'encre papier velvet 285gr
Pour voir d'autres aspects de son travail, allez sur  lookmeluck.com et cliquez sur le travail de Jorge.  (Jorge's works)

 Sculpture Marie-Christine Rabier

Aréthuse

168/38/30

terre à grès cirée, cuivre, eau

coll. part

Aréthuse, Nymphe de la mythologie célébrée par Ovide dans

les Méthamorphoses, donna son nom à la fontaine de l'Ile d'Ortygie,

près de Syracuse.

 Un jour, après la chasse, pour se rafraîchir, Aréthuse se baigna dans

le fleuve Alphée qui, follement amoureux de la Nymphe, se mit à la
poursuivre sous la forme d'un chasseur.
Epuisée, Aréthuse implora  Artémis de la sauver. La déesse la dissimula
derrière un épais nuage et la changea en fontaine.
Mais, Alphée reprenant sa forme de fleuve la suivit dans les entrailles
de la terre afin de mêler ses eaux à celle d'Aréthuse.( Marie-Christine Rabier)

Photos P.-E. Daumas
 Maïla Gracia,

Installation sculpture/photo
plâtre et graines
photographie numérique sur dibond

BICEPHALLIC (elle-est-fente)

Dans la lignée de «Masques et parures» Bicephallic (elle-est-fente) synthétise une virilité exagérée dans ses formes, belliqueuses et bégayantes, et la fertilité en puissance des grains colorés de sa robe.

Le porteur doit se cramponner à ses cornes, pendant qu'est  négocié un accord androgyne entre  poids et  posture adéquate.

Entrave et trophée, ce masque exige une lutte qui s'épanouit en potentiel identificatoire, opérant cette fusion provisoire et persistante de corps, de natures, de discours. (Maïla Gracia)

retrouvez son travail sur son site 

 Nathalie Hugues

The Stalker: 190 cm x 150.
peintures sur papier

 Sculpture Pierre Paindessous

Mur  Murs
340 x 120 x 50 cm
terre chamotée, acier

Le travail plastique réalisé pour l’exposition renvoie à la thématique du MUR (voire de la frontière) qui sépare autant qu’il réunit communautés ou états hostiles dans la même destinée historique. Le hasard fait que l’UN n’est pas l’AUTRE mais que l’UN peut devenir l’AUTRE, son DOUBLE, quelque soit l’obstacle qu’on lui oppose.Dans le cas présent, par un dispositif plastique de retournement progressif (et donc de renversement progressif de l’Histoire), l’UN qui était étranger ou ennemi se voit métamorphosé en l’AUTRE. De plus, la sculpture se présente comme un mur/barrière de sécurité en 3 fragments qui est disposé comme un obstacle que les visiteurs devront eux-mêmes contourner.Sculpture »horizontale » donc (et non pas sculpture-totem)participant de l’Espace-Milieu qui est celui du visiteur. Elle joue d’un notion propre à la sculpture : l’équilibre, qui renvoie ici à l’équilibre de la terreur, propre à certaines situations politiques. Ce travail est aussi un Hommage à « La Reddition de Bréda » peint parVélasquez en 1635 et qui fait allusion à la lutte armée entre et espagnols et néerlandais, tour à tour vainqueurs et vaincus, comme le peintre le symbolise à travers la figure tête-bêche de retournement des chevaux des 2 ennemis. (Pierre Paindessous)
peinture Maïlys Girodon
Acte 0, 2014
190x180 cm
pigment et acrylique sur drap, fils cousus

 Dessins Mélizart

sans titre
40x50cm x6
technique mixte

 Ninatomàs,

Racines fuyantes, 2013
30 x 30 cm x4
techn.mixte sur toile
Overdose, 2012
90 x 45 cm
fusain sur toile
retrouvez son travail sur son site 

 Delphine Poitevin,

Ebauches scéniques
ensemble comprenant neuf dessins,
accompagné d’une animation
29,7 x 42 cm x9
technique mixte, impression sur papier
retrouvez son travail sur son blog



 Florence Laude

installation "le moi et l'autre"
96 x 195cm et 114 x 196cm
acrylique sur toile

L’installation comprendra en outre un livre à feuilleter posé sur un socle  et posée au sol devant la toile une sculpture de Georges Guye ( une fleur de lin ) de 50 cm de haut.
Explication de la démarche:

L’an dernier, le thème retenu était Figures du double.  J’avais réalisé à cette intention des autoportraits.  Certains étaient des   impressions monotype  sur papier, d’autres jouaient avec les découpages  et les superpositions de feuilles avec ombres, des doubles.  Cette année, Perspectives  modifie le titre du thème en Figures du double et  Métamorphoses.  J’ai donc pensé à prolonger le travail commencé l’an passé sur le double, mon double, mais en le « métamorphosant».  C’est là que j'ai  proposé à des personnes d’intervenir.
 Je pense que la vie ne cesse de (nous amener à) nous transformer à la fois dans notre chair, dans notre esprit, dans notre réalité mais aussi dans la relation à la réalité du monde qui nous entoure, nous demandant sans cesse de réévaluer notre rapport à nous même, au monde et aux autres.  Mais pour l’autre qui sommes-nous ?  Un être formé d’une somme de regards, comment apparaît-il ?  Il me semble que dans ces figures apparaît non seulement le double, mais la métamorphose du double, comme j'ai voulu l’explorer et l’exposer.

 J’ai donc écrit  à  un grand nombre de personnes  (amis  me connaissant depuis très  longtemps ou rencontrés plus récemment, personnes avec qui j’ai noué des liens pour diverses raisons amicales,  artistiques, les unes excluant pas les autres, des amis qui se connaitront ou pas  personnes de ma famille  et même des artistes de Perspectives … ! )  pour leur demander de m’envoyer une image (découpée quelque part), ou un dessin, un élément visuel (objet), un mot écrit par vous ou une citation, enfin, quelque chose à leur guise  ( la liste énoncée n’est pas limitative) dont ils penseraient qu’il a un lien fort et significatif avec l’image qu'ils ont de moi… Eh oui, on peut être représenté par autre chose ( autre forme) que son image mimétique.     Ainsi grâce à ces contributions, je pourrais  me figurer une autre image de moi : la forme, l’image que l’autre voit en moi   (au risque de ne pas m’y  reconnaître  ou  au  contraire d’y voir ce que je n’ai pas envie de voir).  
Après réception des diverses images et/ou  objets visuels  etc …  je les  mettrai en forme, créant une figure  métamorphosée  de moi-même, par   juxtaposition des diverses perceptions  / représentations.



 Nicole Arsénian

Envahisseur
66x60cm
Figure transformation envahisseur cellule

 Arinae ( gauche)
Twins
diptyque  2 fois 110 x 55cmx2
photographie tirage papier contrecollé

  P.-E. Daumas ( droite)
Auto-portrait
53x73cm
impression jet d'encre sur papier Baryté, tirage 1/30

 Fumika Sato,

Métamorphose d’un oiseau de papier
gravure (collogravure) origami-gravure
80 x 60cm (8 gravures de 13x24 cm)

retrouvez son travail sur son site 
 Marie-Agnès Chaléas

Le cru et le cuit
Installation
Le Cru et le Cuit est un ouvrage de l'ethnologue français Claude Lévi-Strauss publié en 1964. Il s'agit du premier tome des Mythologiques.

Avant lui, peu danthropologues sétaient intéressés à la cuisine. Il insiste sur le fait qu'elle « constitue une forme dactivité humaine véritablement universelle .. »

Le passage entre les deux se fait par la métamorphose de la cuisson. Au départ comme à l'arrivée nous avons à faire aux mêmes produits. Il s'agit donc bien de double.

Entre les deux, un phénomène culturel : la cuisson au cours de laquelle les aliments se métamorphosent.


« Le passage d'une alimentation entièrement crue à une alimentation au moins en partie cuite eut sans doute des répercussions importantes sur l'organisme...les répercussions psychologiques et sociales restent...du domaine des suppositions... Mais il n'est pas interdit de penser qu'elles furent de première importance : répartition des tâches dans le groupe, collectivisation de la préparation et de la consommation des aliments, instauration de l'échange ».

Catherine Perlès, ethnologue de la préhistoire (M.-A. Chaléas)


Raphaël Morin,

Bienvenue au Paradis #1 et #2

installation vidéo (cadre numérique et tablette tactile interactive)

Une incitation : partir de la phrase « Il vaut mieux partir d'un cliché que d'y arriver » d'Alfred Hitchcock.

« Bienvenue au Paradis » est une série d’œuvre multimédia utilisant comme matériaux des cartes postales de mauvais goûts représentant des lieux  et des monuments emblématiques de Paris (Tour Eiffel, Sacré Cœur…).

Une contrainte : les créations numériques résultantes de cette recherche ne sont réalisées qu’à partir de ces cartes postales sans aucune autre source extérieure.

Le dispositif, propose par le détournement de ces clichés, un questionnement sur l’existence encore actuelle de ce genre d’images souvenirs.



« Bienvenue au Paradis » #1, Image numérique, cadre numérique :

Propose un espace onirique de récréation pour un chat jouant à la balle (le point sur le I) dans un espace hors du temps ou des personnes méditent sur des nuages.



« Bienvenue au Paradis » #2, Image animée, Tablette tactile interactive :

Propose un voyage vers les cieux, passant par différents états, différentes métamorphoses. La naissance, les limbes, l’entrée du paradis (les portes, l’ingestion), le jugement (la digestion), l’enfer.(Raphaël Morin)

retrouvez son travail sur son site 
 
Le travail de Raphaël ne peut rien donner sur photo, il est dans la lente transformation de l'image que l'on pense par moment immobile dans la lenteur du processus de transformation donnant à  l'oeil l'illusion de percevoir une image fixe alors que la métamorphose lentement s'accomplit à l'insu du spectateur.  D'autres fois, le mouvement est plus sensible, ce que l'on croit être des yeux ne sont peut-être que des  bouches qui ne sont peut-être qu'autant de portes pour entrer dans "Bienvenue au Paradis". La métamorphose comme une transformation fascinante et merveilleuse.  Ce n'est pas pour rien que les images fixes qui sont le point de départ de la ( ou des ?) métamorphose(s) sont d'une part le Sacré Coeur, la Tour Eiffel et quelques mignons chatons dans leur petit panier d'osier. Ces images agissent de façon subliminales pour composer un paradis mi-féérique, mi-spirituel dont la contemplation produit une sorte d'extase.  Voilà, tout cela pour raconter un peu ce que la photo ne peut pas rendre ...
Je me suis demandé quelle  impression cette métamorphose produirait si elle était projetée dans une salle obscure sur un écran mural. Cela vaudrait la peine d'être envisagé. La dimension du cadre photo est un écrin pour un bijou, l'étendue de la toile pourrait  convenir au Paradis... 
J'ai envie d'ajouter ces quelques mots extraits d'Aurélia de Gérard de Nerval : " C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, et où se dégagent de l'ombre et de la nuit les pâles figures  gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle l'illumine et fait jouer ces apparitions bizarres; - le monde des Esprits s'ouvre pour nous."   
Dans les métamorphoses de  Raphaël Morin, le point de départ est volontairement kitch et banal ( des cartes postales des monuments les plus visités à Paris et peut-être les plus commercialisées), alors la métamorphose transforme le monumental en animal ( ou vice-versa) et lui donne un supplément de formes en triturant les formes ( la déformation devenant principe de métamorphose) et de possible poétique ( que les images ne contenaient pas au départ, loin s'en faut !) qu'il nous propose d'envisager comme un Paradis. Un paradis qui n'est plus ni religieux ( Sacré Coeur), ni ouvrage humain ( la Tour Eiffel que j'ai envie de voir ici comme référence à la Tour de Babel), mais poétique de la rêverie évoquant Nerval ou Rimbaud: les "voyants".  (on peut lire ici le poème "Génie",dans Les Illuminations).(Florence Laude)

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