dimanche 20 mars 2016

Fernando Galvez - La Maison du Cygne - Six-Fours - du 1er Avril au 14 mai 2016

Le centre d'art, La Maison du Cygne  de Six-Fours (Var), présentera les oeuvres de Fernando Galvez du 1er Avril au 14 mai 2016. 

Vernissage vendredi 1er Avril
à 18h30
toutes les infos pratiques sur la Maison du Cygne  ICI 

Fernando GALVEZ
"les couleurs de la vie" 


2010 - Technique mixte - 210 x 230

 
On reconnaît dans la peinture de Fernando Galvez un peintre du sud. Dans ses toiles, surtout celles de la dernière décennie (2008 – 2016),  la lumière est ardente,  « retentissante des cymbales du soleil », comme l’écrit Albert Camus dans Noces et les couleurs donnent tout ce qu’elles peuvent.

Galvez travaille La Couleur, non pas une couleur mais toutes les couleurs et  compose sa toile en aplats et accumulation de couches en transparences. Les glacis,  technique largement utilisée à la Renaissance, permettent à la lumière de pénétrer les épaisseurs, alors que les surfaces opaques et mates la renvoient. Un foisonnement de sensations colorées fait vibrer la toile.  Toutes les couleurs sont belles et ne valent que dans les rapports qu’elles entretiennent les unes avec les autres, elles chuchotent, bruissent au rythme tendu de deux ou trois couleurs se chevauchant, mêlant l’un à l’autre leurs pigments dans un écoulement prodigieux.

La peinture de Galvez est construite sur la base d’un chaos de formes et de couleurs accumulées, mené jusqu’au point d’équilibre où tout tient dans un rapport tendu. La fraîcheur et la vivacité des couleurs  étonnent le regard. Pour exemple, l’improbable lumière assourdie et pourtant rayonnante qui émane d’une teinte aigüe nimbée d’un glacis bleu profond dont la fulgurance première se mue en délicieuse volupté. Une peinture composée d’oxymores visuels  surprenants et féconds. Un glacis vert, déposé sur un oranger ne fait pas un brun ; malgré l’impression optique ils ne se mélangent pas, ils se superposent imparfaitement, laissant affleurer l’oranger et le vert. C’est une réalité de la peinture que l’on découvre lorsqu’on la regarde de près.

Dans l’espace de l’atelier où Galvez peint, il faut que tout ce qui pourrait servir à la peinture, soit à portée de main, disponible dans l’instant. Peindre est l’urgence de voir, de sentir, de faire car dans le temps de la création le peintre est  disponible à la dictée intérieure et  aux rencontres de hasard qui requièrent le geste décisif, empreint de fatalité. Chaque geste est irrévocable.  Entrer dans l’atelier pour peindre,  c’est  se préparer à une cérémonie, c’est jouer d’une certaine manière, sa vie. Michel Leiris écrit dans un texte intitulé  De la littérature considérée comme une tauromachie  ( 1946),  «  ce qui se passe dans le domaine de l’écriture n’est-il pas dénué de valeur si cela reste « esthétique », anodin, dépourvu de sanction, s’il n’y a rien, dans le fait d’écrire une œuvre, qui soit un équivalent [...] de ce qu’est pour le torero la corne acérée du taureau, qui seule – en raison de la menace matérielle qu’elle recèle – confère une réalité humaine à son art, l’empêche d’être autre chose que grâces vaines de ballerine ? » On trouve chez Galvez une conception analogue quant à l’implication totale et dramatique, pour ne pas dire dangereuse, du peintre dans son œuvre.

Pour Galvez, l’image du peintre qui, à l’instar du torero tourne autour de sa toile et se livre avec elle à un combat réglé, n’est pas l’image de l’artiste qui aurait des comptes à régler avec la peinture. Qu’on le comprenne,  ce n’est pas tuer la peinture, bien au contraire.  C’est tuer tout ce qui s’interpose entre la peinture et lui. C’est chercher dans la fusion ce risque qui est la sincérité d’être tout entier consacré à, et se donner tout entier dans ce que l’on accomplit.  Le domaine de la toile est un espace de non compromis. Il s’agit de se dépouiller de tout ce qui pourrait encore et malgré tout être un masque ; tout abandonner pour ne rien abandonner de soi-même.

 Une toile aussi  belle à regarder soit-elle, lumineuse, colorée, qui me donne la sensation de porter toute l’idée que je me fais de la vie heureuse  avec ses couleurs bondissant en avant de la toile comme des rayons de lumière; cette autre qui  m’apaise et m’offre la sensation d’une promenade dans un paysage idéal où mon œil vagabonde  capté  par les menus reliefs de la matière, émerveillé par la bizarrerie des couleurs en fusion, étonné par les formes qui  bougent, avancent ou reculent selon ce que je fixe ;  tout cela que l’on aurait envie de définir par le mot baroque tant le mouvement, l’impermanence, les contrastes entre lumière et ombre habitent ces œuvres ;  tout cela, me procure un grand  bonheur à le regarder et témoigne encore d’une victoire temporaire de  la vie  sur la mort.

Tout cela incarne la puissante et contradictoire personnalité de Galvez, puisée dans ses origines andalouses.  Né à Paris en 1960, il a hérité du sud de l’Espagne, de ces régions où le soleil noircit la campagne, ce sens du tragique qui s’exprime dans la dualité entre lumière et ténèbres,  joie et  souffrance, que l’on retrouve dans l’esprit du flamenco. Federico Garcia Llorca  dans  Jeu et Théorie du Duende (1930),  définit ce terme souvent utilisé pour caractériser « le charme mystérieux et ineffable du flamenco », comme l’instant de grâce fébrile  où tout semble à sa place sans jamais échapper à l’esprit douloureux de l’âme espagnole. Federico Garcia Llorca le formule ainsi : « le duende aime le bord de la plaie et s’approche des endroits où les formes se mêlent en une aspiration qui dépasse leur expression visible ».  Le duende existe dans toutes les formes d’arts, la musique, la danse, la poésie et la peinture. C’est le moment où les limites entre l’intérieur et l’extérieur n’existent plus, où l’osmose entre la pensée de l’artiste, le geste et la matière s’accomplit dans un acte qui doit moins à la conscience rationnelle qu’à une faculté d’être présent à toutes les perceptions et de les muer  en mouvement et en forme.  C’est à trouver ce moment de grâce - qui n’est pas un lâcher-prise, mais au contraire un accomplissement entre soi, la peinture et le monde - que travaille  Galvez et qui fait que le spectateur ressent quelque chose d’intense en présence de ses toiles.

Mais, gardons-nous d’accorder une place trop importante à l’impact biographique sur la création et trop peu à la peinture elle-même. Galvez est peintre. Son  langage est abstrait et ce qui importe avant tout c’est la peinture dépouillée d’un devoir de représentation. Même chez les plus grands maîtres dont il a nourri son regard et sa réflexion,  Vélasquez,  Goya et Rembrandt, ce qu’il retient est moins le sujet représenté que la peinture elle-même,  leur coup de brosse, leurs couleurs, leur vie et leur personnalité qui s’inscrit dans la matière.  Les territoires abstraits sont  l’empreinte d’une humanité et d’une oeuvre qui ont vocation à la postérité.  



Florence Laude                  

 6 mars 2016

Professeur de lettres modernes et plasticienne




site de Fernando GALVEZhttp://www.fernando-galvez.fr/

 La Maison du Cygne - Six-Fours 

A signaler, une autre expo de Fernando Galvez à la galerie " Le Phare", à Toulon, jusqu'au 29 Avril:

infos à consulter  ici :   http://imagesentete.blogspot.fr/2016/03/fernando-galvez-peintre-exposition-au.html

3 commentaires:

pierre vallauri a dit…

Ton texte critique, ne donne qu'une envie: c'est d'y aller voir et ressentir ces vibrations colorées au plus vite.
D'autant que la maison du Cygne est située dans un très bel endroit où le printemps naissant doit lui aussi faire merveilles.
merci.

JM a dit…

Beau texte pour encenser une oeuvre qui le mérite!

Flo Laude a dit…

Cher Pierre, je viens d'illustrer l'article de quelques photos ... tu as raison, la Maison du Cygne est une sorte de Fondation Maeght ( toutes proportions gardées) le jardin est magnifique, surtout en cette saison ( Voir la photo ajoutée).

Merci pour vos commentaires encourageants.