Le centre d'art, La Maison du Cygne de Six-Fours (Var), présentera les oeuvres de Fernando Galvez du 1er Avril au 14 mai 2016.
Vernissage vendredi 1er Avril
à 18h30
2010 - Technique mixte - 210 x 230
On reconnaît dans la peinture de Fernando Galvez un
peintre du sud. Dans ses toiles, surtout celles de la dernière décennie (2008 –
2016), la lumière est ardente, « retentissante des cymbales du
soleil », comme l’écrit Albert Camus dans Noces et les couleurs donnent tout ce qu’elles peuvent.
Galvez travaille La
Couleur, non pas une couleur mais toutes les couleurs et compose sa toile en aplats et accumulation de
couches en transparences. Les glacis, technique
largement utilisée à la Renaissance, permettent à la lumière de pénétrer les
épaisseurs, alors que les surfaces opaques et mates la renvoient. Un
foisonnement de sensations colorées fait vibrer la toile. Toutes les couleurs sont belles et ne valent
que dans les rapports qu’elles entretiennent les unes avec les autres, elles chuchotent,
bruissent au rythme tendu de deux ou trois couleurs se chevauchant, mêlant l’un
à l’autre leurs pigments dans un écoulement prodigieux.
La peinture de Galvez est construite sur la base d’un
chaos de formes et de couleurs accumulées, mené jusqu’au point d’équilibre où
tout tient dans un rapport tendu. La fraîcheur et la vivacité des couleurs étonnent le regard. Pour exemple,
l’improbable lumière assourdie et pourtant rayonnante qui émane d’une teinte
aigüe nimbée d’un glacis bleu profond dont la fulgurance première se mue en
délicieuse volupté. Une peinture composée d’oxymores visuels surprenants et féconds. Un glacis vert, déposé
sur un oranger ne fait pas un brun ; malgré l’impression optique ils ne se
mélangent pas, ils se superposent imparfaitement, laissant affleurer l’oranger
et le vert. C’est une réalité de la peinture que l’on découvre lorsqu’on la
regarde de près.
Dans l’espace de l’atelier où Galvez peint, il faut
que tout ce qui pourrait servir à la
peinture, soit à portée de main, disponible dans l’instant. Peindre est
l’urgence de voir, de sentir, de faire car dans le temps de la création le
peintre est disponible à la dictée
intérieure et aux rencontres de hasard
qui requièrent le geste décisif, empreint de fatalité. Chaque geste est
irrévocable. Entrer dans l’atelier pour
peindre, c’est se préparer à une cérémonie, c’est jouer
d’une certaine manière, sa vie. Michel Leiris écrit dans un texte intitulé De la littérature considérée comme une
tauromachie ( 1946), « ce
qui se passe dans le domaine de l’écriture n’est-il pas dénué de valeur si cela
reste « esthétique », anodin, dépourvu de sanction, s’il n’y a rien,
dans le fait d’écrire une œuvre, qui soit un équivalent [...] de ce qu’est pour
le torero la corne acérée du taureau,
qui seule – en raison de la menace matérielle qu’elle recèle – confère une
réalité humaine à son art, l’empêche d’être autre chose que grâces vaines de
ballerine ? » On trouve
chez Galvez une conception analogue quant à l’implication totale et dramatique,
pour ne pas dire dangereuse, du peintre dans son œuvre.
Pour Galvez, l’image du peintre qui, à l’instar du
torero tourne autour de sa toile et se livre avec elle à un combat réglé, n’est
pas l’image de l’artiste qui aurait des comptes à régler avec la peinture.
Qu’on le comprenne, ce n’est pas tuer la
peinture, bien au contraire. C’est tuer
tout ce qui s’interpose entre la peinture et lui. C’est chercher dans la fusion ce risque qui est la sincérité
d’être tout entier consacré à, et se donner tout entier dans ce que l’on
accomplit. Le domaine de la toile est un
espace de non compromis. Il s’agit de se dépouiller de tout ce qui pourrait
encore et malgré tout être un masque ; tout abandonner pour ne rien
abandonner de soi-même.
Une toile
aussi belle à regarder soit-elle,
lumineuse, colorée, qui me donne la sensation de porter toute l’idée que je me
fais de la vie heureuse avec ses
couleurs bondissant en avant de la toile comme des rayons de lumière; cette autre
qui m’apaise et m’offre la sensation
d’une promenade dans un paysage idéal où mon œil vagabonde capté
par les menus reliefs de la matière, émerveillé par la bizarrerie des
couleurs en fusion, étonné par les formes qui
bougent, avancent ou reculent selon ce que je fixe ; tout cela que l’on aurait envie de définir
par le mot baroque tant le mouvement,
l’impermanence, les contrastes entre lumière et ombre habitent ces
œuvres ; tout cela, me procure un
grand bonheur à le regarder et témoigne
encore d’une victoire temporaire de la
vie sur la mort.
Tout cela incarne la puissante et contradictoire
personnalité de Galvez, puisée dans ses origines andalouses. Né à Paris en 1960, il a hérité du sud de
l’Espagne, de ces régions où le soleil noircit la campagne, ce sens du tragique
qui s’exprime dans la dualité entre lumière et ténèbres, joie et
souffrance, que l’on retrouve dans l’esprit du flamenco. Federico Garcia
Llorca dans Jeu et Théorie du Duende
(1930), définit ce terme souvent utilisé
pour caractériser « le charme mystérieux et ineffable du flamenco »,
comme l’instant de grâce fébrile où tout
semble à sa place sans jamais échapper à l’esprit douloureux de l’âme
espagnole. Federico Garcia Llorca
le formule ainsi : « le duende aime le bord de la plaie et s’approche des
endroits où les formes se mêlent en une aspiration qui dépasse leur expression
visible ». Le duende existe dans toutes les formes
d’arts, la musique, la danse, la poésie et la peinture. C’est le moment où les
limites entre l’intérieur et l’extérieur n’existent plus, où l’osmose entre la
pensée de l’artiste, le geste et la matière s’accomplit dans un acte qui doit
moins à la conscience rationnelle qu’à une faculté d’être présent à toutes les perceptions et de les muer en mouvement et en forme. C’est à trouver ce moment de grâce - qui
n’est pas un lâcher-prise, mais au contraire un accomplissement entre soi, la
peinture et le monde - que travaille
Galvez et qui fait que le spectateur ressent quelque chose d’intense en
présence de ses toiles.
Mais, gardons-nous d’accorder une place trop
importante à l’impact biographique sur la création et trop peu à la peinture
elle-même. Galvez est peintre. Son
langage est abstrait et ce qui importe avant tout c’est la peinture
dépouillée d’un devoir de représentation. Même chez les plus grands maîtres
dont il a nourri son regard et sa réflexion,
Vélasquez, Goya et Rembrandt, ce
qu’il retient est moins le sujet représenté que la peinture elle-même, leur coup de brosse, leurs couleurs, leur vie
et leur personnalité qui s’inscrit dans la matière. Les territoires abstraits sont l’empreinte d’une humanité et d’une oeuvre qui
ont vocation à la postérité.
Florence Laude
6 mars 2016
Professeur de
lettres modernes et plasticienne
A signaler, une autre expo de Fernando Galvez à la galerie " Le Phare", à Toulon, jusqu'au 29 Avril:
infos à consulter ici : http://imagesentete.blogspot.fr/2016/03/fernando-galvez-peintre-exposition-au.html
infos à consulter ici : http://imagesentete.blogspot.fr/2016/03/fernando-galvez-peintre-exposition-au.html