Il y a trois ans, de
tristes circonstances m’ont donné l’occasion de retrouver une amie d’enfance
perdue de vue pendant des années, Florence V. Nous
avions beaucoup de souvenirs à évoquer et encore plus à découvrir sur la
manière dont nos vies ont tracé leur
chemin. Nous nous retrouvions sur des points communs comme l’enseignement, toutefois, elle exerçait (et
le fait toujours) depuis de nombreuses
années à l’étranger ( New-York, le Caire, Yaoundé ...), ce que les circonstances ne m’ont jamais permis de faire
malgré un désir de partir souvent ressenti qui s’atténue avec les années qui passent et les autres projets qui prennent de l’ampleur. Pendant quelques années, elle a donc exercé à Yaoundé, capitale du Cameroun et m’a montré des photos que j’ai eu envie de
partager. Nous nous sommes mises
d’accord pour ne pas diffuser les portraits en gros plan (pourtant forts beaux),
parce que lorsque elle avait photographié ces personnes il n’avait pas été question d’une diffusion
éventuelle, ce qui a posteriori pose un problème de conscience ( je me suis fait la réflexion que c'est une question qui ne se pose pas avec le dessin qui est une mise à distance en soi). Je laisse aussi souvent possible la parole à mon amie F. pour le commentaire
des photos. C’est ainsi que je les ai découvertes et que j’ai eu envie de les
montrer. Les envois de mails et de courriers ont été fractionnés, au gré des possibilités de connexion internet. Je me suis seulement permis de les organiser en une sorte de voyage qui, se dirigeant tout d'abord cap sud-ouest vers l'océan, remonterait ensuite vers le nord et l'extrême nord du pays, vers les frontières du Tchad et du Nigeria.
Quand
nous avons un week-end de plus de deux jours, nous descendons au bord de
l'océan (quatre à cinq heures d'une route dangereuse qui relie Yaoundé à
Douala, empruntée par les grumiers, ces camions qui transportent des troncs
d'arbres absolument énormes). Mais une fois au bord de l'eau, c'est la
récompense. Ca me fait un bien fou à chaque fois !
La plage est magnifique et infinie, déserte à part quelques pêcheurs, plein
de petits crabes qui rejoignent leur trou quand on approche et les perroquets
gris du Gabon à la queue rouge qui s'envolent. Je marche, marche, marche. Les
pirogues rentrent de la pêche vers 9h, j'aime bien aller voir ce qu'elles
rapportent. De moins en moins de poisson, hélas, dans cette région comme dans
beaucoup d'autres. C'est quand même assez paradisiaque, on mange les noix de
coco et selon les jours, crevettes, crabes ou poisson. Je me repose, je regarde
la mer, je reste des heures dans l'eau car elle est vraiment chaude -l'autre
jour elle avait exactement la couleur du ciel, un gris métallique et brillant
très beau-, je bouquine, je m'endors avec le bruit des vagues.
Il y a des moustiques et le palud sévit fortement dans la zone. Mais
surtout, ce paradis ne va pas durer car les Chinois construisent un port géant
en eaux profondes à quelques pas de là, un chantier gigantesque qui va modifier
toute cette côte.
***
A
l’occasion d’un autre voyage dans le Nord Cameroun et l’Extrême Nord, au mois
de février 2013, F. m’envoie d’autres photos qu’elle commente. Les photos prises sur le marché le sont à Maroua, capitale de
l’Extrême Nord.
On devine le commencement de la plaine qui s'étend jusqu'au Lac Tchad. Les
couleurs étaient magnifiques et de cette hauteur on entendait les bergers se
parler en faisant avancer leurs troupeaux de zébus.
Ces arbustes à fleurs roses sont surnommés des pieds d'éléphants à cause de
l'aspect de leur tronc, taches de couleur assez rares dans ce paysage plutôt
monochrome de saison sèche.
C'était la période de la récolte du coton ; la région surtout nord, plus
qu'extrême nord, en produit beaucoup. A chaque coin de champ, on avait envie de
se jeter dans les énormes tas blancs.
La
céréale cultivée principalement là-haut est le mil. Ce sont les femmes qui le
vannent, inlassablement, les mêmes gestes répétés des centaines de fois.
Progressant vers l'extrême nord, F. arrive dans l'une des cinq principales villes du Cameroun, Maroua, qui compte au moins 400 000 habitants. Le climat y est sec et chaud, presque semi-désertique. Attirant toutes les populations environnante, la ville multiculturelle s'anime autour d'un grand marché où l'on rencontre aussi bien des marchands de bestiaux que de la confection artisanale ou des denrées comestibles.
Personnellement, je n'aime pas trop vivre au milieu de la forêt
équatoriale, je me sens mieux dans ces régions plus sèches et poussiéreuses, je
crois que ça me rappelait l'Egypte, les murs en terre, l'appel du muezzin...
Tu peux t'en douter, de nombreuses photos ont été prises sur des marchés,
j'adore ces lieux tellement vivants où se concentre tout ce qui fait la vie des
gens, leur quotidien, leur réalité unique. C'est toujours l'occasion de mille
rencontres, surprises et émerveillements.
Sur le marché au bétail, les négociations sont réservées aux hommes. Les
gens sont souvent très beaux, plus fins et élancés que dans le Centre, leurs
origines sont mélangées mais il y a de nombreux Peuls.
Les femmes d'un certain âge portent des calebasses peintes sur la tête.
Les calebasses sont omniprésentes. Les couleurs des pagnes extrêmement chatoyantes.
Les gros
pots qu'on appelle des canaris servent de garde-manger pour le grain ou autre,
par exemple pour la bière de mil dont les gens raffolent, hommes et femmes, et
dont ils font une consommation incroyable.
Ici, c'est la pleine saison des mangues.
On en achète des seaux, pour un euro on en a une quinzaine. Pas très grosses,
vertes à l’extérieur et orange dedans, elles sont très parfumées. Des vendeuses
de beignets que l’on trouve par dizaines sur tous les marchés. Des femmes
vendent du poisson fumé ou séché pêché dans les lacs et cours d’eau de la
région, c’est une des principales nourritures, il s’en consomme des tonnes.
Dans les calebasses les femmes transportent et vendent du fromage frais. La "boutique" de celui qui vend et nettoie
les coiffes pour homme, j'aime beaucoup les supports en bois sur lesquels il
les présente ou les fait sécher. Je t’envoie
une autre série de photos des devantures des salons de coiffure incroyablement pittoresques ici !
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Le bout du bout du périple. J'atteins ici Le Logone, rivière qui sert de frontière entre le Cameroun et le Tchad. De l'autre côté, à quelques kilomètres vers le nord, c'est Ndjamena. Il y a eu des crues meurtrières à l'automne dernier. Toute cette zone était sous l'eau, des villages ont été détruits, ils ont perdu leurs récoltes, des centaines de personnes sont encore sous des tentes installées par des organismes d'aide internationale.
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Toujours dans l'extrême nord, pas très loin, mais plus à l'ouest, ce village dans une région montagneuse. Il est à la frontière avec le Nigeria. J'y ai fait une randonnée que j'ai dû interrompre car la situation empirait en ce mois de février. A chaque regroupement de cases, il faut s'adresser au chef du village et donner en cadeau un peu de sel, de savon ou des allumettes. Je m'arrête pour ce soir, j'espère que tu t'y retrouveras dans les commentaires.
Florence V.
Je voudrais profiter de cette chronique pour donner un lien vers site qui publie une quinzaine de poètes africains: