lundi 22 juillet 2013

L'enfance d'Alan, Emmanuel Guibert



L'Enfance d'Alan est une bande dessinée d'Emmanuel Guibert racontant l'enfance d'Alan Ingram Cope, un  vétéran américain de la seconde Guerre Mondiale.   A la suite d'une longue amitié entre Emmanuel Guibert et le vieil homme, qui débuta un peu par hasard en 1994 à l'occasion de vacances  sur l'Île de Ré et se poursuivit jusqu'à la mort d'Alan Ingram Cope en 1999, Emmanuel Guibert décida de se lancer dans l'écriture et l'illustration des souvenirs qu'il avait entendus de la bouche de son ami.   C'est en 2000 que paraît le premier tome de La Guerre d'Alan.  L'Enfance d'Alan est, de fait, le récit des souvenirs recueillis par Emmanuel Guibert depuis la naissance d'Alan en 1925 en Californie du sud jusqu'à la mort de sa mère vers 1936. L'Enfance d'Alan est publiée en 2012 aux éditions L'Association. Il semblerait qu'un tome consacré à l'adolescence d'Alan est en préparation.

  

L'album s'ouvre sur une sorte de prologue en images, sept doubles pages en couleur, passant progressivement du bleu ciel et beige dominants  au  bleu et jaune, puis jaune et bistre, enfin bistre et gris-violet ...  Cette suite de grands formats contenant peu de texte, suggère par son atmosphère colorée l'écoulement d'une journée qui serait entièrement consacrée à traverser une ville gigantesque ( une suite de villes, de Los Angeles à Santa Barbara). Le point de vue est celui d'un conducteur ou du passager d'une voiture avançant à vive allure sur des highways prodigieusement larges, se compliquant de ponts et d'enjambements, de bretelles et d'échangeurs. C'est l'image contemporaine de la Californie du Sud qui n'a plus rien à voir avec la Californie du Sud de l'enfance d'Alan : "j'ai des souvenirs d'enchantement de mon pays avant la guerre. C'est pendant la guerre que tout a changé."  Absence de nature, bétonnage à outrance, omniprésence de l'automobile, de la vitesse, des couleurs électriques ... à ces images se superpose la voix d'Alan, nostalgique.  La huitième double page est une image en noir et blanc, une image de désert.  Fin du voyage, mais aussi peut-être commentaire implicite d'une conclusion - conséquence de cette course à l'évolution contemporaine.  Un désert ou une impasse?  La Californie du Sud de l'enfance d'Alan est à jamais perdue ...



Un peu plus de cent cinquante pages de souvenirs qui se visitent dans l'ordre que la mémoire impose, plus ou moins chronologique (au fil des anecdotes, on voit tout de même grandir Alan),  pour composer le tableau de l'enfance d'Alan qui rejoint dans un mouvement plus ample, de façon presque "historique",  la fresque de la vie des familles modestes dans la Californie du Sud, entre 1925 et 1936.  

J'étais particulièrement émue à la lecture de cet album par le fait d'avoir l'impression d'entendre la voix d'Alan  raconter son enfance.  Certes, Emmanuel Guibert a opté pour un récit à la première personne, mais encore a-t-il réussi à trouver un ton, une manière de dire qui laisse deviner la personnalité d'Alan Ingram Cope. Sans doute avait-il en mémoire certaines  expressions idiosyncrasiques propres à attester de la véracité des propos et des souvenirs, sous les signes écrits.   

Les souvenirs sont très précis, il s'agit toujours de petites anecdotes assez significatives pour constituer une sorte d'étape dans le développement de l'enfant, parfois  joyeuse, parfois traumatisante ou tragique.  Elles sont toutes racontées avec la même précision qui semblerait être de "l'objectivité", même si c'est impossible ... On semble rester sur le seuil de la subjectivité et de l'analyse psychologique, sans y toucher.... au lecteur de  tirer les conclusions et pourquoi pas de commenter. C'est ainsi que les choses les plus intimes sont dites avec un certain naturel.  Tous les souvenirs, toutes les moments de vie, plus ou moins heureux semblent ainsi avoir leur sens et leur importance.

L'album propose une grande diversité dans les choix graphiques.  Le texte étant assez abondant, le dessin ménage souvent  de grands espaces vides, pour jouer sur l'équilibre et une présentation qui reste très épurée, comme le trait du dessin. Certaines cases n'en sont pour cela que plus émouvantes. 

L'enfance d'Alan, d'après les souvenirs d'Alan Ingram Cope, Emmanuel Guibert, L'association, oct. 2012. 


 
 une petite vidéo pour découvrir la technique de dessin d'Emmanuel Guibert pour les trois albums de  La Guerre d'Alan.  Eau et encre ... prodigieux !


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