mardi 1 mai 2012

mais les fleurs de mai


Par le laurier du Sud, l'origan de Lota,
petite reine de mes os, je te couronne,
et qu'elle soit toujours à toi, cette couronne
née de la terre et de la feuille du baumier.

Amour, nous arrivons de nos provinces vertes,
nous en tenons la terre à notre sang mêlée,
nous allons par la ville, ainsi que beaucoup d'autres,
un peu perdus, craignant qu'on ferme le marché.

Ma bien-aimée, ton ombre a l'odeur de la prune,
la source de tes yeux est cachée dans le Sud,
ton coeur est une colombe de tirelire,

ton corps a le poli qu'ont les pierres dans l'eau,
la rosée couvre les grappes de tes baisers,
d'être à côté de toi, je vis avec la terre.

             Pablo Neruda        
                    

                  


Ondine, tu es fille de la mer, ton corps
est d'eau pure, ô cousine de l'origan,
et ton sang, cuisinière, est de terre vivante,
terrestres et fleuries, voilà tes habitudes.

Tes yeux regardent l'eau, et soulèvent les vagues,
tes mains vont vers la terre, en y lâchant les graines,
l'eau et la terre où sont tes domaines profonds
se sont unies en toi par la loi de l'argile.

Naïade, ton corps fend la turquoise marine
et bientôt resurgi fleurit dans la cuisine
c'est ta façon à toi d'assumer ce qui est

avant de t'endormir encerclée de mes bras
qui, pour que tu reposes, écartent de la nuit
herbe, légumes, algues, écume de tes songes.

                        Pablo Neruda





Cher coeur, reine du céleri et de la huche,
petite panthère du fil et de l'oignon,
que j'aime voir briller ton minuscule empire,
les armes de la cire et de l'huile et du vin,

de l'ail, et de ce sol que tes mains ont ouvert,
de la substance bleue qu'elles ont allumée,
de la transmigration du songe à la salade,
du serpent enroulé du tuyau d'arrosage. 

De ta faucille tu soulèves les senteurs,
je te vois présider au savon dans la mousse,
tu gravis mes échelles et mes escaliers fous,

et tu découvres dans le sable du cahier,
fouillant les symptômes de ma calligraphie
les lettres égarées qui ont cherché ta bouche.

Pablo Neruda




Les deux amants heureux ne font plus qu'un seul pain,
une goutte de lune, une seule, dans l'herbe,
ils laissent en marchant deux ombres qui s'unissent,
dans le lit leur absence est un seul soleil vide.

Leur seule vérité porte le nom du jour:
ils sont liés par un parfum, non par des fils,
ils n'ont pas déchiré la paix ni les paroles.
Et leur bonheur est une tour de transparence.

L'air et le vin accompagnent les deux amants,
la nuit leur fait un don de pétales heureux,
aux deux amants reviennent de droit les oeillets.

Les deux amants heureux n'auront ni fin ni mort,
ils naîtront et mourront aussi souvent qu'ils vivent,
ils possèdent l'éternité de la nature.

Pablo Neruda




2 commentaires:

pierre vallauri a dit…

merci pour ces fleurs et les beaux poèmes qui les accompagnent.
A lire et à relire. Vraiment les vacances te réussissent.

Flo Laude a dit…

Savoureux, n'est-ce pas !

Merci, Pierre.