samedi 19 mai 2012

happy birthday miss marilyn


Cannes, pendant le festival, c'est un peu comme un studio de cinéma à l'échelle d'une ville. On y tourne  Cannes, saison 65.  Le badaud y apprend le métier.  Un grand décor monté (et  démontable) , du léger, de l'éphémère, du neuf,  du blanc, du noir, du rouge.  On se prépare, on attend, on révise son rôle.  Enième  coup de téléphone passé pour préciser le lieu et l'heure du rendez-vous,  comment  il faudra se présenter, par deux, en rangs bien ordonnés, pas de nourriture  dans les sacs et ce que l'on nous demandera et ce qu'il faudra répondre. Tout cela est très sérieux, tout le monde est fébrile, tout le monde a un rôle, un costume, une place.   La nôtre est de se tenir devant le chapiteau des accréditations, sur le côté droit des marches du palais du festival.  Notre rôle est d'attendre l'ouverture des portes, heure à laquelle on  nous accompagnera vers notre premier rendez-vous, une master-class avec le réalisateur Hendrick Dusollier, trois courts métrages et le streaming d'une future émission d'histoire sur les dictateurs.  Nous verrons l'excellent  Babel (à découvrir  en cliquant sur le lien ci-dessous)


Bref, on attend ( "bref" est mal choisi, car l'attente est tout, sauf brève), l'attente est curieuse, l'attente est bavarde, l'attente est entrecoupée d'appels téléphoniques pour vérifier que tout se met en place.  La tension monte  à proportion que la température  baisse, le ciel est à l'orage.  L' émotion est tangible, on ne veut pas en perdre une miette,  les rires fusent, on  entend les uns et les autres s'inventer des histoires, se faire des films. Quand on est à point, un homme en livrée moderne nous conduit à notre lieu de rendez-vous. Nous pénétrons dans le coeur de la machine, le marché du cinéma. Des box, des écrans, des professionnels, en majorité des asiatiques et des anglophones  affairés, dignes et graves.  Le cinéma est une industrie de luxe, se faire un chemin au milieu des stands  fait penser  à une visite dans un salon du livre que l'on aurait installé dans une  parfumerie, avec séance de maquillage obligatoire.  Mais, faute de pouvoir s'y attarder, cela  gardera son charme mystérieux.


 L'après midi, nouvelle attente, nouveaux coups de téléphone, nouvelle répétition.  Mais, cette fois, nous avons compris que tout se joue  à Cannes,  selon les règles du cinéma.  L'attente, les réglages, les répétitions, tout cela fait partie du métier d'acteur.
Quand enfin les portes s'ouvrent - action -  une invisible caméra  se met à tourner, tout doit être parfait, sans faux pas.  Nous grimpons les escaliers recouverts d'un tapis rouge (la réplique de celui situé quelques dizaines de mètres plus loin, dont les (vraies) Stars monteront les (vraies) Marches ( moins nombreuses, talons aiguille obligent). Nous sommes les figurants qui, dans une sorte de mise en abyme, anticipons  ce que nous sommes venus voir.
Nous nous installons dans l'immense salle du Palais où nous poserons Un certain regard sur un premier  film du réalisateur Benh Zeitlin  Beasts of the southern wild.  On nous dira que nous sommes bien tombés et nous serons bien heureux d'être montés si haut pour voir ce film.
Une fable émouvante qui nous attache à une petite enfant sauvage, Hushpuppy, dressée par un père, aimant mais brutal,  à se débrouiller par elle même dans un monde en ruine, une sorte de dead-zone apocalyptique envahie par la mer qui a soudainement gonflé, suite au réchauffement climatique.  C'est l'histoire d'un naufrage, donc, et d'une quête, celle de sa mère disparue.  La force du réalisateur est de nous mettre en totale empathie avec ses personnages et le monde dans lequel ils évoluent, si bien que lorsque notre monde moderne civilisé apparaîtra, nous aurons pris une distance qui nous le fera craindre et rejeter (à méditer...), tout comme Hushpuppy, son père et les habitants du bassin (le Bayou), en Louisiane.  On aime l'univers du bassin et les personnes qui y habitent, un monde qui peu à peu semble redevenir sauvage comme une jungle préhistorique, un monde en voie d'effacer les traces de la  civilisation du "progrès technologique",  où les relations humaines ont une force décuplée.  On croit redécouvrir le sens de la tribu.  Les émotions sont puissantes, exprimées dans un langage poétique qui  réinvente la manière de dire le monde, les hommes, l'amour.
Une fable qui met en scène un renard, un phénix, un loup, un chien, une grenouille,  ou un auroch, ne nous apprend rien sur le renard, le phénix, le loup, le chien, la grenouille ou l'auroch, elle nous parle des Hommes et de leur temps.  Il en est ainsi du film de Benh Zeitlin, une fable d'anticipation filmée pour que l'on s'y reconnaisse.
Une esthétique de l'image très intéressante, qui rappelle les oeuvres  que l'artiste brésilien  Vik Muniz réalise,  recomposant souvent des chefs-d'oeuvres des grands maîtres de l'art  à partir de déchets (à méditer, donc, encore une fois...).
 Une fable politique dont la force et la beauté sont tenues par la poésie  jaillie d'une enfant de six ans, ancrée dans le monde concret auquel elle puise pour re-créer le sens des choses (à méditer, donc, encore deux fois...).




Bye, bye Cannes
Bye, bye Marilyn
Tu as soufflé la bougie, fondu au noir sur l'autoroute du retour.
Des images qui nous habitent et beaucoup, beaucoup d'émotions!


Merci à l'équipe des Cinémas du Sud de nous avoir invités à participer à cette 65ième édition du festival !


Un article du Monde à propos du film Beasts of the southern wild à lire ICI
Un autre de filmdeculteLA
Une bande annonce  sur le lien ci-dessous:
 http://www.youtube.com/watch?v=_UB3vpfoU60http:
Une chronique sur les lycéens du lycée Fourcade de Gardanne  (accueillis au festival de Cannes grâce à la Région PACA et aux Cinémas du Sud., que l'on remercie).  L'article paru sur le site officiel du festival de Cannes 2012 est là:
http://www.festival-cannes.fr/fr/theDailyArticle/59240.html


Merci à M., C. et C. pour leur présence et les fous rires partagés.  Merci aux 36 merveilleux élèves de la 1e ES/L du lycée Marie-Madeleine Fourcade de Gardanne, toujours partants pour l'aventure !

3 commentaires:

pierre vallauri a dit…

Je l'ai déjà dit dans un autre commentaire au propos de tes "sujets"/élèves que tu convies à toutes sortes de "partage" de connaissances, que ce soit chez 200 RD10, à ARTEUM ou sur la Croisette : j'aimerai avoir grandi dans ce lycée M-M. Fourcade et avoir été en 1ère ES/L. Que de richesses acquises. Et quel beau résumé de cette journée Cinéma, un vrai scénario! Si tu trouves tes élèves "merveilleux" j'espère qu'à leur tour il te trouve merveilleuse. C'est en tout cas ce que je pense. J'espère qu'il en est de même pour ta hiérarchie , bien que tu ne fasses pas cela pour elle mais pour eux .

pierre vallauri a dit…

fautes d’orthographe : Ils te trouvent... Il y en a peut-être d'autres , ce n'est pas le plus important.

Flo Laude a dit…

Merci pour ton message, Pierre. Je serais bien incapable de savoir ce que nous apportons aux élèves, ce qu'ils en retiendront. J'ai demandé aux élèves la rédaction d'une chronique qui rendra compte de leurs impressions, j'en saurai donc un peu plus, dans quelques jours. J'ai hâte de lire leurs sujets! Qu'est ce que c'est que la culture, l'art etc...? Nous l'apprenons dans les livres tout au long de l'année et de temps à autres, quand la chance nous est donnée de la rencontrer dans la vie, il faut y aller ! Et puis, très important, je reçois aussi beaucoup de mes élèves. Je crois à ces échanges...

J'espère que la politique en matière d'éducation va évoluer dans le bon sens pour que l'enseignement cesse de devenir un "ensaignement" !

Autre chose: je voudrais pouvoir aller à la Tuilerie Bossy, dimanche prochain, le 27. je suis curieuse de découvrir cet endroit et les artistes qui l'ont investi...
A bientôt