le blog de florence laude "L'artiste nous prête ses yeux pour contempler le monde" Arthur Schopenhauer
jeudi 23 décembre 2010
les cheminées
je m'interrogeais sur l'activité des ces grandes cheminées de la centrale thermique qui, je l'ai appris, sont des refroidisseurs. J'avais remarqué qu'elles ne fonctionnaient pas toutes les deux en même temps et je cherchais une logique possible à leur mise en activité.
A l'automne 2007, je décidais de prendre quotidiennement une photo selon le même protocole. Je fais ce trajet au moins quatre fois par semaine, pratiquement toujours à la même heure. Je prévoyais de faire une photo chaque matin depuis ma voiture, au même endroit pour visualiser cette activité. L'expérience s'est étendue sur un peu plus de deux mois.
je n'ai pas trouvé de logique au fonctionnement des cheminées. D'un jour à l'autre le bal des vapeurs différait tantôt celle de gauche, tantôt celle de droite, tantôt les deux , indépendamment de la
température extérieure.
Ces cheminées produisent sur moi une sorte de fascination esthétique. Je les regarde parfois comme des fabriques de nuages. Leur panache blanc, comme un manche à air, indique la direction et la force du vent. Si les fumées s'inclinent vers la droite, nous avons du mistral. Si, au contraire et plus rarement, elles obliquent à gauche, c'est un vent du sud favorisant les entrées nuageuses souvent suivies de pluies. La poésie du vent a besoin de repères pour trouver ses mots ...
La lumière qui s'accroche au panache est belle ! J'ai vu parfois des ciels noirs d'orage que les volutes blanches semblaient éclairer magnifiquement .
les fumées témoignent de nos besoins modernes, nos besoins en énergie. La centrale fonctionne au charbon. Autrefois il était extrait aux pieds des cheminées, un chemin vers l'entrée d'un ancien puits est là, tout de suite sur la droite. Tous sont fermés aujourd'hui et le charbon vient d'ailleurs. Les cheminées sont comme des bouches par lesquelles la cité expire. Ici elles vont par deux, comme les poumons.
Qui n'est pas du métier peut regarder les choses à distance, oublier la finalité et percevoir une certaine poésie. L'immensité des volumes arrondis qui s'élancent vers le ciel comme des flèches de cathédrales dialoguant avec le ciel, mêlant leurs langues vaporeuses. Le troisième larron, la cheminée la plus fine, celle dont la plus haute taille a pour but d'envoyer les fumées nocives le plus haut possible pour qu'elles retombent au loin et préservent la cité qui s'étend à ses pieds.
Qui est du métier parlera de terre d'énergie, pensera production électrique et kw/h. Préservation d'un bassin et de ses emplois. Ces fûts, comme la raison d'exister de la cité, sa fierté, son coeur battant.
Nous avons, en tant que consommateurs, une énergie facilement accessible, qui semble inépuisable. Notre quête de confort fait croître nos besoins et la tension s'exacerbe entre nos habitudes d'homme moderne et notre conscience écologique. Ces considérations dépassent nos capacités d'action individuelles et nous laissent perplexes quant à ce que nous pouvons faire pour l'environnement. Ces cheminées qui dégagent une certaine poésie de l'urbain sont à ce titre inquiétantes car elles rendent visibles l'expiration puante qui contribue au confinement de l'air que nous respirons.
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4 commentaires:
Je note que tu aurais plusieurs propositions pour cette exposition en perspectives "prendre l'air"!!!avec de telles photos et la réflexion qui les accompagne.Une démarche qui se rapprocherait (et sans qu'il y ait une once de plagiat de celle de Sophie Calle.
Pour conclure et dans ce cas seulement, il est regrettable en effet qu'on ne puisse isoler la poésie visuelle qui se dégage de ces petits nuages de vapeur d'eau, de la polution (pas si importante que ça, parait-il?) qui les accompagne.
Oui, Pierre, tu as bien compris cette complexité de ne pouvoir se laisser aller sans mauvaise conscience vers la lecture poétique ....
sauf si elle reste militante et engage chacun à être responsable ... quand on apprend que certains petits gestes d'économie d'énergie préconisés pendant les périodes de grands froids parviennent à faire baisser de façon significative la consommation collective!
Ces images montrent bien en tout cas un flot de pollution continu !!! On la fabrique comme on respire ! Et comment pourrait-on l'ignorer, dans le coin, où que l'on se trouve, on aperçoit toujours l'étendard et le panache blanc !
La cheminée la plus haute est hautement polluante, c'est d'ailleurs pourquoi elle rejette plus haut, pour une meilleurs dispersion !
A bientôt .
Qu'elles soient minuscules et singulières sur le toit de la demeure ou énormes et uniformes pour les industries, elles n'en sont pas moins à chaque fois les témoins, les traces (pour celles qui ne fument plus)de l'activité humaine... et pourquoi se priver d'associer pensée économique ou environnementale et poésie?
http://www.photos-vintage.fr/blog/images/H/H500/H508-Paysage-industriel-Lucchesi.jpg
pour parler de cheminées, encore. Voici un lien vers une photo d'Andrei Kertesz où l'on peut en voir beaucoup! Et avec des ouvriers !
Je ne pense pas me priver d'associer poésie et activité économique et humaine, bien au contraire... Je crois toutefois qu'il faudrait admettre que certaines esthétiques n'en seraient pas moins toxiques, et que certaines poésies pourraient être vénéneuses ... comme les cheminées, surtout celles en activité .
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