mercredi 24 novembre 2010

Jean-Michel Basquiat

L'affiche à l'entrée du Musée d'Art Moderne, av. du Président Wilson.J'avais découvert le travail de Jean-Michel Basquiat il y a 7 ou 8 ans en feuilletant des livres dans une librairie. Nous travaillions alors avec des élèves sur l'oeuvre de Combas en résidence à Aix (2003). J'avais acheté le livre, une édition à petit prix, tout de suite, vraiment touchée par les toiles, la force et la liberté du geste, l'homme au centre des toiles comme un cri, comme un écorché, les mots presque omniprésents.
A l'annonce de l'exposition à Paris j'ai voulu voir les toiles en vrai. C'est important de se placer devant une toile, de prendre sa dimension dans une sorte de corps à corps, de la ressentir. Dans cette expo du Musée d'art Moderne, l'accrochage est très bien fait, chronologique et permet d'appréhender l'évolution du jeune artiste en une dizaine d'années, seulement. J'ai parcouru l'expo trois fois avant de me résoudre à quitter le lieu, il faut le dire, c'est vraiment fort !

Quelques photos dérobées à la vigilance des gardiens. Il fallait garder l'idée de l'expo telle qu'on ne peut la trouver dans un catalogue.
Sur ce mur, 5 toiles qui ne sont pas tendues sur châssis, elles recouvrent des palettes de transport, des baguettes de bois assemblées. Hommage à des grands hommes noirs, tels Cassius Clay ou encore Charlie Parker (abrégé C PRKR). Basquiat a constamment une réflexion sur la condition des noirs américains depuis l'époque de l'esclavage jusqu'à aujourd'hui.

La réflexion sur la condition des noirs issus de descendants d' esclaves, en occident, étant omniprésente dans le travail de Basquiat , je remarque que les gardiens du musée sont en majorité noirs alors qu'il y a très peu de visiteurs noirs ... l'idée me traverse que les choses évoluent lentement ... et pourtant

Ici une toile magnifique dans laquelle on trouve des éléments très caractéristiques de la peinture de Basquiat. Un corps d'homme dont on voit les organes intérieurs ( à l'âge de 8 ans, Basquiat a été hospitalisé à la suite d'un accident de la route, il a dû subir l'ablation de la rate. Pendant sa convalescence, sa mère lui offre un livre d'anatomie intitulé "Henry Gray's Anatomy of the Human Body " qui influence fortement sa représentation du corps non comme surface mais comme complexion d' organes ) accompagné de la couronne. J'associe cet intérêt exhibé pour ce qui ne se voit pas (en principe) au désir de comprendre , d'appréhender la complexité, de penser. Tout cela forme des sortes de labyrinthes et me rappelle le langage, les mots dont il fait des phrases, les mots dont il cherche parfois le sens inscrivant des listes de définitions, les mêmes mots qu'il réitère en litanie.

Beaucoup de dessins, très écrits, souvent matrices des toiles peintes.
Two Heads on Gold, 1982. Des têtes comme des masques, et beaucoup, beaucoup de dents !
Je ne peux pas vous en montrer ici, mais parfois Basquiat dessine les nez comme de petites voitures stylisées dont les deux narines figurent des roues placées en dessous . Cherchez dans des catalogues, vous verrez, je ne l'ai pas rêvé ! D'ailleurs, c'est exactement ainsi qu'il dessine les voitures dans ses premières toiles où apparaissent souvent des voitures et des camions.

A propos de cette toile, j'ai entendu le commentaire d'un guide, très intéressant. Basquiat qui a lu beaucoup de bandes dessinées, reprend souvent dans ses toiles les attributs des héros des comics américains, en particulier Superman. Il rappelle que le cahier des charges donné aux créateurs du super-héros, en 1930, en pleine période de l'ascension du nazisme en Allemagne, ne comportait qu'une seule contrainte : un héros avec des cheveux noirs. Basquiat s'en sert pour peindre le super héros noir. On retrouve les couleurs de Superman: bleu, jaune, rouge et noir. Ainsi que dans la partie en haut à droite, le signe de l'éclair ( puissance) qu'il porte sur son thorax. L'homme noir victorieux porte une flamme à la main (Variante d'une statue de la liberté ?) , sa tête est surmontée d'une auréole. D'autres signes sont porteurs de messages politiques: le $ du dollar, les mots per capita ( connotation de capitalism ?).

Une magnifique grande toile représentant une tête (thème cher à Basquiat) , très travaillée, très complexe. Toujours les mêmes couleurs des super-héros et des dents en or. Une tête bien faite, une tête bien pleine, qui pense, pour dire aux hommes, quelle que soit leur couleur de peau, qu'il faut penser, qu'il faut réfléchir, faire travailler sa tête, s'instruire. On constate, à regarder ses toiles, que Basquiat est aussi (surtout) un intellectuel, qu'il aime l'écriture, les mots. Il dit beaucoup, dénonce beaucoup, peint comme on crie ! Il a d'ailleurs commencé par là, écrire des messages sur les murs de Manhattan.


La dernière toile que j'aie pu photographier avant de me faire rappeler à l'ordre: Irony of negro policeman. (l'ironie du policier noir) ... vous comprendrez.


Basquiat est né le 22 décembre1960, mort le 12 août 1988 à 27 ans suite à une overdose. D'origine Haïtienne et Portoricaine, ses parents appartiennent à la moyenne bourgeoisie, ils habitent New-York. C'est sa mère qui l'initie à l'art par la fréquentation des musées et l'encourage à peindre. A sept ans il découvre la bande dessinée. A seize ans, sous le nom de SAMO (Same old shit), il écrit des messages sur les murs de Manhattan, à la bombe... peu à peu, au fil des rencontres avec des artistes, des galeristes et des expositions, son oeuvre acquiert une notoriété qui n'a cessé d'être. (pour une biographie plus complète, cliquez ici )
Et puis deux films , l'un présentant l'expo de Paris au Musée d'Art Moderne. L'autre où l'on voit Basquiat, jeune, il rejoint Rimbaud dans mon imaginaire).

Expo Jean-Michel Basquiat, Musée d'Art Moderne de la ville de Paris / ARC
du 15 octobre 2010 au 30 janvier 2011 . Cliquez ici pour plus de renseignements

2 commentaires:

Baloo a dit…

Quelle santé, quelle force, quel enthousiasme!!!
... et quel gâchis.

Flo Laude a dit…

oui