J'avais pris rendez-vous le lendemain de ma visite chez Basquiat, la porte en face , avenue du Président Wilson, bâtiment jumeau en apparence. La porte poussée, rien n'est plus semblable, plus de décor, la friche exhibe piliers de béton, câbles, poussières, gravas, grillages. Une sensation de calme, un peu vide. Comme une anticipation de la mort, abandon de la carcasse, pour donner raison à l'épitaphe voulue par la mère de l'artiste sur sa tombe "je m'ennuie déjà".
Par ailleurs, comment ne pas faire le lien avec les toiles de Jean-Michel Basquiat : les corps à nu, les entrailles, l'être intérieur ? Ici dans le dépouillement plutôt que l'abondance.
Pas de peinture. Des photos, des films, des objets, de la dalle de pierre. Si la couleur n'est pas absente, la prégnance du gris l'estompe.
j'avais lu : " Ma mère aimait qu'on parle d'elle. Sa vie n'apparaît pas dans mon travail . ça l'agaçait. Quand j'ai posé ma caméra au pied du lit dans lequel elle agonisait (...) elle s'est exclamée :"enfin!" " (Sophie Calle)
Un article intéressant qui rend compte de l'exposition et qui situe la relation de Sophie Calle à sa mère , sur le site Actua litté . http://www.actualitte.com/dossiers/1214-exposition-sophie-calle-mere-experience.htm
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Un autel fleuri de lys blancs. D'autres fleurs dans un vase - des soucis - entre des piliers un peu plus loin, en regard de plaques et de feuilles de papier sur lesquels on lit, répété, le mot soucis - le dernier prononcé par la mère de l'artiste.
Je n'ai pas l'intention d'écrire le parcours de la visite, de faire le guide pour ceux qui viendront me lire, je laisse les photos jouer ce rôle, ainsi que l'article cité plus haut . Ce qui m'intéresse, l'expérience d'une autre, sa manière de vivre l'agonie puis le deuil de sa mère. Je suis en présence de l'intimité d'une fille et de sa mère dans cette séparation ultime, préparée, vécue, puis installée en vue de cette exposition. Paradoxe de l'oeuvre de Sophie Calle, faire du plus intime de sa vie une oeuvre exposée.
Pourquoi suis-je ici ? Pour le nom de Sophie Calle, pour voir son travail ailleurs que dans les livres et sur des photos . Ce n'est pas tout. Je connais le thème de cette installation, il me renvoie à mon vécu, à des thèmes personnels. Que suis-je donc venue partager ?
Cette visite, je m'en doutais est un possible retour sur mes propres deuils. On est encore en novembre, mois où l'on fait pèlerinage sur les tombes.
En venant sur Paris j'ai pensé à Y. que j'ai accompagnée comme je l'ai pu sur le chemin de la fin de sa vie, l'an passé. Expérience dont je m'étais crue pour jamais dispensée avec la mort prématurée de mes parents. Ses cendres reposent-elles à présent dans le caveau familial du Père Lachaise, la famille a-t-elle fait le nécessaire durant l'année ? Je n'osais appeler.
M.P.D. une femme extraordinaire qui m'a redonné vie d'une certaine manière, une figure assurément positive, un peu maternelle, pour ce qu'elle m'a permis de me construire une mère intérieure aussi nécessaire que les fondations de l'édifice ici mises à nues.
Josée, amie d'enfance disparue cet été, impossible d'écrire sur ce présent.
Et la grande absente, ma mère, depuis douze ans, presque treize.
Je suis satisfaite que dans le murmure des voix qui entouraient le lit funéraire de Rachel Monique, le questionnement des personnes présentes ait persisté, malgré la caméra posée là pour tout enregistrer et tout objectiver, et que la vie s'en soit allée comme une incertitude ... que je crois féconde.
Il faudrait écrire un mot pour la fin , il ne vient pas laissant le texte inachevé
5 commentaires:
Il faudrait pouvoir ne rien écrire pour tout commentaire.
Le silence, quoi.
Mouaiiiiiiiiiiiiis...
Intéressant ce "enfin", comme un soulagement, une impression d'exister dans le regard artiste de sa fille. Peut-être un peu tard, non?
Tu as raison, Pierre, peut-être une telle démarche doit-elle conduire au seul recueillement. Toutefois le statut de l'exposition remet cela en question...et pose question
Tu as raison, Pierre, peut-être une telle démarche doit-elle conduire au seul recueillement. Toutefois le statut de l'exposition remet cela en question...et pose question
Moogli, tu as pointé le "enfin" qui en dit long...
J'ai cru comprendre que la relation entre la mère et la fille était assez complexe. Si la mère n'était pas pas présente dans l'oeuvre de sa fille , elle était peut-être présente dans sa vie d'une manière suffisante ( un euphémisme ?) pour n'y arriver qu'au moment où elle en sortait (d'une certaine manière seulement, pour autant que les disparus sortent de nos vies...)?
Je ne juge pas ce "enfin" pour ce qu'il sonne effectivement comme un grief que la fille n'a pas tu. Il y a une sorte d'objectivation de tout, de monstration qui m'étonne encore. Je n'ai pas photographié la photo du cercueil ou encore le film de l'agonie projeté dans une immense caisse en bois. Car je n'oublie pas que s'il y a exhibition il y a aussi voyeurisme.
C'est très "spécial", comme je l'ai entendu dire...
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