Depuis le samedi 24 avril, les oeuvres "Pierres" de Raymond Galle sont exposées dans le réfectoire de l'abbaye de Silvacane. L'exposition se poursuivra jusqu'au 27 juin 2010.
Dans son texte Je voudrais devenir Pierre, Raymond Galle écrit "la pierre (...) Allongée avec d'autres, elle forme des murs, se plie à la volonté de qui les assemble mais en se fermant à la main qui trie, sépare, divise, segmente, sectionne. Elle se ferme à l'humain pour ne s'ouvrir qu'au sublime. La pierre est docile, son unique activité est la contemplation".
Dans le lieu de Silvacane, ses propos sur la pierre semblent prendre en compte la dimension de l'abbaye cistercienne édifiée au XIIe siècle. La sobriété , voire l'austérité de l'architecture pensée selon la règle de StBenoît prônant une esthétique rigoureuse, fonctionnelle, dépouillée d'ornements qui puissent détourner le moine de sa prière semble dans la ligne d' un accomplissement de son travail.
On sait qu'il oeuvre avec des matériaux pauvres, des panneaux de papier recyclés, des feutres, de la mine de plomb, des pastels, de la peinture.
La simplicité apparente des pierres, des lignes et des formes n'est pas seulement synonyme de pauvreté mais aussi de pureté belle (pour ne pas dire de pauvreté belle et choquer ceux qui vivent une difficile pauvreté) tant pour le lieu que pour les oeuvres.
Les panneaux sont sobrement plaqués sur la pierre des murs, éclairés par un spot posé au sol, projetant une lumière sous-jacente qui contrarie un peu, il faut l'admettre, la lumière naturelle verticale des vitraux. L'éclairage cru, concentré, souligne toutefois la densité de la pierre représentée, crée des ombres intéressantes. D'autres effets spectaculaires tiennent à la particularité du lieu. La teinte des pierres de Raymond Galle est parfois collée à celle de la pierre des parois et on a l'étrange sensation que le panneau pourrait avoir été découpé ou ajusté au mur.
Mais la fascination de ces effets de trompe-l'oeil ont-ils à voir avec le "ceci n'est pas une pipe" de René Magritte ?
A savoir que l'image de l'objet n'est pas l'objet, pas plus que son nom qui est arbitraire. La peinture de Raymond Galle n'est pas un travail de mimétisme ou de représentation réaliste du réel, même quand il entretient avec lui un rapport de ressemblance ou de "reconnaissabilité". Volontairement je déforme le mot "reconnaissance" pour qu'il n'y ait pas de confusion... il me semble que l'intention de Raymond Galle serait davantage dans la reconnaissance de ce qui le marque (de ce qu'il marque ... il lui arrive de laisser des marques, des objets, de relever des pierres, des inscriptions dans le paysage). Ainsi, me semble-t-il instaurer un dialogue entre le monde (en tant que réalité matérielle sur laquelle s'accroche le symbolique, la possibilité d'une métaphysique) et lui.
Ce qui l'interroge, ce qui le marque, ce qu'il reconnaît, devient support ou objet de son travail. Ainsi, ne sont pas seulement exposées des pierres mais aussi des branchages de figuiers recouverts de bandelettes et des travaux sur le sous-bois à travers lesquels il explore l'idée de verticalité, de non séparation entre le ciel et la terre, effaçant la notion d'horizon. Le travail de Raymond Galle ne semble pas être une monstration du réel, forcément sa métamorphose et sa déqualification pour son appropriation, termes qui apparaissent souvent dans le texte cité.
Ce qui frappe dans le texte Les Pierres est la volonté de métamorphose ... "je voudrais devenir pierre", "je voudrais être monde", "je veux me fermer à l'option d'errance", "je veux me tenir dans l'extase de l'existence", "je veux entrer dans la chair de la terre en resserrant l'étau dans lequel entre pierre et mer je suis pris"... mais Raymond Galle constate qu'il n'a "pas la patience des pierres".
Est-ce ici qu'il faut entrevoir la place de son travail entre sa volonté et sa réalité d'homme ?
L'accrochage est une réussite, belle adéquation entre le lieu et l'oeuvre à voir et à ressentir...
Exposition "Pierres"
Raymond Galle
du samedi 24 avril au 27 juin 2010
Abbaye de Silvacane
tel 04.42.50.41.69
abbayedesilvacane@orange.fr
2 commentaires:
Tout ce que tu dis sur le travail de R. Galle et sur ce qu'il a écrit, est tellement vrai et pertinent quil s'agit là d'un commentaire "sans commentaire". Je m'accorde également sur l'éclairage: la lumière d'un ciel bleu à travers les vitraux aurait réhaussé à merveille toutes ces pierres réunies dans le plus bel écrin qui soit. Pierres "précieuses" cependant.
Merci, Pierre.
Il Y a un point que je n'ai pas assez développé, celui du lien qu'il y a entre ce travail sur les pierres et tous les autres, y compris celui sur la bourse. Il était évident dans le travail sur la bourse que "l'exhibition" des valeurs, leur détournement en objet artistique, même s'il pouvait avoir une dimension esthétique à laquelle je crois que Raymond attache de l'importance, contenait, sans paraître afficher une distanciation, une interprétation critique. Il en est de même pour les pierres ou pour les sous-bois. Reste à savoir quelle interprétation ? Quelle visée ? Cette dimension est explicite dans le texte "Les Pierres", peut-être aussi dans l'entreprise de relever celles qu'il trouve à terre, car il est évident que Raymond peint des pierres qui sont toutes levées. Cette réflexion est à poursuivre...
A bientôt, amitié
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