dimanche 24 novembre 2019

"Until we blend", LYENN




"Until we blend", de l'auteur compositeur belge Lyenn, est un morceau de l'album Adrift, qui sortira le 10 janvier 2020, sur le label Waste My Records. 

Ecouter la musique de Lyenn et se laisser dériver dans les sensations où elle nous entraîne, ce pourrait être la bande son d’un film en noir et blanc. Une voiture qui roule dans la nuit et progresse dans un halo d’obscurité, les silences ont la densité d’un noir chaud et profond, sa voix et les instruments  des efflorescences lumineuses. L’immensité de la nuit, la solitude et ce pouvoir de la route qui l’absorbe, trajectoire fléchée. Hypnotiques ces traits de lumière qui s’avalent à  cadence régulière, ils collent au rythme du piano qui égrène ses notes, les  percussions battent un motif répété et donnent la cadence d’une dérive lente ou rapide et pourtant immobile de celui qui est assis dans l’habitacle. Le vertige est sensible dans la nuit sans repère, plus de distance entre le réel et la musique, tout est sensation, tout est émotion dans l’instant qui pourrait aussi bien être une éternité.
J’ai dit que Lyenn écrit des chansons en noir et blanc … mais il faut préciser que cette sensation n’est pas due à la noirceur des textes ou des mélodies, non.  Ce n’est pas du blues, ni du jazz mélancolique, non.  C’est pour l’élégance de cette musique exigeante et assez sophistiquée, en quelque sorte classique tout en étant d’avant-garde.
La voix claire de Lyenn s’enroule sur les mots, monologue introspectif, son univers est davantage celui de la pensée du vécu que le réel, qu’il semble observer et commenter pour lui-même, pensée se parlant à elle-même et à une autre, absente, intériorisée.  Ainsi la musique se construit en se reprenant sans cesse, en revenant sur ses pas, les mots sont des pensées qui s’enroulent sur elles-mêmes, reprises jusqu’à l’obsession, toute certitude fuit ce motif  qui progresse  en se lovant sur lui-même, délicatement.  Parfois, le son en s’enroulant, prend  force et vitesse, grossit, s’emballe, sa propre énergie le hisse à la limite  du chaos, puis retombe, dans un  silence noir, suspendu, dans l’infini. 

La vidéo   « Until we blend », de  Moskva production avec les danseurs  Julia Romain et Ivan Paulovich est sublime, elle m’a surprise et tout à fait séduite dans l’interprétation très douce qu’elle propose du morceau, pour la raison que j’ai dite, de voir la musique de Lyenn comme un film en noir et blanc. Là, au contraire, les couleurs très douces, camaïeux de gris bleutés, de verts tendres et de bruns très pâles, parfois rosés donnent la sensation de teintes passées, de souvenirs décolorés.   On y entre sur la pointe des pieds,  dans le mouvement d’un voile  soulevé par la brise, comme dans un songe, suivant la dérive d’un mouvement de caméra qui s’enroule sur lui-même.  On épie la naissance d’un couple, le moment où chacun s’éveillant de sa solitude, ouvre les yeux sur l’autre et,  dans un continuum de mouvements déroulés, leurs corps se délient, se frôlent, s’enlacent, se mêlent et pour finir  se tiennent lovés au pied d’un autel fleuri, drapé de blanc. Un conte charmant et positif que l’on quitte comme on y est entré, dans un mouvement de caméra et de voile pudiquement reposé. A tout instant, la caméra filme aussi les détails du décor d’un palais qui fut magnifique mais aujourd’hui abandonné, la somptuosité des plafonds en stuc adorablement tarabiscotés, des huisseries sans ferrures, battant au vent  et des panneaux aux peintures craquelées, rongées par  le temps et l’humidité. Chaque image souligne la fugacité de l’instant parfait,  le miracle de l’amour et la fragilité de la vie, la fêlure souterraine … carpe diem.




L'album ADRIFT, de Lyenn  sortira le 10 janvier 2020 sur le label belge (anversois)  Waste My Records. 
Plus d'infos sur les liens ci-dessous: 


J'ai découvert la musique de Lyenn il y a plusieurs années, en première partie d'un concert du Mark Lanegan Band et j'avais été impressionnée par sa musique, une présence timide et déterminée à la fois, risquant devant un public qui n'avait pas expressément choisi de venir l'entendre, des morceaux intimistes, d'une grande exigence.

J'ai retrouvé un article inachevé resté dans mes brouillons, après un concert de Mark Lanegan, au Café de la Danse, le 25 novembre 2017, j'écrivais ceci à propos de Lyenn.
"Fréderic Lyenn Jacques (Lyenn), musicien belge, assurait la première partie du  concert.  C'est, je crois, la troisième fois que je l'entendais en solo. Bassiste  dans le Mark Lanegan Band,  il joue de la guitare pour accompagner ses propres compositions. Les fois précédentes, il s'était présenté comme "l'apéritif" de la soirée.  Cette réplique qui ne manquait pas d'humour, faisait surgir l'image d'un public-ogre, potentiellement dangereux,  mais, Au Café de la Danse, Lyenn  occupait l'espace avec plus de confiance et n'avait plus besoin de cette justification en bémol pour prendre place. Du coup, moi aussi je l'écoutai autrement, je rentrai totalement dans sa musique.  
Ses morceaux intimistes explorent ses émotions personnelles, c'est à la fois dépouillé et très travaillé, il y a des manières de soliste classique et virtuose, qui peaufine un motif sonore, cherche une rareté acoustique tout en travaillant la voix dans tous les registres.  Là ,il  chuchote, puis lance un cri qui reste aphone, à la fin du morceau dans un crescendo il libère une énergie assourdissante... Lyenn nous attrape avec sa musique hypnotisante.  Quand un groupe  joue ensemble il occupe tout l'espace et réunit le public dans l'épaisseur du son qui sature tout, surtout dans le rock. Avec cette musique  intimiste on a davantage l'impression que la musique n'est que pour soi et qu'elle cherche à faire un lien avec nos propres émotions." 

En dehors d'apparitions en première partie des tournées de Mark Lanegan, j'ai écouté Lyenn dans le groupe jazz belge Dans Dans (Bert Dockx, Lyenn, Steven Cassiers) et dans les Faye Dunaways  (Lyenn et  Aldo Struyf)."

Cela sans compter les trois  albums personnels de Lyenn:  The Jollity of my boon companion (2009, Munich Records), Vowels fade first, EP (2011, Munich Records), Slow Healer (2016, V2 Benelux), et le quatrième, Adrift , à venir le 10 janvier 2020 chez  Waste My Records



Lyenn, au Café de la Danse à Paris, le 25 novembre 201, en première partie du Mark Lanegan Band, pour la sortie de l'album Gargoyle de Mark Lanegan (Heavenly records) 
Lyenn, solo, à l'Alhambra de Genève en première partie du With Animals tour de Mark Lanegan et Duke Garwood, le 13 octobre 2018.  

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