"Until we blend", de l'auteur compositeur belge Lyenn, est un morceau de l'album Adrift, qui sortira le 10 janvier 2020, sur le label Waste My Records.
Ecouter la
musique de Lyenn et se laisser dériver dans les sensations où elle nous
entraîne, ce pourrait être la bande son d’un film en noir et blanc. Une voiture
qui roule dans la nuit et progresse dans un halo d’obscurité, les silences ont la
densité d’un noir chaud et profond, sa voix et les instruments des efflorescences lumineuses. L’immensité de
la nuit, la solitude et ce pouvoir de la route qui l’absorbe, trajectoire fléchée.
Hypnotiques ces traits de lumière qui s’avalent à cadence régulière, ils collent au rythme du
piano qui égrène ses notes, les
percussions battent un motif répété et donnent la cadence d’une dérive
lente ou rapide et pourtant immobile de celui qui est assis dans l’habitacle. Le
vertige est sensible dans la nuit sans repère, plus de distance entre le réel
et la musique, tout est sensation, tout est émotion dans l’instant qui pourrait
aussi bien être une éternité.
J’ai dit que
Lyenn écrit des chansons en noir et blanc … mais il faut préciser que
cette sensation n’est pas due à la noirceur des textes ou des mélodies,
non. Ce n’est pas du blues, ni du jazz
mélancolique, non. C’est pour l’élégance
de cette musique exigeante et assez sophistiquée, en quelque sorte classique
tout en étant d’avant-garde.
La voix claire
de Lyenn s’enroule sur les mots, monologue introspectif, son univers est
davantage celui de la pensée du vécu que le réel, qu’il semble observer et
commenter pour lui-même, pensée se parlant à elle-même et à une autre, absente,
intériorisée. Ainsi la musique se
construit en se reprenant sans cesse, en revenant sur ses pas, les mots sont
des pensées qui s’enroulent sur elles-mêmes, reprises jusqu’à l’obsession,
toute certitude fuit ce motif qui
progresse en se lovant sur lui-même, délicatement. Parfois, le son en s’enroulant, prend force et vitesse, grossit, s’emballe, sa
propre énergie le hisse à la limite du
chaos, puis retombe, dans un silence noir,
suspendu, dans l’infini.
La vidéo « Until
we blend », de Moskva production
avec les danseurs Julia Romain et Ivan
Paulovich est sublime, elle m’a surprise et tout à fait séduite dans l’interprétation
très douce qu’elle propose du morceau, pour la raison que j’ai dite, de voir la
musique de Lyenn comme un film en noir et blanc. Là, au contraire, les couleurs
très douces, camaïeux de gris bleutés, de verts tendres et de bruns très pâles,
parfois rosés donnent la sensation de teintes passées, de souvenirs décolorés. On y entre sur la pointe des pieds, dans le mouvement d’un voile soulevé par la brise, comme dans un songe, suivant
la dérive d’un mouvement de caméra qui s’enroule sur lui-même. On épie la naissance d’un couple, le moment où
chacun s’éveillant de sa solitude, ouvre les yeux sur l’autre et, dans un continuum de mouvements déroulés, leurs
corps se délient, se frôlent, s’enlacent, se mêlent et pour finir se tiennent lovés au pied d’un autel fleuri, drapé
de blanc. Un conte charmant et positif que l’on quitte comme on y est entré,
dans un mouvement de caméra et de voile pudiquement reposé. A tout instant, la
caméra filme aussi les détails du décor d’un palais qui fut magnifique mais aujourd’hui
abandonné, la somptuosité des plafonds en stuc adorablement tarabiscotés, des
huisseries sans ferrures, battant au vent et des panneaux aux peintures craquelées, rongées
par le temps et l’humidité. Chaque image
souligne la fugacité de l’instant parfait, le miracle de l’amour et la fragilité
de la vie, la fêlure souterraine … carpe diem.
L'album ADRIFT, de Lyenn sortira le 10 janvier 2020 sur le label belge (anversois) Waste My Records.
Plus d'infos sur les liens ci-dessous:
J'ai découvert
la musique de Lyenn il y a plusieurs années, en première partie d'un concert du
Mark Lanegan Band et j'avais été impressionnée par sa musique, une présence
timide et déterminée à la fois, risquant devant un public qui n'avait pas expressément
choisi de venir l'entendre, des morceaux intimistes, d'une grande exigence.
J'ai retrouvé un
article inachevé resté dans mes brouillons, après un concert de Mark Lanegan,
au Café de la Danse, le 25 novembre 2017, j'écrivais ceci à propos de Lyenn.
"Fréderic
Lyenn Jacques (Lyenn), musicien belge, assurait la première partie
du concert. C'est, je crois, la troisième fois que je l'entendais
en solo. Bassiste dans le Mark Lanegan Band, il joue de la guitare
pour accompagner ses propres compositions. Les fois précédentes, il s'était
présenté comme "l'apéritif" de la soirée. Cette réplique qui ne
manquait pas d'humour, faisait surgir l'image d'un public-ogre, potentiellement
dangereux, mais, Au Café de la Danse, Lyenn occupait l'espace avec
plus de confiance et n'avait plus besoin de cette justification en bémol pour
prendre place. Du coup, moi aussi je l'écoutai autrement, je rentrai totalement
dans sa musique.
Ses morceaux
intimistes explorent ses émotions personnelles, c'est à la fois dépouillé et
très travaillé, il y a des manières de soliste classique et virtuose, qui
peaufine un motif sonore, cherche une rareté acoustique tout en travaillant la
voix dans tous les registres. Là ,il chuchote, puis lance un cri
qui reste aphone, à la fin du morceau dans un crescendo il libère une énergie
assourdissante... Lyenn nous attrape avec sa musique hypnotisante. Quand
un groupe joue ensemble il occupe tout l'espace et réunit le public dans
l'épaisseur du son qui sature tout, surtout dans le rock. Avec cette
musique intimiste on a davantage l'impression que la musique n'est que
pour soi et qu'elle cherche à faire un lien avec nos propres
émotions."
En dehors d'apparitions en première partie des tournées de Mark Lanegan, j'ai écouté Lyenn dans le groupe jazz belge Dans Dans (Bert Dockx, Lyenn, Steven Cassiers) et dans les Faye Dunaways (Lyenn et Aldo Struyf)."
Cela sans
compter les trois albums personnels de Lyenn: The Jollity
of my boon companion (2009, Munich Records), Vowels fade
first, EP (2011, Munich Records), Slow Healer (2016,
V2 Benelux), et le quatrième, Adrift , à venir le 10 janvier
2020 chez Waste My Records
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