Une conférence de Claude Debon, salle Armand Lunel à la Cité du Livre à Aix-en-Provence, samedi 14 décembre 2018, "Guillaume Apollinaire, 300 poèmes en temps de guerre". Et un livre, Souvenirs sur Apollinaire, de Louise Faure-Favier, dans la collection les Cahiers Rouges chez Grasset.
Des infos sur le site de la Fondation Saint-John Perse: http://fondationsaintjohnperse.fr/la-programmation-culturelle/archives/apollinaire-300-poemes-en-temps-de-guerre-conference-de-claude-debon/
Deux recueils d'Apollinaire contemporains de son engagement sous les drapeaux pendant la guerre de 14-18, Calligrammes (1918) et Poèmes à Lou (posthume 1947).
Calligrammes, Poèmes de la Paix et de la Guerre 1913-1916.
"Chant de l'Honneur" (extrait)
Le poète
Je me souviens ce soir de ce drame indien
Le Chariot d'Enfant un voleur y survient
Qui pense avant de faire un trou dans la muraille
Quelle forme il convient de donner à l'entaille
Afin que la beauté ne perde pas ses droits
Même au moment d'un crime
Et nous aurions je crois
A l'instant de périr nous poètes nous hommes
Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes
Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté
N'est la plupart du temps que la simplicité
Et combien j'en ai vu qui morts dans la tranchée
Etaient restés debout et la tête penchée
S'appuyant simplement contre le parapet
J'en vis quatre une fois qu'un même obus frappait
Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes
Avec l'aspect penché de quatre tours pisanes
Depuis dix jours au fond d'un couloir trop étroit
Dans les éboulements et la boue et le froid
Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
Anxieux nous gardons la route de Tahure
J'ai plus que les trois coeurs des poulpes pour souffrir
Vos coeurs sont tous en moi je sens chaque blessure
O mes soldats souffrants ô blessés à mouriir
Cette nuit est si belle où la balle roucoule
Tout un fleuve d'obus sur nos têtes s'écoule
Parfois une fusée illumine la nuit
C'est une fleur qui s'ouvre et puis s'évanouit
La terre se lamente et comme une marée
Monte le flot chantant dans mon abri de craie
Séjour de l'insomnie incertaine maison
De l'Alerte la Mort et la Démangeaison
[...]
Engagé volontaire lors de la première guerre mondiale, Apollinaire fut blessé alors qu'il lisait un numéro du Mercure de France, dans la tranchée de Berry-au-Bac, le 17 mars 1916. Un éclat de sharpnell vint frapper sa tête, au niveau de la tempe droite. Il était alors sous-lieutenant au 96e régiment d'infanterie. Max Jacob lui avait prédit, lors d'une soirée où il pratiquait la chiromancie, qu'il aurait une vie courte et connaîtrait la gloire après sa mort.
Copie d'un autre poème qui évoque la blessure d'obus à la tête.
Tristesse d'une étoile
Une belle Minerve est l'enfant de ma tête
Une étoile de sang me couronne à jamais
La raison est au fond et le ciel est au faîte
Du chef où dès longtemps Déesse tu t'armais
C'est pourquoi de mes maux ce n'était pas le pire
Ce trou presque mortel et qui s'est étoilé
mais le secret malheur qui nourrit mon délire
Est bien plus grand qu'une âme ait jamais celé
Et je porte avec moi cette ardente souffrance
Comme le ver luisant tient son corps enflammé
Comme au coeur du soldat il palpite le France
Et come au coeur du lys le pollen parfumé
Le recueil Calligramme a été publié au Mercure de France le 15 avril 1918. Il est dédicacé "A la mémoire du plus ancien de mes camarades, René Dalize mort au Champ d'Honneur le 7 mai 1917".
Blessé dans les tranchées, Apollinaire, après deux opérations et une brève convalescence, a recommencé à travailler, beaucoup, et à écrire des articles pour des revues. Il a contracté la grippe espagnole durant l'épidémie de 1918 et en est mort. Par curiosité j'ai parcouru quelques archives de journaux de novembre 1918, sur le site de la BNF, après le 9 novembre 1918 (date de la mort d'Apollinaire) et je n'ai pu constater qu'un silence presque total. Il est certain que la notoriété de Guillaume Apollinaire, n'était pas à l'époque, la même qu'aujourd'hui. Sur les pages accessibles, un seul article signé Orion, dans L'Action Française du 11/11/18. Il faut dire que l'Armistice occupait les Unes de tous les journaux.
"Guillaume Apollinaire qui s'était volontairement exposé au feu des batailles, vient de mourir victime de la grippe. En même temps que cruelle, la mort peut être folle. Guillaume Apollinaire avait mérité la croix de guerre en servant la France les armes à la main. Il avait été blessé sous Verdun. Le poète qui avait encore [...] sur des subtilités de l'art contemporain avait fait trois [...] au [...] dans sa vie littéraire[...] On pouvait le rencontrer à la Bibliothèque nationale, qui étudiait le théâtre [...] au XVIIIe siècle; pour [...] son activité il [...] à la presse quotidienne et aux revues des contes, des chroniques des notes avec d'excellente prose traditionnelle, portant la marque d'un esprit précis: enfin à sa manière rare et parfois déroutante, il servait les Muses. Un des derniers écrits de sa main aura été dans le Mercure de France. Cette note sur l'Ode de la D... de la Marne que l'Action Française citait l'autre jour. Il n'est pas un écrivain de sa génération qui ne regrette sa perte. Il est mort le 9 novembre à six heures du soir".
et cet autre article paru dans le journal Le Siècle, daté du 12 novembre 1918
et cet autre article paru dans le journal Le Siècle, daté du 12 novembre 1918
Guillaume Apollinaire est mort en deux jours de la grippe espagnole . Les jeunes lettres françaises perdent en lui un poète d'une imagination fleurie et qui a écrit des vers fluides et purs. Il avait publié avant la guerre un recueil de poèmes, Alcools, un livre de prose, Hérésiarque & Cie, et divers ouvrages d'histoire et de critique. En 1914, il s'engagea, fut artilleur puis, sur sa demande passa dans l'infanterie. Sous lieutenant, il fut grièvement blessé en Champagne et subit l'opération du trépan. Il avait la croix de guerre. Convalescent il fit paraître un recueil de contes, Le Poète assassiné, puis une plaquette de vers: Vitam Impendere Amors, un livre de poèmes, enfin: Calligrammes, où son esprit hardi s'était plu à réaliser des audaces typographiques qui n'empêchaient pas la beauté limpide des vers.
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