lundi 22 octobre 2018

vernissage PRATIQUES DU PAYSAGE, Georges GUYE

Du samedi 20 au mardi 23 octobre 2018, deuxième volet de l'exposition PRATIQUES DU PAYSAGE présentant les oeuvres de Georges GUYE, .  L'exposition est visible aux Lamberts, 200rd10, à Vauvenargues.   Le week-end prochain, exposition du travail de Raymond GALLE.


En entrant, sur le mur de gauche, on est attiré par ce petit format qui semble un peu en coin, un rectangle pas tout à fait régulier ... on se penche pour voir de plus près. Grand sourire, c'est tout Georges Guye en une oeuvre !  Une mer vue à travers la fenêtre de la voiture que l'on s'est empressé de baisser pour attraper, en plus de la vue, l'odeur de l'iode :"Vue de Carry-le-Rouet".  La sculpture est un objet et une "vision".  Liée au vécu de l'artiste, elle recompose en une image, une aventure humaine, livre un regard tout subjectif sur le monde qui l'entoure. La nature est à portée de vue, c'est dire l'importance du regard qui délimite un cadre, qui donne, non pas Le paysage, mais un point de vue sur le paysage.   Le paysage selon Georges Guye, c'est une aventure très humaine ... 


 La grande salle du rez-de-chaussée est un hommage à la grande bleue ... mers et oursins à Carry-le-Rouet.


Sur le mur de gauche, le rectangle de résine, de teintes gris-bleu est parcouru de plis orientés comme des vaguelettes, on y devine les ondes de l'eau de mer qui se déplacent en faisant des rides.  Placé à hauteur de regard c'est un tableau en relief, ce n'est pas la mer, mais mon regard peut s'y perdre. Dès que je fais un pas en arrière, j'aperçois à nouveau sa forme délimitée et le cadre qu'il dessine sur le mur blanc.  J'ai conscience de cet improbable renversement, la  mise à la verticale de ce qui dans la réalité est un plan horizontal, une ligne de fuite portant mon regard vers l'horizon. L'oeuvre plastique est intéressante par sa verticalité, sa frontalité qui la met à l'écart de la réalité.  C'est tout le propos de l'oeuvre d'art que d'être artificielle et non imitation, tout en restant suggestive.
L'effet est autre encore avec la pièce de résine  d'un bleu soutenu, un carré presque parfait, placée sur le mur opposé.  Ce qui m'étonne dans cette sculpture, c'est que la qualité du bleu choisi n'est absolument pas "réaliste", mais qu'il a le pouvoir d'évoquer une belle journée de plein soleil. Cette "Mer" là, c'est le soleil et la plage, c'est d'ailleurs au  pied de cette sculpture murale que Georges Guye a déposé une autre sculpture basse, un périmètre de sable avec serviette jaune (tiens, encore la référence au soleil) et sandales méduse.  Cette installation ( rapprochement de deux oeuvres) devient narrative, on est tenté de compléter le scénario en donnant du sens aux traces dans le sable et à l'absence de sujet.  Tout bon roman, comme tout bon scénario comporte au moins un personnage.  L'absence de personnage dans cette scène (ou plutôt sa présence en creux, l'empreinte de ses pieds et objets personnels) s'incitent à dérouler la scène dans le temps.  Le temps, une autre donnée essentielle du récit.



"Mer" en résine et bord de plage avec empreintes, serviette et sandales méduse 



Le troisième ensemble sculpté présent dans cette salle du rez-de-chaussée, "Oursins à Carry-le-Rouet", fonctionne également comme un strip BD, en trois vignettes, l'espacement entre les scènes vaut comme ellipse narrative. C'est un souvenir personnel du sculpteur qui est le point de départ du motif, mais c'est la transposition, la recréation qui est l'enjeu de la sculpture.  Le point de vue artificiel fait tout l'intérêt de la scène, il n'a rien de naturel, mais il est éminemment cinématographique, jouant sur la plongée, les zooms et le cadrage.  L'artiste s'attache à représenter son ressenti du monde, en le recréant.  

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"Oursinade à Carry-le-Rouet"





Le premier étage est la salle des plâtres blancs




"Attention falaise, fragile, danger"


Ce paysage est inspiré par une randonnée entre Luynes et Gardanne, sur un site nommé "Le mur de Gueydan". Le panneau "Falaise, fragile, danger" s'adresse au spectateur. La scène recrée l'impression de vertige, au bord du précipice.  L'interruption franche du haut relief dans sa partie inférieure, fait que le paysage se dérobe, le regard tombe littéralement dans le vide.  Heureusement (semble-t-il), la barrière est là pour assurer la sécurité du spectateur (comme du promeneur) et rassurer.  Mais ... en réalité, elle crée surtout  un obstacle à la perception de l'oeuvre.  Idem la présence du panneau qui attire l'attention.  Quelque part, on dirait que tout est fait (par le sculpteur) pour détourner le spectateur de la contemplation du paysage, barrière et panneau de signalisation font obstacle, parasitent le regard.  On est littéralement empêché de regarder le paysage, c'est du sabotage organisé! 
 Couac orchestré, bien sûr, qui pose encore la question du paysage. Qu'est-ce que l'on appelle paysage si ce n'est un espace modelé, organisé et commenté par l'homme ?   Sur un sentier de randonné, le paysage est souvent signalé comme paysage, il se donne à voir, il se dit paysage au moyen de toute une signalétique que Georges Guye se plait à mettre au premier plan et à rendre envahissante.  Dans l'oeuvre de Georges Guye, nous percevons immédiatement ce qui nous échappe parfois in situ, le regard ayant la capacité de "faire le tri", de se focaliser sur un point du paysage. Dans cette sculpture, le paysage naturel, relégué au second plan est pourtant un petit chef-d'oeuvre.
Il faut se retourner pour contempler, sur le mur opposé, une ligne pure de paysage en contre-plongée, donnant comme vue "Le dessous du paysage", pour comprendre toute la malice de l'oeuvre, mais aussi toute sa beauté plastique. 

Comme je l'écrivais au début de l'article, les paysages de Georges Guye montrent la relation que l'homme entretient avec la nature et la nature entretenue par l'homme.  Bien souvent d'ailleurs, l'humain figure au premier plan. Présence d'un avant bras,  d'un pied, d'une main tenant un bâton, d'une barrière...  Le regard ensuite découpe une portion de paysage dont il fait émerger quelques éléments qu'il traite et analyse, comme pour les reconnaître et les assimiler.  Même le regard semble transfigurer la nature et déjà l'assujettir.



"Paysage en contre plongée" qui s'étire traçant une ligne d'horizon


"Paysage avant l'orage" 


"Calanque II"

On est aux antipodes du paysage proposé par Alain Goetschy, dans le même lieu, la semaine précédente.  Pour rappel, un lien pour retrouver les photos de l'expo d'Alain Goetschy.  Le 27 octobre, ce sera au tour de Raymond Galle d'exposer son travail sur  le paysage.  J'y reviendrai.


Au deuxième étage, on entre dans les paysages liés à des visions mythologiques, des ensembles d'arbres  pris dans la tourmente du vent, complètent l'ensemble des figures. On est saisi parla force des images  et le souffle qui parcourt les arbres.


"La métamorphose d'Actéon en cerf"
Actéon est le fils de d'Aristée (lui-même fils d'Apollon) et de la fille de Cadmos, Autonoé. Il est élevé par le Centaure Chiron auprès duquel il devient un chasseur très habile.  Un jour, lors d'une chasse, il surprit la déesse Artémis et ses compagnes au bain.  Furieuse de paraître nue devant un mortel, elle le transforme en cerf. Il est alors dévoré par ses chiens. Dans cette version que nous livre Georges Guye, la sculpture fait pendant au tableau peint. Elle semble littéralement sortir du tableau et jaillir au premier plan.  



Penthée et Agavé et la dépouille de Penthée (tableau au mur) et au devant, des Baccantes brandissant les dépouilles de Penthée. L'histoire de Penthée fournit le sujet de la tragédie d'Euripide, Les Baccantes. Penthée était le roi de Thèbes avant Cadmos  (Cadmos qui donne la lignée des Labdacides, dont sont issus Laïos et Oedipe).  Il s'opposa à l'introduction des cultes dionysiaques dans son royaume.  Alors qu'il était caché au creux d'un arbre sur le mont Cithéron pour observer les bacchanales, il est surpris et mis en pièces par les Ménades (ce sont les fidèles de Dionysos, représentées comme des furies délirantes et possédées, qui personnifient les esprits orgiaques de la nature). Parmi les Ménades qui le mettent en pièces, figurent sa propre mère Agavé, fille de Cadmos et d'Harmonie et ses tantes, Ino et Autonoé.



Dionysos et deux Ménades

Le projet des trois expositions PRATIQUES DU PAYSAGE, est conçu comme un triptyque permettant de faire dialoguer trois démarches d'artistes, Alain GOETSCHY, Georges GUYE et Raymond GALLE, qui se connaissent par ailleurs très bien. 
Les Lamberts est un lieu d'exposition d'arts contemporains privilégiant les pratiques qui interrogent et rendent compte du paysage.  Cette exposition est à visiter du 20 au 23 octobre inclus, de 15h à 19h.

200rd10
Les Lamberts
13126 Vauvenargues

04 42 24 98 63
200rd10@gmail.fr



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