Fosbury, Georges Guye, 1986 (résine et métal) 170 x 40 x 40
La
sculpture « Fosbury », réalisée en résine en 1986 est inspirée par le
célèbre athlète Dick Fosbury qui expérimenta le saut en hauteur en rouleau
dorsal (appelé d’ailleurs fosbury-flop) lors des jeux de Mexico, en 1968, et
remporta le titre olympique. Cette œuvre, au-delà de l’hommage à un sportif
talentueux, est un dialogue avec l’Art à travers les époques. Contemporaine par
son sujet qui emprunte à l’actualité sportive et les matériaux choisis pour son
exécution (la résine), cette sculpture pose la question de la représentation de
la légèreté et donne l’illusion que le corps est suspendu dans le vide. Cette
oeuvre d’une apparente sobriété, entre en dialogue avec d’autres œuvres peintes
ou sculptées qui jalonnent l’histoire de l’art et semble atteindre, pour cette
raison, un classicisme atemporel. Georges
Guye saisit l’instant du saut où l’athlète, renversé en arrière, corps cambré,
jambes jointes, yeux fermés et bouche entrouverte,
expire dans l’ultime effort qui l’élève
au-dessus de la barre. Il y a dans le geste, ce paroxysme d’effort et de
réussite qui, en principe, justifie l’usage du registre épique dans tous les
commentaires sportifs, cette prise de risque et ce dépassement de soi montés en
épingle dans un discours abondant qui valorise en l’exagérant le danger, le
courage, la prouesse. Ici, l’exploit est figuré dans la tension du mouvement
qui élève le corps au-delà de l’axe horizontal, toutefois, la douceur de la
matière polie et les teintes en camaïeu de la résine, ponctuées d’une touche de
bleu pâle, sont l’antithèse du registre épique.
La dimension tragique saisit le
spectateur.
Un
ami philosophe, Pierre-Jean Dessertine à qui je montrai cette sculpture me dit
qu’elle était pour lui l’expression de la confiance en soi, qu’il faut une
solide confiance pour se jeter dans le vide en arrière, sans voir dans quoi on
se jette. Je partage cette idée qui me
semble intéressante.
Déposition de croix, Pierre-Paul Rubens, 1612- 1614
Le
corps de Dick Fosbury, comme une flèche montante, franchit la barre horizontale qui fait, avec l’axe vertical du
socle, un angle droit dessinant une croix désaxée. L’athlète en majesté, dans la beauté du geste
glorieux, est superposable à l’image
d’un Christ, son allure étant assez semblable à un tableau représentant une
descente de croix (déposition), en particulier celle peinte par Pierre-Paul
Rubens vers 1612, déplaçant l’effort
sportif vers la souffrance du sacrifice.
Comme bien d’autres sculptures de Georges Guye, elle semble pousser le
spectateur vers un questionnement
métaphysique. Il est très surprenant en effet, que la victoire de Fosbury
prenne l’apparence d’un épisode biblique représentant l’image de la mort attestée
du Christ (précédent la résurrection), c’est-à-dire l’image du dieu vaincu, sacrifié.
A
l’instant saisi par le sculpteur, Fosbury franchit victorieusement la barre, il
est à l’acmé et vient de remporter la médaille olympique. C’est le point où il entre
dans l’histoire en réalisant cet exploit. Mais ce que semble dire la sculpture
de Guye, c’est que l’instant de la
victoire est déjà celui de la chute,
irrémédiable, déterminée par les forces de pesanteur. L’acmé ne peut être qu’éphémère.
Seule la médaille olympique, seule la performance est immortelle, l’athlète en
tant qu’homme est déjà en train de poursuivre son destin de mortel et rien ne
peut le sauver. Aucun or, aucune tentative pour s’arracher à la glaise n’est
une victoire durable.
Georges GUYE est né à Aubagne (13) en 1939.
Il
choisit de suivre une double formation : scientifique et artistique. Après
avoir vécu à Aix en Provence de 1969 à 1991, il s’est installé à Marseille,
dans un atelier proche de La Vieille Charité.
Il
a exposé à Aix-en-Provence, Marseille, Saint Maximin, Paris, Wuppertal
(Allemagne), Neuchâtel (Suisse). Il a
aussi réalisé plusieurs travaux d’Art Public dans la Région PACA.
Georges
Guye est un fin observateur du monde qui l’entoure comme en témoignent les
nombreuses œuvres réalisées qui sont largement narratives et restituent sous
forme de saynètes sculptées, des moments de la vie réelle, réminiscences des
plaisirs d’adolescence au bord de l’eau, d’une femme croisée dans un restaurant
en Allemagne, de Norvégiennes sur un balcon etc… Les matériaux de prédilection
de Georges Guye sont le grillage, le plâtre et la résine. L’approche du réel se
démarque toujours d’une reproduction purement réaliste. C’est en sculpteur, que Georges Guye regarde
le monde et travaille, en croisant toujours plusieurs histoires, son histoire
personnelle, l’Histoire de l’Humanité, l'Histoire de l’Art, l’histoire des
matériaux. Il travaille en créant sa propre voie, une voie singulière, sans ostentation,
intrigante, pleine d’humour et d’intelligence.
Dans les années quatre-vingts, le
monde du sport, le football, la danse ou l’athlétisme ont suggéré des œuvres
majeures. « Le Danseur » dont
le modèle est l’Anglais, Merce Cunningham vu à Avignon en 1985, inspire « Le
Danseur », présenté dans cette exposition, et l’athlète Dick Fosbury,
inventeur du saut en hauteur en rouleau dorsal, vainqueur des jeux de Mexico en
1968 est le modèle de la sculpture éponyme également exposée. Dernièrement,
Georges Guye a travaillé sur plusieurs versions d’autoportraits sculptés.
Du 25 janvier au 24 mars 2018, Georges Guye participe à l'exposition TRAIT D'UNION présentée par l'association PERSPECTIVES au musée des Tapisseries, Palais de l'Archevêché, à Aix-en-Provence
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