dimanche 28 janvier 2018

"Fosbury", Georges Guye, 1986




Fosbury, Georges Guye, 1986 (résine et métal) 170 x 40 x 40

La sculpture « Fosbury », réalisée en résine en 1986 est inspirée par le célèbre athlète Dick Fosbury qui expérimenta le saut en hauteur en rouleau dorsal (appelé d’ailleurs fosbury-flop) lors des jeux de Mexico, en 1968, et remporta le titre olympique. Cette œuvre, au-delà de l’hommage à un sportif talentueux, est un dialogue avec l’Art à travers les époques. Contemporaine par son sujet qui emprunte à l’actualité sportive et les matériaux choisis pour son exécution (la résine), cette sculpture pose la question de la représentation de la légèreté et donne l’illusion que le corps est suspendu dans le vide.   Cette oeuvre d’une apparente sobriété, entre en dialogue avec d’autres œuvres peintes ou sculptées qui jalonnent l’histoire de l’art et semble atteindre, pour cette raison, un classicisme atemporel.  Georges Guye saisit l’instant du saut où l’athlète, renversé en arrière, corps cambré, jambes jointes,  yeux fermés et bouche entrouverte,  expire dans l’ultime effort qui l’élève au-dessus de la barre. Il y a dans le geste, ce paroxysme d’effort et de réussite qui, en principe, justifie l’usage du registre épique dans tous les commentaires sportifs, cette prise de risque et ce dépassement de soi montés en épingle dans un discours abondant qui valorise en l’exagérant le danger, le courage, la prouesse. Ici, l’exploit est figuré dans la tension du mouvement qui élève le corps au-delà de l’axe horizontal, toutefois, la douceur de la matière polie et les teintes en camaïeu de la résine, ponctuées d’une touche de bleu pâle, sont l’antithèse du registre épique.   La dimension tragique saisit le spectateur.
Un ami philosophe, Pierre-Jean Dessertine à qui je montrai cette sculpture me dit qu’elle était pour lui l’expression de la confiance en soi, qu’il faut une solide confiance pour se jeter dans le vide en arrière, sans voir dans quoi on se jette.  Je partage cette idée qui me semble intéressante.

 Déposition de croix, Pierre-Paul Rubens, 1612- 1614

Le corps de Dick Fosbury, comme une flèche montante, franchit la barre  horizontale qui fait, avec l’axe vertical du socle, un angle droit dessinant une croix désaxée.  L’athlète en majesté, dans la beauté du geste glorieux, est  superposable à l’image d’un Christ, son allure étant assez semblable à un tableau représentant une descente de croix (déposition), en particulier celle peinte par Pierre-Paul Rubens vers 1612,  déplaçant l’effort sportif vers la souffrance du sacrifice.  Comme bien d’autres sculptures de Georges Guye, elle semble pousser le spectateur  vers un questionnement métaphysique. Il est très surprenant en effet, que la victoire de Fosbury prenne l’apparence d’un épisode biblique représentant l’image de la mort attestée du Christ (précédent la résurrection), c’est-à-dire l’image du dieu vaincu, sacrifié.
A l’instant saisi par le sculpteur, Fosbury franchit victorieusement la barre, il est à l’acmé et vient de remporter la médaille olympique. C’est le point où il entre dans l’histoire en réalisant cet exploit. Mais ce que semble dire la sculpture de Guye, c’est  que l’instant de la victoire est  déjà celui de la chute, irrémédiable, déterminée par les forces de pesanteur. L’acmé ne peut être qu’éphémère. Seule la médaille olympique, seule la performance est immortelle, l’athlète en tant qu’homme est déjà en train de poursuivre son destin de mortel et rien ne peut le sauver. Aucun or, aucune tentative pour s’arracher à la glaise n’est une victoire durable.   



Georges GUYE est né à Aubagne (13) en 1939.
Il choisit de suivre une double formation : scientifique et artistique. Après avoir vécu à Aix en Provence de 1969 à 1991, il s’est installé à Marseille, dans un atelier proche de La Vieille Charité.

Il a exposé à Aix-en-Provence, Marseille, Saint Maximin, Paris, Wuppertal (Allemagne), Neuchâtel (Suisse).  Il a aussi réalisé plusieurs travaux d’Art Public dans la Région PACA.  

Georges Guye est un fin observateur du monde qui l’entoure comme en témoignent les nombreuses œuvres réalisées qui sont largement narratives et restituent sous forme de saynètes sculptées, des moments de la vie réelle, réminiscences des plaisirs d’adolescence au bord de l’eau, d’une femme croisée dans un restaurant en Allemagne, de Norvégiennes sur un balcon etc… Les matériaux de prédilection de Georges Guye sont le grillage, le plâtre et la résine. L’approche du réel se démarque toujours d’une reproduction purement réaliste.  C’est en sculpteur, que Georges Guye regarde le monde et travaille, en croisant toujours plusieurs histoires, son histoire personnelle, l’Histoire de l’Humanité, l'Histoire de l’Art, l’histoire des matériaux.  Il travaille en  créant sa propre voie,  une voie singulière, sans ostentation, intrigante, pleine d’humour et d’intelligence.   Dans les années quatre-vingts, le monde du sport, le football, la danse ou l’athlétisme ont suggéré des œuvres majeures.   « Le Danseur » dont le modèle est l’Anglais, Merce Cunningham vu à Avignon en 1985, inspire « Le Danseur », présenté dans cette exposition, et l’athlète Dick Fosbury, inventeur du saut en hauteur en rouleau dorsal, vainqueur des jeux de Mexico en 1968 est le modèle de la sculpture éponyme également exposée.   Dernièrement, Georges Guye a travaillé sur plusieurs versions d’autoportraits sculptés.

Du 25 janvier au 24 mars 2018, Georges Guye participe à l'exposition TRAIT D'UNION présentée par l'association PERSPECTIVES  au musée des Tapisseries, Palais de l'Archevêché, à Aix-en-Provence


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