Dans la suite de trois albums racontant les aventures de
Billy Brouillard, Le Don de trouble vue (1),
Le petit garçon qui ne croyait plus au
Père Noël (2) et Le Chant des Sirènes (3),
Guillaume Bianco vient de publier le tome 1 d’une Encyclopédie du Fantastique, intitulée Les Fantômes. C’est le monde
vu par les yeux d’un garçon de six ans qui découvre certaines réalités de la
vie … à commencer par la mort de son chat Tarzan ( 1). Son don de trouble vue lui est bien utile
pour affronter un réel qui s’impose de façon abrupte et il faut bien le dire terriblement
inquiétante… surtout la nuit à l’heure où il faut se mettre au lit.
Quand on est curieux, courageux et perspicace comme Billy,
que l’on vient d’apprendre à lire et à écrire, le monde est une aventure !
Et, si l’on a une petite sœur (Jeanne) qui n’est pas très rassurée la nuit, on
se sent bien plus courageux pour repousser ses propres peurs et lui expliquer
le monde de la nuit … peuplé de fantômes !
A l’instar des philosophes des Lumières, Billy découvre par
lui-même, que la meilleure manière de lutter contre les ténèbres et l’obscurantisme
est de mettre toute sa raison au service de ses peurs ! Vêtu de son pull à capuche doté de supers
pouvoirs, de sa lampe et de son courage, il tourne pour nous les pages de son
encyclopédie … Mais sa lanterne ne dissipera pas la magie des nuits, elle
mettra en lumière bien des histoires à ne plus dormir la nuit …
Pour commencer, une visite de courtoisie à nos hôtes (monstres des ténèbres, en tous genres) s’impose,
saluons une galerie de portraits terrifiants, « on ne plaisante pas avec
ce genre de créatures »… vous voilà prévenus … ils sont aussi effrayants que vous l’imaginiez !
Laissez-vous ensuite guider par Billy,
il vous apprendra à reconnaître un vrai fantôme d’un imposteur et puis vous
racontera les plus horribles histoires jamais entendues !
Bizarrement, on ne se sauve pas en courant, on lit, on
dévore avec délectation - et en frissonnant - ces histoires courtes. On se prend d’affection
pour ces créatures maléfiques avant tout victimes d’un monde absurde, bête et
méchant dont elles sont le miroir… Billy, un peu comme Victor Hugo, nous apprend à
aimer ces « freaks » en nous apprenant à les regarder :
J'aime l'araignée et j'aime l'ortie, ( c'est du Victor hugo)
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;
Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;
Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit...
Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !
Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,
Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;
Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;
Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit...
Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !
Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,
Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
V.Hugo. Les
Contemplations ( 1856)
Lavis de Victor Hugo
Guillaume Bianco, Les Fantômes, Métamorphoses, 2014
Hé oui, comment ne pas penser à Victor Hugo en tournant les
pages de l’album ? Chacun sait qu’il
était un fervent adepte du spiritisme et du Ouija ( comme Billy Brouillard), qu’il
aimait les nuits sombres, les lunes claires et les paysages inquiétants que l’on
explore « à la cime du rêve » 1 … Il explorait les ténèbres
d’une tâche d’encre de la pointe de sa
plume pour y élever des châteaux médiévaux ou des créatures monstrueuses… Qui sait si Billy ne serait pas un arrière,
arrière, arrière … petit enfant du grand poète, car poète et rêveur, il l’est à
coup sûr , de même qu’il a la plume alerte pour raconter des histoires !
Je me souviens, encore, du poème "Les Djinns", de Victor Hugo que ma soeur aînée avait dû apprendre par coeur, je l'écoutais réciter avec admiration et terreur car elle savait mettre le ton ! : " C'est l'essaim des Djinns qui passe,/ Et tourbillonne en sifflant ! / Les ifs, que leur vol fracasse, / Craquent comme un pin brûlant. / Leur troupeau, lourd et rapide, / Volant dans l'espace vide, / Semble un nuage livide / Qui porte un éclair au flanc...." (le poème entier ici ). La peur me venait au fur et à mesure que le danger approchait ... et puis elle s'éloignait ... La lecture des aventures de Billy est à cette mesure, la peur grandit et puis elle s'apaise ... le souffle épique des aventures palpitantes demeure et on n'oublie plus ce petit garçon au front barré d'un sparadrap.
Je me souviens, encore, du poème "Les Djinns", de Victor Hugo que ma soeur aînée avait dû apprendre par coeur, je l'écoutais réciter avec admiration et terreur car elle savait mettre le ton ! : " C'est l'essaim des Djinns qui passe,/ Et tourbillonne en sifflant ! / Les ifs, que leur vol fracasse, / Craquent comme un pin brûlant. / Leur troupeau, lourd et rapide, / Volant dans l'espace vide, / Semble un nuage livide / Qui porte un éclair au flanc...." (le poème entier ici ). La peur me venait au fur et à mesure que le danger approchait ... et puis elle s'éloignait ... La lecture des aventures de Billy est à cette mesure, la peur grandit et puis elle s'apaise ... le souffle épique des aventures palpitantes demeure et on n'oublie plus ce petit garçon au front barré d'un sparadrap.
Pour les lecteurs les
plus aguerris ou les plus sceptiques, l’album apportera des
explications très précises à une foule de questions sur le monde et la vie des
fantômes et autres créatures inquiétantes : l’ABC du fantôme, la Gazette
du Bizarre vous instruiront et Billy en personne vous donnera « les conseils malins du petit chasseur
de fantômes » !
Un petit échantillon des dessins de Guillaume Bianco qui
explore toutes les richesse de son flacon d’encre … la diluant pour obtenir des lavis ou, au
contraire, jouant sur le noir profond pour découper des silhouettes comme dans
les théâtres d’ombres....
J'ai des souvenirs très sensibles d'un livre de miniatures persanes que mes parents avaient et que j'aimais regarder quand j'étais enfant. C'était un livre de grande taille que je posais par terre contemplant longuement les dessins d'une grande finesse, pleins de détails et très narratifs. Je retrouve la même impression en lisant les albums de Guillaume Bianco, peu à peu on est absorbé dans le dessin, on entre dans l'univers de la nuit. Ce sont des livres dont on ne tourne pas les pages rapidement, même si les histoires sont palpitantes, on y revient, on regarde les dessins qui fourmillent de détails et de vie ... et ces impressions sont parfois encore plus sensibles et plus durables que les récits...
Last but not least: j’ai testé l’album sur mon neveu de
sept ans qui ne manque pas d’imagination. Il a adoré et m’a demandé la permission de colorier les pages … Bon, il na pas encore tout à fait compris le monde de la nuit où tous les chats sont gris ( et il existe une infinité de gris !), et blancs ou noirs ... Encore moins les codes du fantastique... je cours
lui acheter son propre album, il pourra lire, dessiner, colorier (donc !) et même écrire
à Billy Brouillard !
Guillaume Bianco est en dédicace
pendant les Rencontres du 9ème art à Aix, du 10 au 12 avril !
1.
« La Cime du rêve » : c’est une
formulation de Victor Hugo, reprise par les Surréalistes… mais aussi par des
conservateurs de musée qui ont eu l'idée d'une une expo à
la Maison de Victor Hugo en 2014, intitulée "Les Surréalistes et Victor Hugo".
Lien vers le site du festival BD
Lien vers le blog de Guillaume Bianco
liens vers d'autres chroniques sur les albums de Guillaume Bianco, déjà publiées sur ce blog:
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