http://fr.wikipedia.org/wiki/Chinese_Man
le blog de florence laude "L'artiste nous prête ses yeux pour contempler le monde" Arthur Schopenhauer
vendredi 31 octobre 2014
chinese man, I've got that tune
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vendredi 24 octobre 2014
Visite de l’atelier de Georges Guye, Marseille, octobre 2014
Au début du mois d’octobre, j’ai retrouvé Georges Guye dans
son atelier. Il venait de lire l’article que j’avais écrit à propos d’une de
ses sculptures de Sainte-Victoire, La Sainte-Victoire selon Georges Guye,le 14 septembre dernier.
Ce que j’écris ici
sera donc un compte rendu fidèle de notre entretien dans son atelier; j’avais
emporté un dictaphone pour enregistrer la conversation.
Lorsque je commence l’enregistrement, Georges Guye revient
sur un aspect de mon précédent article, dans lequel je comparais sa Sainte-Victoire à la
sculpture Le footballeur
de Picasso, en formulant des réserves justifiées. Nous avons ensuite regardé une saynète
sculptée représentant ses amis Jean-Louis Marcos et Alain Paire, Deux critiques d’art se disputant une
cagette, devant la fromagerie Paul.
Il avait aussi sorti d’autres versions du Suaire de Sainte-Victoire réalisées dans les années 80 et un « suaire »
plus tardif. Et puis, il était temps de découvrir Une
oursinade sur le port de Carry-le-Rouet qui l'a occupé ces
derniers mois. Dans l’atelier,
l’œil est accroché par d’autres travaux, notamment du mobilier : chaises,
lampes et suspensions, objets de recherche et commandes d’amateurs !
Quand j’arrive,
Georges Guye me parle de l’article que j’ai publié il y a peu, il est revenu sur le parallèle que je
proposais entre la sculpture Le
footballeur de Picasso et sa Sainte-Victoire. J’écrivais : « Dans la seconde sculpture de Picasso citée
en exemple, « Footballeur »,
son intention semble être de transformer le dessin du footballeur
réalisé dans le plan de la feuille de tôle, en une sculpture en
trois dimensions dans laquelle le joueur apparaît en volume. Pour se faire, la solution trouvée est de
plier la feuille pour lui donner du relief ». Georges Guye me dit
que ce n’est pas ainsi que Picasso a sculpté, mais à l’inverse, pliant d’abord
la feuille de métal, ne peignant la sculpture qu’ensuite. Mon idée selon laquelle Picasso serait parti du plan dessiné pour le
transformer, par pliure, en sculpture est donc une erreur. Georges Guye dit : « C’est d’après ces
expériences sur papiers ou tôles pliés
que Picasso réalisait ses peintures selon les solutions que la sculpture lui
avait apportées. La sculpture est donc, chez Picasso, une sorte de laboratoire
pour la peinture. Par exemple, pour les
Demoiselles d’Avignon, il y a eu plein de petites sculptures qui ont été
faites avec du papier plié ou du métal plié, permettant d’avoir plusieurs vues
en même temps. C’est dans cette optique
que Picasso travaille à partir du plan
de la feuille ou de la plaque de métal pour les transformer en reliefs, puis il
passe au dessin et à la peinture,
solution de ses expérimentations sur la vision en volume. Ce n’est pas
l’optique de ma Sainte-Victoire ».
Nous nous dirigeons ensuite vers une sculpture en plâtre. « Ce sont Deux critiques d’art se disputant une cagette devant la fromagerie Paul », me dit Georges Guye, en s’approchant du socle sur lequel repose cette scène sculptée en plâtre blanc mesurant environ 60 cm de haut. « Alain Paire et Jean-Louis Marcos », précise-t-il. « C’est une fiction avec ce côté à la fois jeu et bataille. On peut tourner autour et choisir le bon angle de vue ». Je trouve amusant de montrer ces deux amis ne se battant pas pour une querelle artistique, mais pour un objet bien dérisoire, scène de la vie quotidienne.
« C’est une anecdote qui s’est transformée; en fait ils
passaient tous les deux devant la fromagerie
Paul, rue des Marseillais et ils faisaient la razzia des cagettes pour allumer
leur cheminée. Ils ne s’étaient pas
battus évidemment. C’est une scène fictive que j’avais en mémoire. J’ai réalisé
cette sculpture vingt ans après les souvenirs que j’avais d’eux, de l’époque où
j’habitais également Aix. J’ai pu
sculpter cette scène après avoir réalisé la série des corps-à-corps d’après le
roman de Giono. Il y a effectivement
cette recherche sur l’ambigüité de l’attitude des deux hommes, bataille ou
parodie, on ne sait pas trancher. J’aimerais avoir l’avis d’une personne
totalement étrangère à l’anecdote pour savoir si d’un point de vue sculptural
strict cela tient. J’avais l’idée d’écrire le texte sur tout le tour du socle. Mon intention première était de faire une
sculpture frontale avec en fond la devanture de la fromagerie. Mais j’ai travaillé
sur une base carrée et j’ai trouvé que cette base carrée convenait bien, elle
faisait un peu ring. C’est ce que l’on retrouve aussi dans quelques
sculptures des corps-à-corps qui étaient exposées chez Raymond galle avec
un éclairage vertical comme celui des salles de boxe. Voilà, il faudrait un jour montrer cette sculpture dans de
bonnes conditions … ».
Vers le fond de l’atelier, en s’approchant de la fenêtre qui
donne sur la rue, Georges Guye a installé sur un tréteau deux autres sculptures
de Sainte-Victoire contemporaines de
la Sainte-Victoire sur laquelle j’avais
écrit. Georges m’explique d’abord son choix, à l’époque, de représenter la
montagne pour rendre hommage à Cézanne.
« Beaucoup de touristes qui arrivent à Aix sur les pas de Cézanne,
vont voir la Sainte-victoire et en font l’ascension, d’abord parce qu’il y a
très peu d’œuvres de Cézanne au musée Granet et qu’ils s’intéressent beaucoup
au lieu, au relief et à la montagne pour faire le rapport avec la peinture.
J’ai l’impression que cela se pratique beaucoup parmi les Anglo-Saxons et les
Japonais. L’astuce quand je l’ai travaillée a été de la dresser sur un pied, de
faire un drapé comme un fantôme ».
« Il y a une autre version, une forme encore plus
cézannienne, une vue de trois-quarts, comme elle apparaît depuis Aix, notamment depuis de chemin des
Lauves. Bien que celle-ci soit la vue cézannienne classique, je la trouve moins
convaincante que celle qui est vue sur
sa longueur. En réalité, dans cette
version allongée, j’ai un peu triché par rapport à Cézanne qui n’a pas peint la
Sainte-Victoire sous cet angle. Presque
personne ne la montre d’ailleurs sous cet angle, à ma connaissance. L ’idée de Jean-Pierre Sauvage ( artiste et
galeriste aixois) était de faire une exposition en hommage à Cézanne, beaucoup
avaient travaillé sur le portrait de Cézanne. Moi, je ne voulais pas jouer le
jeu cézannien directement. Je voulais évoquer La Montagne dans son aspect plus
que cézannien. Gaby et moi, nous avions
un peu négligé la Sainte-Victoire, bien qu’habitant à Aix, pendant une dizaine
d’années et un beau jour nous y sommes allés. A partir de ce jour, y sommes revenus tous les weekends ! Nous avions en quelque sorte trouvé notre
chemin de Damas. Cela a duré un temps et nous l’avons à nouveau un peu perdue
de vue après les incendies. Enfin,
voilà, je ne voulais pas réduire la Sainte-Victoire à la vue de Cézanne,
d’autant que je pense que Cézanne n’y est jamais monté. Même s’il était grand
marcheur, autrefois cela ne se faisait
pas de grimper sur les montagnes. En revanche, il y avait des moutons au Pic
des Mouches, et les mouches qu’ils attiraient ont donné son nom au lieu.
C’était un plateau, il y avait de l’herbe. Voilà ce qui ressort et qui
m’intéressait du point de vue de la sculpture et je trouve qu’en tant que
sculpture cela « tient ». Cette
idée de rapport avec le sol est rendu ici dans le rapport de la sculpture avec
le socle ».
« Plus
tardivement, j’ai réalisé le « véritable » suaire de Sainte-Victoire,
le voile est moulé sur une sculpture, j’ai réalisé le suaire de la sculpture, comme une mise en abîme. C’était autre
chose. Les Saintes-Victoires
n’étaient pas du naturalisme, il y a toujours un petit décalage, ne serait-ce
que l’amorce du travail qui n’est jamais la volonté de copier, mais de
travailler à partir d’une idée de la représentation. Ce qui m’intéresse c’est
le réalisme au sens large, pas le réel. Au cours des âges, les piétas ont été
représentées de façon très différentes. Une piéta, un tableau de piéta,
transcrit une idéologie différente, quelque chose qui est fonction du
moment où on le fait. Ce Suaire de Sainte-Victoire, je l’ai
réalisé vingt ans après les sculptures. Je suis revenu sur le motif de
Sainte-Victoire parce que j’avais expérimenté cette technique de moulage en
résine, comme tu peux la retrouver dans « Les choux », par exemple,
j’arrive à figer le relief. Le Suaire du
Christ n’est pas en relief, sur mon Suaire, l’image subliminale de la montagne
apparaît dans un jeu d’ombres et de lumières, non dans la fibre. L'image est perceptible par le
toucher et par les ombres. De plus la présentation, avec les clous aux quatre
coins pour le maintenir joue comme référence à la crucifixion, si bien que le
Suaire de la Sainte-Victoire, sans les montrer,
raconte aussi la crucifixion et la mise au tombeau du Christ».
« Ce triptyque s’appelle Oursinade à Carry-le-Rouet, il faut que les trois panneaux soient accrochés ainsi. Le spectateur surplombe la scène qui est donc vue de dessus. La place occupée par le spectateur les deux pieds posés au sol, n’est donc pas celle qu’il occupe dans la scène qu’il regarde, telle qu’elle est représentée. Cela perturbe quelque peu ses repères. Le problème que je me posais était, est-ce que l’on doit voir ce visage ou pas ? Cette solution me convient, car pour moi, ce qui est important, ce sont les oursins. L’idée c’est qu’il faut que ces oursins donnent envie de les manger. Regarder et avoir envie de manger. Le personnage intervient pratiquement comme un objet, il fait partie de l’oursinade, c’est un ensemble, le personnage et les oursins, le personnage non pour lui-même, mais lui en tant qu’il a pêché les oursins et qu’il les ouvre pour les offrir. En effet, le triptyque fonctionne comme une séquence BD avec les ellipses de la narration. On les trouvait déjà chez les peintres primitifs qui peignaient aussi des séquences narratives, notamment dans les retables. J’aime ces ellipses et le passage d’un geste à l’autre, de l’une des étapes à l’autre.
Le gros du travail a été de trouver comment représenter les
oursins, le corail, leur relief et leur texture. Cette scène est, si
l’on peut dire, un souvenir vécu. Aujourd’hui il n’y a plus d’oursins à
Carry. Je souhaiterais réaliser une
exposition dans laquelle je montrerais dans la même salle cette oursinade, mise en
relation avec une de mes grandes sculptures de mer et une pancarte de
type Michelin, une flèche sur laquelle serait indiqué «
Carry-le-Rouet ».
« Ce triptyque, je ne le voyais pas en plâtre blanc, il
demandait la couleur. Les oursins,
devaient être colorés, il y des passages
dans ces peintures qui sont travaillés comme des peintures abstraites, mais le
bleu de la mer est volontairement très pittoresque, très « carte postale ». La tranche
blanche convient bien, elle décale le réalisme sur lequel je m’appuie par
ailleurs. On est dans le réalisme et en même temps on n’y est pas. On regarde une scène prise sur le vif, mais
le découpage en trois temps, en trois séquences, marque une dimension
temporelle et fait ressortir la mise en
scène dans laquelle l’important est finalement, la mise en place aléatoire des
oursins ».
Enregistrement du 3 octobre 2014. Georges Guye / Florence Laude.
La dame de Hambourg. Femme assise lisant une brochure de musée, devant un petit bol de potage bouillonnant. G. Guye |
Lampes en résine, travail de mise en valeur des formes et de la couleur |
Au premier plan, le fauteuil royal, vert et or. A l'arrière plan, une sculpture grandeur nature, Les garçons sur la rive |
Le fauteuil royal en feuilles de vigne, vu de face |
Maquette d'une suspension réalisée pour une commande, en forme de nids composé de brindilles (résine) |
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