dimanche 30 mars 2014

Les moutons noirs des nuits d'hiver, Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou

Guillaume Apollinaire, né Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky,  en août 1880 à Rome et mort le 9 novembre 1918 à Paris, s'est engagé volontairement pour servir la France en 1914.  Sa première demande, en août 1914 est ajournée par le Conseil de Révision car il n'a pas la nationalité française.  Il en fait alors la demande; il  est incorporé en décembre 1914.  Entre les deux demandes, il a rencontré Louise de Coligny-Chatillon, à Nice. Il la surnomme Lou.  La relation n'est pas simple, ni apaisée.  Après son départ pour le front, Apollinaire lui écrit des lettres-poèmes dans lesquelles il exprime un amour passionné, mais aussi la vie des soldats du front, dans les tranchées et  souvent les deux sont mêlés. 
La semaine dernière, dans un des films Apocalypse programmés sur France 2, j'ai entendu quelques vers d'un poème d'Apollinaire que j'ai retrouvé parmi les Poèmes à Lou , publiés seulement en 1955.
Pour illustrer le poème, je choisis un dessin de Frédéric Pajak d'après une photo montrant Apollinaire la tête bandée après sa trépanation en 1916, suite à la blessure causée par un éclat d'obus.  Frédéric Pajak a écrit Le Chagrin d'Amour, publié en 2000 aux Presses Universitaires de France. Un très beau livre dans lequel il parle des blessures d'Apollinaire,  blessures physiques mais surtout de coeur et puis de bien autre chose...


                 XX

Les moutons noirs des nuits d'hiver
S'amènent en longs troupeaux tristes
Les étoiles parsèment l'air
Comme des éclats d'améthystes

Là-bas tu vois les projecteurs
Jouer l'aurore boréale
C'est une bataille de fleurs
Où l'obus est une fleur mâle

Les canons membres génitaux
Engrossent l'amoureuse terre
Le temps est aux instincts brutaux
Pareille à l'amour est la guerre

Ecoute au loin les branle-bas
Claquer le drapeau tricolore
Au vent dans le bruit des combats
Qui durent du soir à l'aurore

Salut salut au régiment
Qui va rejoindre les tranchées
Dans le ciel pâle éperdument
Sur lui la victoire est penchée

Mon cœur embrasse les deux fronts
Front de Toutou front de l'armée
Ce qu'ils ont fait nous le ferons
Au revoir ô ma bien-aimée

2 commentaires:

pierre vallauri a dit…

très beau poème. Merci de me l'avoir donner à lire en ces temps de célébration cetenaire

pierre vallauri a dit…

centenaire bien sûr.