dimanche 29 septembre 2013

Le Tzigane, André Salmon, 1907

Lu sur le site de Tristan Hordé, Littérature de Partout, un poème d'André Salmon dédié à tous les ministres de l'intérieur !  


Le Tzigane

C'est dans la petite voiture ronde
— et si légère d'avoir couru le monde —
Où mal ou bien vivaient pêle-mêle
Mon père,
Ma mère qui fut aimée pour la gloire de ses seins
Et porta sans pleurer le fardeau des mamelles,
Mes quatre frères, dont le plus beau fut assassin
Et mes deux grandes sœurs qui faisaient en dansant
Fleurir une rose noire dans le cœur des passants,
C'est dans la petite voiture ronde et radoubée comme un ponton
— Le vieux ponton à la dérive —
Que je suis né, mais il y a si longtemps,
Que je ne connais plus ma part de jours à vivre.

[...]

Plus avant ! C'est la loi.
Hélas ! Pourquoi des yeux brillent-ils aux fenêtres ?
Pourquoi faut-il songer au petit toit
De tuiles abritant, peut-être
Le trésor inconnu et dont nul ne dispose ?
Pourquoi se souvenir d'un arbre, d'un lac, d'une lumière,
Qui, un matin d'hiver,
Veillait sue le sommeil de Tiflis, blanche et rose ?
Et je voudrais connaître qui nous mit sur la route
Baladins vagabonds,
Pour perpétuer le rêve et forger le doute,
Mais l'exil a du bon.
Mon orgueil vrai, c'est d'avoir fait danser
Tous les couples du monde avec mon violon ;
Comme mon ours d'Asie qui mourut l'an passé,
En me léchant les mains,
Ayant dansé pour ceux que j'avais fait danser.

[...]
 André Salmon, Fééries (1907), dans Créances, Gallimard,
1926, p. 110-111 et 112.


Il y est suivi d'un poème d'Apollinaire, "La Tzigane", Alcools - 1918, que je vous invite à retrouver en cliquant ici:
http://litteraturedepartout.hautetfort.com/archive/2013/09/25/temp-e8b8cc14ddd88ecfda9f668bc6de52bd-5180563.html

Le site: http://litteraturedepartout.hautetfort.com/

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