jeudi 15 décembre 2011

quatre poèmes lyriques du XVIème siècle

Andrea Mantegna (1431- 1506)

Jean -Antoine de Baïf

Rossignol amoureux, ébat de la ramée,
Qui, haut ore, ore bas attrempant un chanter,
Possible comme moi essaies d'enchanter
Le gentil feu qu'allume en toi ta mieux aimée:

S'il y a quelque amour dans ton coeur allumée
Qui cause ta chanson, viens ici te jeter
Dans mon giron, afin que nous puissions flatter
La pareille douleur de notre âme enflammée.

Rossignol, si tu l'es, aussi suis-je amoureux.
C'est un soulas bien grand entre deux malheureux
de pouvoir en commun leurs malheurs s'entredire.

Mais, oiseau, nos malheurs, je crois, ne sont égaux,
Car tu dois recevoir la fin des travaux,
mais je n'espère rien qu'à jamais un martyre.


Sandro Botticelli

Jean Passerat

Ô bel oeil de la nuit, ô la fille argentée,
Et la soeur du Soleil et la mère des mois:
Ô princesse des monts, des fleuves, et des bois
Dont la triple puissance en tous lieux est vantée.

Puisque tu es, Déesses, au plus bas Ciel montée,
D'où les piteux regrets des amants tu reçois,
Dis, Lune au front cornu, as-tu vu quelquefois
Une âme qui d'Amour fût si fort tourmentée?

Si doncques ma douleur vient ton coeur émouvoir,
Tu peux me secourir, ayant en ton pouvoir
Des songes emplumés la bande charmeresse.

Choisis l'un d'entre tous qui les maux d'un amant
Sache mieux contrefaire, et l'envoie en dormant
Représenter ma peine à ma fière maîtresse.

Bartolomeo Veneto

Marc Papillon de lasphrise

Faites-moi chevalier, accolez-moi, ma belle,
Je l'ai bien mérité en ce combat dernier;
Qui s'est éprouvé brave en duel singulier,
Est digne de damer la simple damoiselle.

Mon savoir naturel, mon amour naturelle,
Ma gentille valeur redoutable guerrier,
Demande l'accolade, et le noble collier,
Non d'un roi, mais d'amour, qui tous les trois excelle:

Aussi qu'en ce bonheur, n'est fondé mon souhait,
Quelque affamé d'honneur, qui n'a jamais rien fait,
Riche, pourra l'avoir par faveur éblouie.

Je veux seul ce beau grâce, honorable toujours;
Sus, accolez-moi donc, afin que je me die
L'unique chevalier de la reine d'amours.


Marc Papillon de lasphrise

Ô qu'il est doux, le plaisant jeu d'aimer!
Qui eût pensé une telle délice?
Si c'est cela que l'on appelle vice,
Le vice ainsi joie se peut nommer.

Il fallait donc le faire plus amer,
Chagrin, pleurant, mauvais, plein d'artifice,
Non gai, riant, naturel, sans malice,
Comme est l'amour quand me fait enflammer.

Si le vice est d'avoir douce allégresse,
La vertu donc est pleine de tristesse,
"Chaque chose a sa contrariété.

Si vertu pleure et que le vice rie,
Le philosophe est gonflé de folie:
"Car rire duit à notre humanité.


2 commentaires:

pierre vallauri a dit…

Ces quatre poèmes (joliment agrémentés de tableaux tout aussi lyriques)ajoutés aux poèmes que nous adresse Florence Trocmé (Poezibao)tous les jours , cela frise l’absorption d'une drogue euphorisante, c'est un bonheur. Ce genre de "fumette" n'est pas contrôlée,(encore heureux!)et en offre /plaisir libre , et en plus à l'échelle de la toile!
Joyeux Noël!

Flo Laude a dit…

Oui, Pierre, mais ce n'est pas que de la "fumette" pour s'évader du réel, je dois dire que c'est plutôt une manière de regarder le réel qui me satisfait bien plus que la plupart de ce que je vois ou lis ici ou là, supposément réaliste! ... Oui pour le bonheur!

Ces poèmes, sont le fruit de lectures d'anthologies du MA, XVIe et XVIIe. A cette occasion, j'ai retrouvé des poèmes libertins que le comédien Nicolas Raccah nous avait interprétés chez Doris Salomon ( il viendra en début d'année présenter ces lectures chez moi, je l'annoncerai...). Il faut retenir les noms des poètes dont j'ai recopié des poèmes ici, mais aussi Rémi Belleau, François de Ménard, Olivier de Magny, Abbé Pierre Mottin, Théophile de Viaud et Claude Lepetit qui finit sur le bûcher à Paris en septembre 1662 ( auteur du "Bordel des Muses").
Il faut picorer dans la poésie tous les jours, elle nous accompagne magnifiquement ! Idem pour la musique !! Idem pour la peinture, Idem pour la lecture etc...
Joyeux Noël à toi aussi, Pierre, et à très bientôt !