dimanche 12 juin 2011

Où est Paul ?

Dimanche matin, partie sur la route Cézanne. Peu après le rond point, j'avise une grand-mère. Silhouette endimanchée, jupe blanche (1), sac et chaussures assorties et châle tricoté, comme ma grand mère les affectionne, aux épaules. Je dirais quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-dix ans . Je comprends à la manière dont elle porte son corps en avant à mon approche, dont elle écarte les bras de son corps, qu'elle va m'interpeller.
Je suis partie pour rouler. Pas envie de mettre pied à terre. Et puis, qu'est-ce qu'elle pourrait bien me vouloir?
Elle me dit quelque chose que j'entends à peine, incompréhensible. Je passe.
Comment ce petit grain de lassitude, ce trop plein de moi, peut-il me fermer à l'autre? Il y a de la violence à ignorer une question. Shame... Je rebrousse chemin.
-Vous m'avez posé une question?
-Où est Paul? La boulangerie Paul.
-C'est loin, trop loin pour y aller à pied.
-J'habite la résidence Eléonore, à l'accueil on m'a indiqué qu'il me faudrait prendre à gauche au rond point.
-C'est exact, il faut marcher jusqu'au rond point et prendre à gauche, ensuite c'est presque à un kilomètre, mais c'est un chemin trop long pour vous, c'est impossible. Il y a en a une plus près, en direction du stade.
-Non, c'est chez Paul que je dois aller.
-Ce n'est pas raisonnable, impossible vous dis-je.
-Mais, mademoiselle ou madame... Madame? Mademoiselle?
-Madame.
-J'en suis capable!
Elle baisse les yeux sur mon vélo.
-Vous savez, quand j'avais quinze ans, j'en faisais moi! Je faisais même de la piste !
Je confirme une nouvelle fois l'itinéraire en lui souhaitant bonne...route! Me revient aussitôt à l'esprit qu'il n'est pas rare quand je demande mon chemin que l'on me renseigne en m'affirmant que c'est loin, très loin, vraiment très loin, impossible d'y aller à bicyclette! Personne ne sait de quoi l'autre est capable ... au delà des apparences et des représentations qui tuent plus certainement que les années qui passent.
Paul, maison de qualité fondée en 1889.

(1)je rectifie, elle portait en fait un pantalon blanc, ce qui en disait peut-être déjà long sur l'esprit moderne de cette femme... Faut-il attribuer aux préjugés la défaillance de ce souvenir?

4 commentaires:

KALIMICHA a dit…

Si tu ne l'as pas trouvé à ton retour, c'est déjà bon signe...biz

Flo Laude a dit…

Ben, j'espère surtout qu'elle ne m'a pas attendue ... je ne suis pas rentrée par là, j'ai fait une boucle direction Puyloubier, Rians, Esparron, puis retour par Jouques, le Puy et la Cride...
Mais j'ai bien pensé à elle !
bises à toi, Mimi

Monelle a dit…

C'est Cézanne, qu'elle cherchait. Sans doute le fantôme d'Hortense Fiquet...

Flo Laude a dit…

Ah, Monelle, vous lisez entre les lignes!