dimanche 13 mars 2011

billy brouillard T. 3 de guillaume bianco

Remercions la pluie qui me permet de terminer la rédaction de cette chronique, sans laquelle je serais allée rouler ce matin (traduction : faire du vélo de route)…

Quand j’apprécie un livre, j’aime chercher à « lire autour », la biographie de l’auteur et surtout d’autres livres qu’il (ou elle) a écrits … non pas pour épuiser l’œuvre (comme on le dit parfois ?! Voudrait-on épuiser ce que l’on aime, au risque de l’amoindrir ?), mais pour retrouver un parcours de création, le fil qui a conduit jusqu’à ce livre et enrichit la lecture. A ce titre, le parcours de Guillaume Bianco est intéressant, car je dois dire qu’au fil des albums, son univers se construit et prend du souffle. (lire ici une biographie et une bibliographie de l’auteur)

Bon humoriste, dans la série Will, inventif avec Epictète, la bande dessinée la plus longue du monde, tendre et juste dans les émotions quand il parle de l’enfance avec Ernest et Rebecca

C’est avec l’album Billy Brouillard, le don de trouble vue que j’ai découvert le travail très (trait ?) singulier de cet auteur, album très vite suivi de Billy Brouillard, les Comptines Malfaisantes, offrant en quelque sorte au lecteur les livres de chevet de Billy et manifestant la volonté de son auteur de créer un univers autour du personnage de fiction, favorisant une illusion de réalité autour de son oeuvre ... ce qui est le fantasme de nombre d'écrivains... On peut retrouver ICI et LA deux chroniques que j’avais écrites à la sortie du premier album.

A la fin du deuxième article, j’espérais une suite à l’album Billy Brouillard, le don de trouble vue. Voici le troisième opus. Billy Brouillard, le petit garçon qui ne croyait plus au Père –Noël, étoffe cet univers de l’enfance propre à nous conduire vers le merveilleux, le fantastique ou encore le poétique, rappelant la veine des auteurs fantastico-romantiques du XIXème, de Villiers de l’Isle Adam à Théophile Gautier en passant par Edgar Allan Poe, faisant plein d’incursions chez Maupassant (cité dans le premier tome) , Marcel Aymé et tant d’autres auteurs et dessinateurs plus proches de nous : Roal Dahl, Tim Burton , Edward Gorey …

La collection Métamorphose (Editions Soleil) qui vit le jour avec la publication du premier album de Billy Brouillard se définit ainsi : Une nouvelle collection destinée à tous ceux qui aiment rêver. À ceux qui aiment les histoires racontées par leur grand-mère avant de s'endormir. Les histoires antiques, fantastiques, parfois même effrayantes, qui réveillent les monstres lovés en nous...

Les thématiques abordées sont philosophiques, poétiques, fantastiques, portées par une narration inspirée du style fin de siècle, victorienne, gothique...
Métamorphose n'est pas une collection qui se contente de parler de monstres ou de fantômes... Elle parle de la vie, mais aussi de la mort. Elle propose ainsi des clefs philosophiques et métaphysiques. Qui sommes-nous ? Quelles sont nos peurs ancestrales ? Que dissimule notre for intérieur ?

Billy Brouillard vit dans une famille des plus « normale », avec son papa, sa maman, sa petite sœur Jeanne et – son chat Tarzan (conformément à tout récit fantastique, la mise en place d’un cadre réaliste au début du récit est primordiale). L’élément déclencheur de l’aventure est la mort du chat ... avec elle se posent très concrètement les questions de la mort physiologique et de l’absence de l’être aimé. Tel Orphée, Billy ne peut accepter la disparition de Tarzan et comme lui, décide de le ramener du royaume des ombres à l’aide de ses pouvoirs :

« Avec mon chant / Je charmerai la fille de Déméter (Perséphonie)/ Je charmerai le Souverain des Ombres ;/ J’attendrirai leur cœurs avec ma mélodie / Et loin du Hadès, j’emporterai Eurydice » , chante Orphée

En place de Lyre, Billy est doté de deux pouvoirs : « le don de trouble vue » et – héritage des comics américains, sans doute ? – d’ « un tricot super capuche » avec lequel il peut courir plus vite que son ombre … Et d’une formidable détermination : Billy rencontrera des personnages qui l’aideront dans sa quête : La princesse de la flaque d’eau, Mary Emilie James, la fille aux couteaux , Léa … et d’autres vilains opposants cauchemardesques, le croquemitaine, le monsieur du sac voleur d’enfants etc…
Toutes ces aventures se passent la nuit et sont ponctuées par le réveil de Billy, un peu comme le personnage Nemo de Winsor Mc Cay , Little Nemo in Slumberland (1905)dont les aventures extraordinaires commencent et se terminent toujours par l’endormissement puis le réveil du personnage dans son lit .



La chambre à coucher et le lit de Billy sont aussi des espaces privilégiés. Celui auprès duquel Billy cherchera une réponse est le Père-Noël auquel il écrit une lettre au début de l’album et dont la réponse lui parvient en fin d’album réveillant une terrible colère chez Billy :

« Quoi, c’est tout ?! Rien de plus sur l’énigme de la mort ? / Pas de contrepoison ? pas de remède miracle ?/ Tu perds rien pour attendre, vieux pépé sénile ?! »…

Et voilà comment le second tome des aventures de Billy Brouillard embraye sur l’attente du Père-Noël, plaçant cette fois l’attente, puis la déception d’un monde soudain désenchanté au cœur de l’album… une déception qui réveille un puissant moteur d’action : la colère !



Comme une question aussi essentielle que celle-ci n’a pas de réponse précise … Guillaume Bianco en profite pour enrichir son Encyclopédie du Bizarre, très personnelle, des figures de La Mort, d’un Croquemitaine (absolument rabelaisien) , de Sirènes et de fantômes tapis dans les tas de feuilles mortes….


Le récit des aventures de Billy, est ponctué de rubriques constituant Une Encyclopédie du Curieux et du Bizarre , de Comptines, de fiches pratiques, d’articles de la Gazette du Bizarre … conférant à l’univers inventé une autorité, mais aussi une épaisseur dantesque (au sens propre ) visant peut-être à revisiter la Divine Comédie, sur un ton toujours plein d'humour, de dérision et parsemé de fantaisie... La mort a beau être une chose tragique, on n'en rit pas moins que les crânes édentés semblent se gausser de nous !

Comme tout voyage ayant cette envergure initiatique on ne sait jusqu’où il portera le héros, Billy, sauf à l’accompagner au fil des années, au gré des albums … en quête de réponse ???!… Longue vie aux aventures de Billy ! Des aventures pour les enfants de 7 à 77 ans (et même plus ! puisqu'au aujourd’hui on aime à vivre plus vieux …!)

Guillaume Bianco crée au fil des pages des albums, non seulement un univers narratif mais aussi un univers graphique, qui, s’il rappelle d’autres dessinateurs de Gustave Doré à Edward Gorey, ne cesse de se découvrir et de se renouveler .

Avec quelques outils, une plume et de l’encre de Chine, des hachures pour principe de charte graphique, on voit ses planches évoluer au fil de la lecture. J’ai lu que les amis de Guillaume Bianco l’appellent "le roi de la hachure", à juste titre! Parfois la trame des traits superposés se fait si dense que l'on approche d'un dessin en ombre chinoise et plus on avance dans l' album (je parle du T. 1, ici) , plus le parti pris est évident, plus le dessinateur se libère, ose ... Du trait noir sur papier blanc, il passe au dessin en blanc sur fond noir , de la case rectangulaire il évolue vers la case arrondie, puis en vient à couvrir toute une page, prétextant l'envahissement de l'esprit par le cauchemar et la planche par les espèces "vermicolles" et autres espèces d'insectes... Dans mon analyse, je mêle volontiers des remarques à propos du tome 1 et du tome 3 tant les deux albums sont dans une parfaite cohérence et continuité.

J'apprécie les albums de Billy Brouillard, pour leur côté original, pour leur démesure truculente et rabelaisienne. Dessinateur exigent, scénariste inventif, Guillaume Bianco semble puiser chez l'enfant qu'il a été pour toucher tous ses lecteurs ...

Le festival BD d’Aix approche, du 8 au 10 mars vous pourrez rencontrer les auteurs – dont Guillaume Bianco - qui seront en dédicaces à la Cité du Livre ( Bibliothèque Méjanes – Aix )

Tous les renseignements pour le festival BD d'Aix, ICI


Pour suivre l'actualité de Guillaume Bianco, rendez-vous sur son blog:

http://guillaumebianco.blogspot.com/

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