samedi 15 janvier 2011

une offrande

C'est une ruelle étroite, mais passante, du centre ville. En ce jour d'hiver, à cette heure où le soleil est haut, on prend la lumière de face. Les murs se découpent alors à contre-jour. C'est étonnant cette lumière, elle mange tout ! Je veux dire, elle prend tout, comme un parasite, comme ces choses ou ces personnes très belles qui éclipsent tout autour d'elles.
Je reviens au mur de droite que l'on frôle presque lorsque le trottoir de gauche est encombré par les tables et les chaises des restaurants et des cafés. Il est nu, propre. De belles pierres taillées renforcent l'angle saillant, comme cela est la norme pour les hôtels particuliers des 17ème et 18ème, proches du quartier Mazarin .
Depuis combien de temps est-il là? Combien de fois ai-je emprunté la rue sans le voir ? Est-ce que l'on ne voit que ce qu'on est disposé à apercevoir ? Les choses auraient-elles le pouvoir d'aimanter notre regard ?

Ce rectangle de mosaïque orange contenant un space invader bleu turquoise me regarde sournoisement depuis ses deux mètres de hauteur!

Mais qu'est-ce encore ce graffitti noir, dessiné au pochoir?
Trois lettres majuscules : un J, un M, un B composent les initiales de Jean-Michel Basquiat. Avec un tiret devant. Comme pour introduire la parole d'un locuteur. Il parle donc à qui le voit ?

Je m'étonne de cette double découverte ! Sans doute la coexistence de ces signatures n'est-elle pas fortuite. Quelqu'un qui est passé par là s'est-il fait passer pour un space invader et pour un JMB?
Bien sûr je souris à la drôlerie de la vie, parfois. Et ces hasards qui n'en sont pas tout à fait. Ni pour les signatures. Ni pour mon regard qui saisit tout ça.


Sans doute l'emprunt discret de cette signature est-il un hommage. Promesse de fidélité faite au seigneur par le vassal. Marque de respect, de soumission... d'offrande. Peut-être, le jeune Basquiat - qui aimait à se représenter coiffé d'une couronne - n'aurait-il pas critiqué le principe de l'hommage (il est toujours bien hypothétique de prendre position à la place d'un autre !). Mais pour moi, cette signature, en cette période, dans cet environnement précis est bien davantage, un soupir .

Est-il besoin de préciser les sens du mot soupir ? de la respiration plus forte, au gémissement de regret ou d'amour, en passant par le dernier soupir, il ne faudrait pas oublier ce silence équivalent à une noire...

2 commentaires:

pierre vallauri a dit…

Je vais allez voir. Ce que tu dis de cerapprochement est troublant comme la plupart des "coïncidences" qui ne le deviennet que par le truchement de notre propre réflexion.
La tieznne me parait pertinente, puique'elle fait la part belle à l'imaginaire... comme à l'l'habitude et c'est bien ainsi.

Flo Laude a dit…

rapprochement troublant ... oui, si l'on veut. Je pensais, moi, que cet hommage à Basquiat était sans doute le signe que sa peinture et son message sont toujours très contemporains et que beaucoup se l'approprient encore, un peu comme ces rock-stars que nous ne cessons d'écouter ou qui reviennent sur le devant de la scène ... Je crois que l'on n'a peut-être pas fini d'explorer l'importance de ce peintre, sa résonance actuelle ! Pas loin de chez moi, sur une borne de parc-mètre, je peux voir une signature: SAMO ... coïncidence, là aussi?
à bientôt, Pierre