samedi 1 novembre 2014

Le Vaurien, Clément Baloup, BD, La Boîte à Bulles




J’ai découvert les livres Clément Baloup l’an dernier, à l’occasion du Prix Littéraire des Lycéens en région Paca auquel une de mes classes avait  eu la chance de participer et j’avais  rédigé une chronique à propos de l’excellent Little Saïgon.  Cette année, Clément Baloup a accepté de conduire un atelier artistique dans une autre classe de seconde inscrite auPrix Littéraire des Lycéens.  Cela me donne l’occasion de  suivre ses publications.  Clément Baloup travaille à Marseille dans un atelier collectif, les Zarmateliers. 
Le Vaurien, scénarisé et  dessiné par Clément Baloup est paru en juin 2014  aux éditions LaBoîte à Bulles.  Il raconte les aventures de Mong Khéo, un homme ni moins bon, ni meilleur que les autres, un voyageur solitaire, à la fois plein d’histoires et sans histoire, puisque le lecteur n’apprendra pas grand-chose sur lui.  Un peu à l’image des chevaliers du moyen-âge il semble se déplacer sans but précis, jusqu’à ce qu’une aventure lui tombe dessus, ce qui ne manque pas d’arriver ! 
Ses principales caractéristiques sont un solide appétit, une bonne dose de ruse acquise par l’expérience (on comprend qu’il a déjà roulé sa bosse et vécu plus d’aventures que dix hommes réunis),  il pratique des arts martiaux et son statut d’étranger sans attaches, son errance, sont les principaux moteurs de l’action.
Cet album bâti sur une cascade d’aventures s’accompagne aussi d’une réflexion implicite sur le statut  de l’étranger ; Mong Khéo, celui que l’on ne connaît pas, dont on ne sait rien est, paradoxalement, celui à qui on va se confier et demander de l’aide quand l’issue paraît compromise.  Son regard sur les situations pourrait correspondre à cet adage : «  ignorant que c’était impossible, il l’a tenté ».  En tant qu’étranger, il apporte sa différence, cette « claudication » qui le fait cheminer de travers (ou sur les chemins de traverse) comme l’autre boiteux de l’Histoire, Œdipe,  condition essentielle pour résoudre l’Enigme.  




Cependant, Le Vaurien (littéralement, celui qui ne vaut rien) est totalement défini dans la grande tradition des héros asiatiques pratiquant avec excellence  les arts martiaux, comme Ti Lung, Bruce Lee ou Jackie Chang.  Les combats ont une place importante dans l’album, non seulement pour marquer la force physique, mais aussi la force morale (sans moralisme !) de Mong Khéo ; c’est avec peu de conviction qu’il accepte de jouer les « maîtres » et de faire route et cause commune avec un jeune homme.  Mais, si Le Vaurien, reprend le motif du conte initiatique, c’est dans l’idée de le parodier, on est toujours dans une narration « oblique » par rapport à ses modèles. Les caractéristiques du personnage conduisent le lecteur dans un monde décalé, où les hommes ressemblent parfois étrangement à des animaux et les animaux à des hommes, mêlant réalisme et fantastique avec facilité. Le dépaysement géographique et culturel jouant à fond, le lecteur se laisse prendre par la dimension surnaturelle qui surgit.  L’illustration à l’aquarelle permet  de jouer sur les couleurs et les transparences  pour suggérer un univers qui ne cesse de jouer avec les codes réalistes.
Un album très réussi que je vous conseille de lire.






Aucun commentaire: