Dixains réalistes
J'ai du goût pour la flâne, et j'aime, par les rues,
les réclames des murs fardés de couleurs crues,
la Redingote Grise, et Monsieur Gallopau;
l'Hérissé qui rayonne au-dessous d'un chapeau;
la femme aux cheveux faits de teintes différentes.
Je m'amuse bien mieux que si j'avais des rentes
avec l'homme des cinq violons à la fois,
Bornibus, la Maison n'est pas au coin du Bois;
le Kiosque japonais et la colonne-affiche...
Et je ne conçois pas le désir d'être riche.
Germain Nouveau
Calendrier fantaisiste
Le mois a quatre maîtresses
Qui sont les quatre semaines.
Une blonde et deux châtaines
Qui le mangent de caresses.
La dernière est, à l'en croire,
Une brune à l'humeur noire.
Le mois n'est pas un vieux chiche:
Il leur achète des choses
Qui sont des fruits ou des roses
Et paye tout, car ce riche
A le soleil pour fortune
Et tout l'argent de la lune.
Le mois a des domestiques
Qui sont les jours par trentaine,
Tous les gens de mine hautaine
En général très pratiques
Or, c'est en i qu'on les nomme;
Le dimanche est majordome.
Le mois a des croquignolles
Pour donner a ses servantes
Trente nuits fort avenantes,
Bien que la plupart soient folles,
Surtout celles des dimanches;
Quelques-unes sont des blanches.
Le mois a beaucoup de filles:
Les heures, simples mortelles
S'éteignant dans les dentelles
Ou crevant dans des guenilles.
L'une rit et l'autre pleure;
Ne sais quelle est la meilleure?
Du mois vous savez l'histoire;
Ils sont en tout douze frères.
Les saisons sont leurs soeurs chères;
L'Almanach chante leur gloire.
Et leur mère, c'est l'Année,
Une épouse abandonnée.
Germain Nouveau