jeudi 7 janvier 2010

EXPO GALERIE ALAIN PAIRE, Rue du Puits-Neuf, Aix-en-Provence, à partir du 14 janvier 2010

L
Texte de Jean-Marc PONTIER: "Le Survenant"
Il était de tradition, dans les grandes tablées d'antan, de prévoir un repas pour l'hôte de la dernière minute. Au cas où. Pour ne pas le blesser, cet inconnu désiré, si venait à poindre son bâton de pèlerin. Il avait sa place, ce cousin en permission, ce vagabond égaré, entre deux soeurs silencieuses.
Ici le survenant se fait attendre. Même si, par vocation, il n'arrive quasiment jamais. D'ailleurs l'attente est devenue le sujet même du tableau, un quadrityque de grand format sur bois, de ce bois précisément dont sont faites les tables, devenant sujet et objet à la fois. Pas de Cène, pas de festin. Seul objet de contemplation, la chaise du survenant, (du revenant ?) attendu dans une sorte de résignation collective. Certains font tourner les tables; ici, c'est la chaise, diaphane en ses atours d'azur, qui semble pivoter, s'élever, irradier de sa présence des commensaux spirites réduits au quasi anonymat de ceux qui s'effacent. La chaise, objet de fascination pour cette fratrie sans visage eu quoi chacun reconnaît les siens.
Florence Laude joue avec ce paradoxe: la chaise , si présente, si centrale dans la composition, est en définitive emblématique de l'absence. On le comprend dès le début: le survenant ne surviendra jamais et la famille restera prostrée dans son attente vaine, dans ses rêves de l'autre, finalement présent par le truchement du contenant.
Van Gogh n'est pas loin. Cette présence rustique de la sombre famille autour de la table, cette mélancolie partagée comme un pain quotidien. Mais ici la chaise s'abstrait d'elle-même, elle n'a rien de la pâte rageuse et colorée de Vincent, si imposante en sa pathétique bancalité.
Reste cette ouverture: une des filles a quitté sa propre chaise, à droite. Peut-être l'artiste elle-même, fascinée par cette grande chaise diaphane et légère, prête, à défaut de pouvoir s'y asseoir, à devenir elle-même le survenant, c'est-à-dire celle que l'on attend, celle vers qui se portent les rêves. 06/01/2010 JMP