Jean Genet, poèmes retrouvés
dans Le condamné à mort et autres poèmes suivi de Le funambule
nrf Poésie/Gallimard
Capitale endormie au soleil de la nuit
Ô ma poitrine ouverte ô lune tes cymbales
D'un coup sourd et mortel éveillent ces crotales
Qui chanteront nos morts oubliés dans les puits.
Tzigane sous la neige ALBERTO des lointains
Souvenez-vous des nuits dans notre val de grâce
Où les reptiles noirs sur vos bras de menace
Ecoutaient éblouis les ordres du matin.
***
Cette étrange rosace orne un sceau fatal
La chambre. Une ancre d'or griffe le sang du vide.
Un insecte a mordu l'éternité livide.
DIVINE épouse morte un sommeil végétal.
Morte. Morte étranglée. Ô fleur de nos contrées
Laissez couler vos pleurs sur ses hanches de houx
Mésanges vos nids bleus faites-les sur son cou
Et vous, mes nuits portez DIVINE la Dorée
***
Cathédrale à pas lents par mes landes venues
Sous un oeil ténébreux NOTRE-DAME DES FLEURS
De ma mort le cortège aux nocturnes couleurs
Parcourt le pied léger vos douces avenues.
Cette Afrique est de cuivre où la grâce est morose
Relevez dans ses flancs le regret des mineurs.
Ils travaillent les puits de ce bagne d'amour
Où brise neige fleur sous leurs doigts ne se pose.
A son col pèsent lourd les chaînes du silence
Ce plongeur déchaîné noir du sel de vos mers.
La danseuse de givre est son héros de l'air.
Je parle, entre les dents le fer doré des lances.
***
Le sang, le lait, les pleurs de cet ange étonné
Sur le marbre de lune et les pleines glacées
A notre mort propose une offrande amassée
Par la désolation de vos bras festonnés.
Qu'il soulève la dalle et les parfums de Dieu
Empesteront cet ange à genoux pour la garde et les
saintes femmes apporteront les huiles et le linge.
***
Roncevaux belle gorge où ton rêve situe
Durandal au fil d'or, Roland sonnant du cor
A nos larmes de honte ouvre une brèche encor
La gorge d'un berger d'aurore dévêtue.
La nuit rauque à vomir s'écorche à cette rive
Clichy de la Paresse et des mauvais sujets
Où sa bouche pincée la rencontre furtive
Oublie sa gorge blonde à d'autres bras de jais.
L'éditeur écrit: "Quant aux "poèmes retrouvés" attribués à Jean Genet, ils ont été tirés sur une presse à bras le 3 avril 1945 et figurent dans un ouvrage intitulé Vingt lithographies pour un livre que j'ai lu".
Merci à M. pour la photo ;-))) de Henri Cartier-Bresson, Jean Genet en 1963.