mercredi 30 juin 2010

Nouvelles Penchées , Jean-Marc PONTIER, aux éditions les Enfants Rouges

Enfin, enfin, enfin ! Nouvelles Penchées, deuxième opus de nouvelles graphiques de Jean-Marc Pontier publié aux éditions Les Enfants Rouges est tout aussi réjouissant à lire que le premier volume, Pièces Obliques !On y rencontre une fille aux longs bras qui n'a pas froid aux yeux , un cancre très doué pour le dessin, un lecteur pris aux mots, un homme poubelle qui réclame le silence, le champion du monde de vitesse sur piste Major Taylor, un enfant qui a un renard mort sur la tête, un matador, un vigile mélomane, un livre d'un esprit bien singulier, des amants qui échangent leurs parapluies, un véritable Dom Juan, etc... Une vingtaine de récits brefs composent ce volume faisant alterner les personnages très réalistes, presque banals, confrontés à des situations qui empruntent aux récits merveilleux ou fantastiques ( La fille aux longs bras, Le coupe papier, Une princesse), dramatiques ou tragiques (La fête, Les trois dieux, Eden) et parfois plus simplement contemporains (Le cancre, Léo, La chute, Les amants, Le carillon) . D'autres personnages en revanche hors du commun, apportent un souffle épique avec des combats bien singuliers qui sont autant de défis à la mort ( le Sprint, La dictée, Le Matador et Dom Juan)... Dans le premier album déjà ont sentait que l'auteur avait une certaine appétence pour les combats ultimes dans lesquels on engage tout, dans lesquels ont risque tout mais sans lesquels ont ne pourrait prétendre à se respecter soi même. On retrouve donc un des thèmes de prédilection de l'auteur : l'engagement sportif comme combat singulier (le cycliste du Sprint et le toréro du Matador, ici, font écho au rugbymen du Testament et au cycliste de Zone Libre de Pièces Obliques).

Le recueil s'ouvre sur La Fille aux Longs Bras, séduction hypnotique des volutes des bras d'une jeune femme dansant qui n'a pas froid aux yeux, allumeuse de désirs mais ne se donnant qu'à condition... On retrouve ici la structure du conte populaire Les Souhaits Ridicules de Charles Perrault, à la différence qu'un des voeux peut s'exaucer en son contraire. L'étonnement du lecteur, comme dans le conte de Perrault vient de l'angoisse que provoque la possibilité d'exprimer un désir (franchement, des désirs on croit en avoir tant que ce n'est pas la chance de pouvoir en réaliser un qui nous tracasserait, bien au contraire ! - oui, mais choisir !) Le désir de l'homme est bien entendu de passer une nuit avec la fille aux longs bras. Embourbé dans ses craintes ridicules et combien disproportionnées au regard du plaisir qu'il pourrait s'accorder, il se met à prononcer des voeux de moindre intérêt ... deux voeux de "petit garçon" (avoir des patins à roulettes et une belle paire de lunettes), loin de ses désirs sexuels d'homme. Si l'on est un peu déçu par le personnage et que l'on se dit qu'à sa place on en aurait profité, on ne peut s'empêcher de se demander si ce sont les conditions de la fille un peu castratrices ou la trop grande prudence du garçon qu'il faut regretter? Ce récit ouvre l'album de façon complexe sur les problématiques humaines et relationnelles. La fille semble mener le jeu avec facilité n'étant pas dans l'émotion, mais cet homme n'est-il pas à son tour bien docile pour abdiquer son âge d'homme avec cette prompte complaisance ? D'entrée de jeu, avec cette nouvelle, l'auteur semble poser les mêmes règles narratives et graphiques que dans le premier recueil Pièces Obliques . Les personnages et les situations, pour réalistes qu'elles soient au départ, ne manquent pas de céder le pas à des registres plus oniriques, merveilleux ou fantastiques. Jean-Marc Pontier s'appuie à la fois sur la narration et un dessin expressionniste à l'encre noire pour suggérer des univers décalés. Ainsi, la nouvelle beaucoup plus réaliste du Carillon, évoque la correspondance que le narrateur établit entre le son des cloches d'une église et le carillon qu'il entendait chez sa grand-mère faisant affleurer à sa mémoire l'évocation de souvenirs liés à l'aïeule morte à cent ans passés. Devenue aveugle c'étaient les tintements du carillon qui l'empêchaient de se perdre tout à fait ... Dans la première page de ce récit, le dessin qui accompagne le texte "d'abord ce fut une vague note mate qui traversa son sommeil..." est une tache d'encre disposée en haut de la case. Dans la case suivante, la tache semble couler et le texte dit "quelque chose de discret. De pas suffisamment triomphant pour percer la chape de sa torpeur". Case suivante, la tache s'est encore agrandie, semblant baver ou diffuser de toutes parts et le texte poursuit :"Ensuite, les notes s'enchaînèrent, éclosent en son esprit comme autant de soleils noirs". Enfin, les deux dernières cases au bas de la page figurent une extrémité de la tache positionnée horizontalement, semblant s'étirer en un trait noir épais mais net jusqu'à la silhouette esquissée d'une vieille femme en s'accompagnant des mots : "puis se recomposa la mélodie. Enfin clairement structurée, il put reconnaître un ave maria. Non pas la version de Schubert, céleste et déliée". Ainsi, un des récits les plus réalistes du recueil est-il servi par un dessin presque abstrait dans son économie suggestive pour illustrer un univers sonore qui préfigure également la cécité de la grand-mère. Cette planche est l'une de celles que je préfère; à ce moment de la narration l'auteur propose la représentation de ce qui ne se voit pas ( le narrateur a encore les yeux fermés sur un demi-sommeil), de ce qui deviendra la cécité de la grand-mère et qui peut seulement s'entendre (le carillon de l'église voisine).
Quelques dessins, imprimés en pleine page, ponctuent le recueil, semblant faire office d'incipit comme dans les manuscrits des copistes du moyens-âge. On se réjouit de ces tableaux qui mettent en valeur le dessin ombrageux, viril et sensuel en noir, blanc et nuances de gris!

Les Parapluies est un récit muet, sans texte, où tout se dit par l'image ... Deux protagonistes inhabituels occupent ici le devant de la scène. Deux parapluies. Un sombre et uni, masculin. L'autre, clair et moucheté de pois noirs mais que l'on devine rouges comme la passion, comme les bourgeons de varicelle, comme le sang aux joues de la femme en colère. La force des émotions se lit dans les regards, dans les jeux d'ombres et de lumières sur les visages abrités par les parapluies, dans ces objets qui s'échangent. Les silhouettes en attente derrière la croisée des fenêtres semblent absorbées par la lecture de quelque énigme. Les fenêtres, images récurrentes, figurent-elles les pages d'un album quadrillées d'un gaufrier, comme si les personnages tentaient d'y lire quelque chose d'eux-mêmes ? Un souvenir. Un avenir.
En conclusion, bonheur de retrouver comme à la fin de Pièces Obliques, une série de portraits, pour la plupart des personnages récurrents des Nouvelles Penchées . En une phrase, parfois un simple verbe à l'infinitif, ils expriment un souhait... "marcher le manteau ouvert, en plein hiver", "déverser, jeter, remplir autrui de mes miasmes, puis fuir", "devenir sourd", "courir le marathon, une fois dans ma vie", "caresser des espoirs"... Jolie manière de clore le recueil, comme une deuxième parenthèse refermant celle ouverte par les trois souhaits de La fille aux Longs Bras au début des Nouvelles Penchées.
Je suspendrai là mon commentaire (comment-taire), laissant place à la lecture de chacun.

Pièces Obliques, Jean-Marc Pontier, éditions les Enfants Rouges , avril 2009.
Nouvelles Penchées, Jean-Marc Pontier, éditions les Enfants Rouges, avril 2010.

Retrouver toutes les infos sur le site des Enfants Rouges: http://www.enfantsrouges.com

Retrouver toutes les infos de Jean-marc Pontier sur son blog:
http://dessinsobliques.blogspot.com

Retrouver une chronique de F. Mayaud à propos de Pièces Obliques sur le site BDgest.
http://www.bdgest.com/chronique-3525-BD-Pieces-obliques.html

Une interview de Jean-Marc Pontier sur Iconophage, radio toulonnaise à écouter ici:
http://www.radio-active.net/Les podcasts-d-Iconophage.html

dimanche 27 juin 2010

Robert BLANC à la Brasserie de la Mairie

Cosmogonie, l'Âge d'or, etc ... titres des oeuvres de Robert Blanc, situent le travail de l'artiste dans une dimension mythologique de la création du monde, peut-être de sa conservation ou au contraire, de sa destruction ? Les dessins à l'encre, sur Vélin, très minutieux , figurent des formes tantôt abstraites, tantôt figuratives de corps et de couples en mouvement dans un univers fluide. Ils sont adossés à des structures découpées dans du bois de balsa : spirales, figures aux formes douces et arrondies reproduisant parfois encore des corps d'anges, des hémisphères, des arabesques suggestives ...


On aurait envie de substituer au terme d'artiste celui de créateur ou lier les deux , artiste-créateur. Il y a dans le travail mené quotidiennement comme une méditation active , à la fois interrogation et faire qui ordonne la réflexion en donnant forme à la "croyance", à la "créance" dans la "création"... Des coups de pinceau émerge une mythologie personnelle, projection de l'âge d'or tel que se le représente Robert blanc. Il ne situe pas sa mythologie dans un rapport de verticalité hiérarchisée (encore qu'il ait précédemment proposé des travaux appelés Echelles de Jacob) , mais dans un déroulement temporel associé à l'horizontalité qui se courbe en une spirale symbole de l'expansion infinie du monde ou au contraire de sa compression en un point central .
On voudrait proposer le terme d'iconogrammes (icône et idéogramme contractés ) , à l'instar des calligrammes d'Apollinaire pour nommer ces objets artistiques faits de papier et de bois dont la forme est une modélisation des constituants d'un univers dont le récit mythologique est dessiné à l'encre noire sur la face supérieure. Les dessins en noir et blanc d'une grande finesse animent l'espace selon des densités variant du blanc au noir en passant par le gris, selon le "remplissage" ou l'insistance de l'artiste à revenir ou à rester sur le même espace jusqu'à le saturer d'encre. L' univers bondé ou plein semblerait un étouffement, un encombrement empêchant la circulation de la vue autant que de la vie; de fait, l'on remarque un mouvement ininterrompu des figures qui peuplent ces iconogrammes, corps semblant danser ou nager dans un substrat plus ou moins nourri avec lequel elles semblent tantôt fusionner et tantôt s'extraire pour s'en détacher.

Exposition à la Brasserie de la Mairie, place de la mairie à Aix-en Provence.

D'autres oeuvres de Robert Blanc sont actuellement visibles au Musée Arteum de Château-neuf-le-rouge dans l'exposition Traits-très-Confidentiels. Musée ouvert tous les après midis du mercredi au samedi.

Contacter également la galerie Lélia Mordoch, rue Mazarine à Paris dans le 6ème.
tél: 331 53 10 88 52 - fax : 331 53 10 88 49
lelia.mordoch.galerie@wanadoo.fr
http://www.galerieleliamordoch.com

mardi 15 juin 2010

intérieur gris

football - "je joue pour me battre contre l'idée de perdre" - éric cantona

Document INA, 1957 . Interview de Monsieur Albert Camus lors du match du Racing Monaco au Parc des Princes ... (pour lire la vidéo, copier le lien suivant et le coller dans la barre de navigation)


http://www.ina.fr/sport/football/video/AFE85007615/interview-de-monsieur-albert-camus-prix-nobel-1957-lors-du-match-racing-monaco-au-parc-des-princes.fr.html

Sur le site de Rue 89, voir un article sur le sport et les intellectuels.

http://www.rue89.com/tribulations-petit-editeur/2010/06/15/peut-on-etre-ecrivain-et-aimer-le-football-oui-dit-camus-15477



mardi 1 juin 2010

louise

Il y a bien dix jours que cette araignée vit dans un coin du plafond de ma chambre. Tantôt ici, tantôt là, dans ses déplacements latéraux elle tricote je ne sais quel tissu invisible. L'autre nuit elle m'a piquée .
-Vraiment ?
Dans le doute je l'ai épargnée. Depuis hier soir je l'appelle Louise...