Delphine Poitevin
est une amie artiste, rencontrée à Aix il y a une dizaine d’années alors qu’elle
était étudiante à l’université en cursus de lettres modernes. Parisienne
pendant douze ans, de 1999 à 2011, avec une parenthèse aixoise de 2002 à 2003. Elle vient de se réinstaller à Aix, dans un petit appartement du centre
ville proche du Palais de Justice. Je lui ai demandé de me parler son travail,
ayant suivi pendant ces années parisiennes, quelques unes des expositions
qu’elle était venue faire à La Garde (Var)
pour l’association Elstir, à Saint-Cyr-sur-Mer dans une ancienne conserverie de
câpres ou à Aix-en-Provence et Bouc-Bel-Air avec l’association Perspectives,
sur le thème de l’air en 2010 – 2011. J’avais
envie de lui consacrer un article bien qu’elle n’ait pas d’exposition prévue dans un avenir
proche. Maman d’un tout jeune Gabriel, elle
est en train de chercher des repères
dans une ville à redécouvrir et à investir en tant qu’artiste. Elle a accepté de se prêter au jeu des questions
pour retracer son parcours, expliquer sa démarche et envisager le présent.
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Quand nous nous sommes rencontrées au début des années 2002, tu étais
revenue à Aix depuis peu.
Qu’est-ce qui t’a conduite vers le dessin, la photo et le film
d’animation dans lesquels tu t’exprimes
aujourd’hui ?
Après un bac Arts au lycée Zola à Aix, j’ai commencé une
première année en fac d’Arts-Plastiques mais
cela ne m’a pas convenu. J’ai alors bifurqué vers les Lettres Modernes où
une amie (Maya)était inscrite, je l’ai accompagnée dans certains cours et j’ai
apprécié. Je crois que j’avais des attentes trop précises en ce qui concernait
les études d’art, la littérature, au
contraire, était plutôt une rencontre
sans a priori. J’ai écrit une maîtrise en 1997 : les écrits de Michel Leiris sur Francis Bacon. Lors de mon Master 1 en arts plastiques en 2007 - 2008, j’ai analysé les œuvres de certains
artistes : Oscar Munoz, BernardMoninot, Georges Rousse, Barbara Camilla Tucholski et William Kentridge. Sans doute, pourra-t-on, à travers leurs travaux
et leurs préoccupations, percevoir des points de connexion avec mes réalisations personnelles. Après ma maîtrise de lettres en 1997, j'ai passé une équivalence avec la licence d'arts plastiques, puis je me suis inscrite à la Sorbonne à Paris.
Je n’ai pas terminé mon master 2, mais j’y
songe actuellement. Entre l’année 2000
et 2007, j’ai arrêté mes études, j’ai quitté Aix pour Paris où je dessinais
tout le temps, j’ai eu des opportunités pour exposer et pour travailler à
Mantes la Jolie, où j’animais des ateliers d’art dans une école municipale d'art.
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Tu es plutôt une artiste urbaine, tu explores les zones en friche, les terrains vagues, comme
on en rencontre dans les grandes villes.
Comment vas-tu poursuivre ton travail ici, à Aix qui est bien différente
de Paris ou d’Evry ?
Certes, le déménagement est déroutant et je n’ai pas eu assez de temps devant moi pour
entrer dans un nouveau projet, même si l’envie de faire de nouvelles choses
commence à se faire sentir. Mon enfant
est encore petit et je n’ai pas beaucoup de temps libre à consacrer à mon
travail personnel. J’ai été surprise de
réaliser que le changement d’univers et les conditions de vie extérieures ont
en réalité autant d’impact sur moi et sur mon travail. Je n’avais pas conscience jusque là que
l’univers extérieur, le paysage comptait autant. Autrefois j’avais beaucoup plus de facilité à
travailler à partir d’un univers intérieur, j’entrais dans une pièce, je
prenais un crayon et je me mettais au travail.
Maintenant, le monde extérieur est beaucoup plus présent, c’est
pratiquement un matériel et je me rends compte que depuis 2007- 2008 je ne
conçois plus le travail artistique enfermée chez moi. J’ai envie que le réel soit pris en compte,
j’ai envie de partir de choses concrètes que je vois. A Evry, ça allait de soi, ce qui
m’intéressait c’était d’explorer le milieu dans lequel je vivais, les chantiers, les échafaudages, la
ville. Je pense qu’en étant arrivée ici
(à Aix), il va y avoir un autre intérêt extérieur qui va se produire, je
n’arrive pas à imaginer un travail qui ne se nourrirait pas de l’extérieur, de
la ville, c’est un rapport au monde que je traduis dans mes dessins et mes
photos.
Quand j’ai quitté
Delphine, je pensais au photographe Eugène Atget et à Claude Vénézia (dont j’avais vu certaines photos exposées récemment à Aix, Rue du puits Neuf,
par Alain Paire) des photographes qui
ont voulu témoigner de la transformation de la ville, de sa modernisation
symbolisée par la percée des boulevards haussmanniens (Atget) , la disparition du quartier entre les Halles et
le Marais, pour construire le centre Georges Pompidou (Vénézia) et je me suis
dit que le travail de Delphine, de façon
très consciente, nous montre le temps qui passe et la métamorphose des quartiers. Ce n’est certainement pas pour rien que la
dimension temporelle, intrinsèque au film, une succession de tant d’images par
seconde fait écho à la superposition des
calques, comme des couches de sédimentation. Sédimentation que l’on retrouve de
façon explicite dans les poussières
qu’elle dépose point par point sur les objets, en altérant la surface. Son esthétique, un peu minimaliste, s’accorde au dépouillement des scènes qu’elle photographie, des épures qui
laissent place à la contemplation, plus qu’à la rêverie, car ce ne sont pas
univers oniriques qu’elle explore, mais bien le réel, même si l’on sent un
certain détachement dans les envols, les effilochages et les effacements. Je me demande si, au contraire, cette artiste si délicate et si intuitive, plutôt que de faire
disparaître le monde qui nous entoure, ne
nous amène-t-elle pas, avec subtilité et poésie à regarder là où le regard ne
s’attarde pas en général, où l’œil balaie la surface d’un coin de trottoir encombré d’un papier ou d’un matelas usagé qu’elle traduit par le
titre Délogés, une manière de prendre parti pour les invisibles et les
laissés pour compte de l’espace urbain. Pour cette artiste très littéraire, on pense aussi à Georges Pérec, Les Choses et à Francis Ponge, Le parti pris des choses.
Accorder de l’importance, à contre courant du bling-bling, du lisse et
du neuf, à ce qui atteste de la vie, d’un héritage, même des plus déshérités.
Pour plus d'informations concernant Delphine Poitevin, je vous conseille son blog:
et un lien vers une vidéo disponible sur youtube:
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Pièces, dessins animés
A
mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à
claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre
suffocation font à coup sûr une maladie.
Pour exemple, je voudrais citer ce poème de Ponge, Le cageot, qui me semble, avec plus un demi-siècle d'écart, parler avec la même sensibilité que les dessins de Delphine Poitevin:
1 commentaire:
Bon sang , mais c'est bien sûr.
Pourquoi n'y avais-je pas penser plus tôt. "Traits... intimes".
Grâce à toi une nouvelle "révélation" (terme volontairement emprunté à la photographe, car j'en étais resté aux photos de la série "Danse du dedans") accompagnée (comme d'habitude) d'une réflexion intime tout aussi pertinente. Merci à toi une fois de plus tu nous fais découvrir bien des choses, comme Delphine.
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