MENACES DU TEMOIN
I
Que voulais-tu dresser sur cette table,
Sinon le double feu de notre mort?
J'ai eu peur, j'ai détruit dans ce monde la table
Rougeâtre et nue, où se déclare le vent mort.
Puis j'ai vieilli. Dehors, vérité de parole
Et vérité de vent ont cessé leur combat.
Le feu s'est retiré, qui était mon église,
Je n'ai même plus peur, je ne dors pas.
[...]
IV
Tu es seul maintenant malgré ces étoiles,
Le centre est près de toi et loin de toi,
Tu as marché, tu peux marcher, plus rien ne change,
Toujours la même nuit qui ne s'achève pas.
Et vois, tu es déjà séparé de toi-même,
Toujours ce même cri, mais tu ne l'entends pas,
Es-tu celui qui meurt, toi qui n'as plus d'angoisse,
Es-tu même perdu, toi qui ne cherches pas ?
V
Le vent se tait, seigneur de la plus vieille plainte,
Serai-je le dernier qui s'arme pour les morts?
Déjà le feu n'est plus que mémoire et que cendre
Et bruit d'aile fermée, bruit de visage mort.
Consens-tu de n'aimer que le fer d'une eau grise
Quand l'ange de ta nuit viendra clore le port
Et qu'il perdra dans l'eau immobile du port
Les dernières lueurs dans l'aile morte prises?
Oh, souffre seulement de ma dure parole
Et pour toi je vaincrai le sommeil et la mort,
Pour toi j'appellerai dans l'arbre qui se brise
La flamme qui sera le navire et le port.
Pour toi j'élèverai le feu sans lieu ni heure,
Le vent cherchant le feu, les cimes du bois mort,
L'horizon d'une voix où les étoiles tombent
Et la lune mêlée au désordre des morts.
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