J’ai découvert les livres Clément Baloup l’an dernier, à
l’occasion du Prix Littéraire des Lycéens en région Paca auquel une de mes
classes avait eu la chance de participer et
j’avais rédigé une chronique à propos de
l’excellent Little Saïgon. Cette année, Clément Baloup a accepté de
conduire un atelier artistique dans une autre classe de seconde inscrite auPrix Littéraire des Lycéens. Cela me
donne l’occasion de suivre ses publications. Clément Baloup travaille à Marseille dans un
atelier collectif, les Zarmateliers.
Le Vaurien,
scénarisé et dessiné par Clément Baloup
est paru en juin 2014 aux éditions LaBoîte à Bulles. Il raconte les aventures
de Mong Khéo, un homme ni moins bon, ni meilleur que les autres, un voyageur
solitaire, à la fois plein d’histoires et sans histoire, puisque le lecteur
n’apprendra pas grand-chose sur lui. Un
peu à l’image des chevaliers du moyen-âge il semble se déplacer sans but
précis, jusqu’à ce qu’une aventure lui tombe dessus, ce qui ne manque pas
d’arriver !
Ses principales caractéristiques sont un solide appétit, une
bonne dose de ruse acquise par l’expérience (on comprend qu’il a déjà roulé sa
bosse et vécu plus d’aventures que dix hommes réunis), il pratique des arts martiaux et son statut
d’étranger sans attaches, son errance, sont les principaux moteurs de l’action.
Cet album bâti sur une cascade d’aventures s’accompagne
aussi d’une réflexion implicite sur le statut de l’étranger ;
Mong Khéo, celui que l’on ne connaît pas, dont on ne sait rien est,
paradoxalement, celui à qui on va se confier et demander de l’aide quand
l’issue paraît compromise. Son regard
sur les situations pourrait correspondre à cet adage : « ignorant
que c’était impossible, il l’a tenté ».
En tant qu’étranger, il apporte sa différence, cette « claudication »
qui le fait cheminer de travers (ou sur les chemins de traverse) comme l’autre
boiteux de l’Histoire, Œdipe, condition
essentielle pour résoudre l’Enigme.
Cependant, Le Vaurien (littéralement, celui qui ne vaut
rien) est totalement défini dans la grande tradition des héros asiatiques
pratiquant avec excellence les arts
martiaux, comme Ti Lung, Bruce Lee ou Jackie Chang. Les combats
ont une place importante dans l’album, non seulement pour marquer la force
physique, mais aussi la force morale (sans moralisme !) de Mong Khéo ;
c’est avec peu de conviction qu’il accepte de jouer les « maîtres »
et de faire route et cause commune avec un jeune homme. Mais, si Le Vaurien,
reprend le motif du conte initiatique, c’est dans l’idée de le parodier, on est
toujours dans une narration « oblique » par rapport à ses modèles. Les
caractéristiques du personnage conduisent le lecteur dans un monde décalé, où
les hommes ressemblent parfois étrangement à des animaux et les animaux à des
hommes, mêlant réalisme et fantastique avec facilité. Le dépaysement
géographique et culturel jouant à fond, le lecteur se laisse prendre par la
dimension surnaturelle qui surgit.
L’illustration à l’aquarelle permet
de jouer sur les couleurs et les transparences pour suggérer un univers qui ne cesse de jouer
avec les codes réalistes.
Un album très réussi que je vous conseille de lire.
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