La rencontre d’artistes peintres, dessinateurs s’est donc poursuivie cet été en Avignon, avec Catherine Duchêne. J'étais accompagnée de Pierre Vallauri, commissaire de l’exposition « Traits…intimes » en préparation au musée Arteum de Châteauneuf-le-Rouge. Elle est la seule des artistes à n'avoir pas pu nous recevoir dans son atelier, inaccessible pour cause de travaux. Il nous a semblé un peu plus difficile d’entrer dans une discussion « intime » sur le dessin et plus généralement sur son travail, surtout lors d’une première rencontre, ailleurs que dans l’atmosphère de son atelier, n’ayant pas sous les yeux ses œuvres pour soutenir notre conversation. Dans une rencontre, comme dans tout échange, le discours s’accompagne d’un ensemble de signes, de perceptions qui laissent deviner le locuteur dans le noeud d’une intimité que le dialogue ne laisse pas toujours filtrer. Sur cette place, installés à la terrasse d’une brasserie, tous ces signes étaient perturbés par les bruits de la ville, le service, les autres. Il n’empêche que Catherine Duchêne a bien voulu entrer dans le jeu des questions pour nous présenter sa façon de travailler et qu'elle s'y est livrée avec patience et franchise, qu'elle en soit, ici, remerciée . |
Est-ce que tu
pourrais partager un dessin avec quelqu’un, le dessiner, en quelque sorte, à
quatre mains ?
Je l’ai déjà
fait avec Benjamin Carbonne, nous étions en résidence et nous travaillions chacun de notre côté. Cette fois là, nous nous ennuyions un peu, alors, par jeu, nous nous sommes mis à échanger nos
toiles ; il nous fallait comprendre
comment l’autre fonctionnait au niveau du travail, c’était très intéressant. On se rend compte que sur une toile, quand on
voit la trace de l’autre, on la respecte, on n’ose pas la reprendre, la
modifier ou même la recouvrir ; il fallait nous rassurer, nous encourager
mutuellement à oser s’approprier ce que l’autre avait fait, pour ne pas brimer
sa propre intervention, à conjuguer nos intimités. Il en a gardé une et moi aussi et ces toiles témoignent en fait de la personnalité de
chacun de nous. Sinon, les dessinateurs qui m’inspirent sont
Egon Schiele, Alberto Giacometti, Auguste Rodin et Lydie Arickx avec laquelle je pourrais
également souhaiter partager un dessin…
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Quel est ton
parcours ? Comment es-tu devenue
une artiste professionnelle ?
Je me suis
déclarée en tant que professionnelle en 2006.
Après un bac scientifique franco-allemand à Fribourg. En 2000, je suis allée à Paris dans le but de trouver
une école d’art pour me former, je n’avais pas envie d’aller à la fac. J’ai essayé plusieurs ateliers, j’ai pris des
cours à droite et à gauche, mais sans être satisfaite par un enseignement que
je trouvais trop académique. J’ai rencontré Jean-Yves Guionet, peintre
expressionniste à Paris dans le Xème, c’est lui qui m’a tout appris au niveau
plastique, philosophique, comportemental, de l’attitude d’un peintre face à son
sujet. J’ai ensuite préparé des écoles
et suis entrée aux Beaux-arts de Versailles en troisième année, de 2002 à 2004. Quand je suis arrivée dans le sud, j’ai
complété cette formation par un diplôme en Art-thérapie (PROFAC). Depuis l’année 2006, je donne des cours en
région PACA. Les premières années de mon parcours, j’ai
progressé sur la voie de l’art mais, je n’avais pas encore
un projet bien déterminé. J’ai gagné
plusieurs prix de peinture … c’était flatteur. Au fil des ans, je me suis rendu compte que je n’avais pas fait le
choix d’une vie facile, qu’il me fallait travailler très dur. Pourtant, je ne me verrais pas faire autre chose, malgré
les moments de découragement et de difficulté; je n’ai pas une peinture
commerciale,
j’utilise souvent le fusain, matériau
sec que je dilue à l’huile sur des toiles, ou que j’intègre à d’autres
techniques.
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Justement,
parle nous de cette série de dessins au fusain dilué à l’huile, sur toile, intitulée « Les saintes », est-ce un
retour vers le religieux ? Tu as
aussi travaillé sur « Les Olympiennes » et « Les Martyrs »,
comment s’approprier ces thèmes connotés, qui appartiennent, on peut le dire, à
l’histoire des idées et à l’histoire de l’art ?
Je souhaite
proposer une nouvelle iconographie, basée sur la culture commune de notre société occidentale,
majoritairement chrétienne et mythologique. Dessiner des
figures féminines de la Bible, établir un
lien avec des problématiques actuelles, dénuées des symboles de
l’époque. Une iconographie profane, en
quelque sorte. Cette recherche se
poursuit dans les thèmes que j’intitule « Les martyrs », « les
olympiennes ». Je suis en recherche
de ma propre perception de la mythologie.
C’est un travail très personnel, très intime. J’attache une grande
importance au fait de nommer mes personnages, j’ai l’impression de les faire
vivre : Monique, Marthe, Cécile, Marie-Madeleine, Jeanne,
Catherine, Marie, Marguerite, Hélène, Lucie … sont parmi les figures féminines
déjà réalisées. Actuellement, certaines sont exposés à Nîmes, dans l’église
Saint Paul, même s’il s’agit bien d’une
iconographie profane, le lieu est tout à fait approprié.
Jean-Claude Buffle qui a écrit la présentation du
travail de Catherine Duchêne, sur son site personnel, compare sa manière de
représenter le corps, à une vision
dionysiaque de la statuaire, parce qu’elle
est expression et instinct. Il l’oppose à une représentation olympienne, plus ordonnée et raisonnable. Il poursuit : « Au culte du ressemblant qui fige les traits,
elle oppose le mouvement du pinceau qui fait frémir les chairs. La beauté ne
réside plus dans la perfection des corps mais dans le bouillonnement des
énergies qui les enfle et les déforme».
J’aurais envie d’ajouter, en regardant les dessins de Marie-Madeleine,
de Marthe ou de Monique, que les plissés et les volutes des drapés aux couleurs
sombres, où le pli capte la lumière
autant que la chair, dans un clair obscur sensuel, sont une réminiscence
de la sculpture baroque, et je pense à l’ Extaxe de Sainte Thérèse, de Gian
Lorenzo Bernini ( Rome, 1652). La recherche du mouvement, la torsion
des formes, les effets spectaculaires ménagés par les drapés qui mettent en scène l’expressivité de la figure,
doivent autant à l’exubérance baroque
pour représenter l’instabilité
perpétuelle des formes et de la vie, qu’à l’expressionnisme.
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On trouvera sur le site de la Bnf, la mise en page correcte du poème de Mallarmé, en cliquant ici.
Pour se rendre sur le site de l'artiste Catherine Duchêne:
http://www.catherine-duchene.com/Catherine_Duchene/LArtiste.html
Musée Arteum, Châteauneuf-le-Rouge :
http://www.mac-arteum.net/
2 commentaires:
Dépassant l'habitude qui te conduit depuis le début du montage de cette exposition "Traits...intimes " tu te surpasse et cela dans le peu de temps que te laisse ton professorat.
D'autant que comme tu le souligne les conditions de la rencontre (théoriquement en atelier)n'étaient pas des plus favorables à une intimité (pour le moins une tranquillité d'écoute et d'échange des plus favorables. J'espère que tout ce travail de réflexion critique, déjà engagé avec d'autre,puis l'exposition à ARTEUM donneront à Catherine de nouvelles ailes pour voler encore plus haut et plus loin.
Oups, j'oublie trop souvent le s à la deuxième personne du singulier
surpasses et laisses... bon ce n'est pas grave!
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