Prométhée d’aujourd’hui (2012)- Florence Laude
Métal zingué, acrylique 100 x 160 cms
Dans le cadre de l'exposition collective de l'association Perspectives, au 22 au 29 février à Bouc-Bel-Air, je présente trois œuvres pour le thème Les preuves du feu.
J’entends les preuves du feu dans la cohérence des trois thèmes précédents l’eau, la terre et l’air pour lesquels j’ai travaillé à partir de l’Homme dans sa relation à cet (ces) élément (s). J’ai poursuivi dans la même perspective en retenant ici, non seulement la maîtrise du feu par l’homme, mais aussi le coup de feu, sa cause et sa preuve: la cartouche, la poudre, l'impact.
Je présenterai trois œuvres en métal, matériau issu de la métallurgie, dans lequel le feu est omniprésent aux différentes phases de son élaboration, qui dans l’histoire de l’humanité, est une étape importante du développement de l’homme: l’âge du fer étant la maîtrise du feu par l’homme. Je conserve la présence de la figure, c'est-à-dire, l’homme dans sa relation à (aux) élément(s) retenu(s) dans la (les) thématique(s) proposée(s) par Perspectives.
Un homme et une femme contemporains. Les deux plaques rapprochées peuvent former un couple, symbole d’une réunion, d’une ébauche de famille, d’un devenir possible. Ils sont jeunes, en pleine vie et tout semble leur sourire. Ils ont le look jeune cadre dynamique. L’image qui se dégage est implicitement positive, au regard des valeurs d’une société contemporaine imprégnée des valeurs du monde de la finance. Mais on perçoit des impacts de tirs à la carabine, cet homme et cette femme sont et ont été des cibles. Ils seraient morts s’ils n’étaient peints.
Aussitôt leur statut change au regard du spectateur qui les perçoit en tant que victimes. Changement d’état, de statut, de regard. Les impacts des coups de feu sont bien entendu les preuves du feu. Mais au-delà, qu’est-ce qui est visé ? La polysémie est voulue, chacun retiendra ou donnera le sens qu’il voudra.
En regardant cet homme et cette femme, contemplons-nous un monde contemporain à la fois ultra violent et vulnérable?
Sommes-nous à diverses proportions victimes d’un système, avons-nous trop joué avec le feu ?
Cette société vit-elle ses derniers instants, inglorieux , dans sa propre violence (auto)destructrice ?
Dans les gestes de créer et de détruire à coup de feu (ou par le feu) qui sont placés dans la continuité l’un de l’autre, l’antagonisme est la preuve d’un feu que l’on ne maîtrise pas tout à fait, malgré des apparences faussement rassurantes et lisses comme ces plaques de métal et le parti pris esthétique dans la manière de peindre . Tout est lisse et rassurant, mais tout est dur comme du fer et peut s’embraser comme un rien. Regardons aujourd'hui vers Athènes, vers Madrid et demain, chez nous ?
L’épreuve du feu (2010- 2011)- Florence Laude
Fil de fer , papier, cartouches. 140 x 180cm
Il s’agit d’une scène de combat où des individus se battent. Chacun est construit à partir d’une cartouche usagée (qui a pris feu) qui constitue son abdomen, son centre de vie et d’énergie. J’avais envisagé le titre de « kamikazes » par allusion aux nombreux attentats meurtriers de ces dernières années, cette folie de tuer et de se tuer pour une cause religieuse... politique … qui apeure nos sociétés occidentales prises pour cibles.
Cette « héroïque boucherie » affiche l’ironie avec laquelle le thème de la guerre est abordé : tout cela est grotesque, les personnages comme des marionnettes. Pourtant le propos est grave.
Depuis, les révolutions du printemps arabe ont leurs martyrs, les hommes et les femmes qui se sont immolés pour faire entendre leur souffrance, les injustices sociales et économiques dont ils sont victimes. Dans un cas comme dans l’autre, nous avons les preuves du feu, autant que l’épreuve du feu…
4 commentaires:
Comment techniquement avez-vous réalisé les trous dans les personnages. Ce doit être dur comme geste d'attaquer son oeuvre de la sorte,
En tout cas bravo.
Promethée...alors, vous aussi avez volé le feu sacré? J'espère que vous n'êtes pas comme ces deux-là, vendus ou acquis tout à fait à la sacralisation du confort, des biens matériels et que vous gardez le goût de la liberté, celle qui ne s'achète pas, qui ne (se) compromet pas.
Soyez rassuré, je n'entends pas, quel que soit vos choix de vie, vous tirer dessus.
Pour répondre à votre question, les trous dans les personnages sont des impacts de tir à la carabine à air comprimé. Il n'a pas été "dur comme geste d'attaquer mon oeuvre de la sorte", c'était une nécessité, cela fait partie intégrante du projet.
La première oeuvre réalisée, parmi les trois, est la scène de combat où chacun (ou presque) des personnages est construit autour d'une cartouche brûlée contenue dans son abdomen rappelant la ceinture d'explosifs des kamikazes. A partir de cette oeuvre, l'autre se devait, dans l'expression du feu, de reprendre le "coup de feu". D'où le choix de tirer à la carabine avec des cartouches.
Je l'ai expliqué dans le texte joint aux photos, il s'agit d'exprimer et de tenter de détruire l'ultra violence de nos sociétés occidentales capitalistes.
Il n'a pas été difficile donc de détruire la "beauté" factice de ces deux jeunes gens, ils génèrent eux-mêmes cette violence. L'oeuvre n'est que plus "belle" du sens qu'elle acquiert une fois violentée.
Est-ce difficile de tirer à la carabine sur des cibles humaines? C'est très impressionnant. Physiquement percutant et cela rend partiellement sourd pour un moment. L'ami qui a fourni l'arme m'a montré comment s'en servir en tirant sur le personnage masculin. Viser une femme lui posait davantage problème. Il a tiré d'assez près et le métal a été transpercé. J'ai tiré sur le personnage féminin, vite, avec émotion. Je devais me tenir plus loin puisque la puissance du tir n'a pas perforé la plaque de métal, seulement dessiné une sorte de fleur de métal, comme une énorme broche sur son thorax.
Une des questions qui est venu avec l'émotion de tirer est pourquoi avoir eu cette idée de tirer, pourquoi me tenait-elle à coeur? Honnêtement, la réponse se trouve aussi dans un besoin personnel de comprendre où peut se loger en nous la violence qui peut nous transformer en assassin d'autrui ou de nous même, car un suicidé n'est autre qu' un assassin qui a tourné l'arme vers lui.
Oui, cela est dur et bouleversant, et fait peur, mais cette recherche n'est pas vaine. A force de chercher on trouve et on s'en libère,et on peut aller au delà.
Merci Promethée, pour votre message encourageant.
J'ai déjà répondu longuement, mais je voudrais ajouter que je connais les travaux de jeunesse de Niki de Saint Palle, réalisés dans les années 60, quand elle tirait à la carabine sur des compositions en plâtre dans lesquelles elle avait placé des poches de couleur qui saignaient pratiquement sur les reliefs...
J'avais été saisie par ce besoin d'extérioriser une violence intérieure - nul doute- et de la transformer. Car la violence transforme l'oeuvre ici, autant qu'elle la témoigne.
On peut trouver des vidéos sur le site de l'INA.
http://www.ina.fr/art-et-culture/beaux-arts/video/I05127774/tirs-de-niki-de-saint-phalle.fr.html
Très bel "accompagnement " par le texte, ("signifiant et signifié" explicités) de ces trois œuvres qui s'en trouvent enrichies. Une lecture commentée qui nous guide au delà de l'apparence, de ce qui est donné à voir. Et pour avoir vu l'ensemble de l'exposition, ton travail va bien au delà de la simple "preuve du feu" : les trois œuvres sont dans une suite logique, entre elles- que je n'avais pas perçue - mais en continuité avec les autres éléments, ce que beaucoup d'entre nous ont oublié, moi le premier.
Tu sais qu'à "Perspectives" trop de contraintes, ne seraient-elles qu' implicites dans le titre même de la thématique, conduisent à des joutes oratoires qui enflamment la plupart d'entre nous, moi étant un provocateur fougueux en la matière.Pourquoi? Pour qui? A force de chercher on trouve dis-tu! Le but étant de se "calmer",élargi au Hommes plus globalement, je suppose.
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