vendredi 23 avril 2010

Mon petit Billy,

je t'aime comme tu es, plongé, sans tes lunettes, dans un brouillard poétique. Tu n'as pas peur de la nuit ce qui est très rare pour un enfant de ton âge. Au fait, quel âge as-tu ? D'aussi loin que je me souvienne, je ne me promenais pas toute seule, dehors, la nuit. Quand il fallait aller chercher quelque chose à la cave (dignement infestée d'araignées) j'ouvrais grand les yeux avant d'éteindre la lumière pour garder la meilleure image de ce qui se retrouverait bientôt plongé dans l'obscurité, puis je traversais le jardin en courant et en retenant ma respiration. Toi ? tu fais le mur pour aller rejoindre ta voisine Léa et tu empruntes une route semée d'embûches: le Monsieur du Sac voleur d'enfants, l'arbre serpentaire, la dame du puits, le croquemitaine etc... Rien ne semble pouvoir te détourner de ta quête: c'est qui la mort ?

Tu as découvert ton meilleur ami, ton chat Tarzan, mort. C'était un mercredi après midi. C'est à cette occasion que la réalité a basculé, que la mort est devenue ta grande préoccupation, ta grande peur aussi... Comprenant que c'est peut-être par ignorance que tu la crains, tu as décidé de partir à sa rencontre. C'est très courageux. Tu me fais penser à un chevalier du moyen-âge, plus précisément au jeune Perceval plein d'ignorance et de naïveté mais non dépourvu de bravoure qui, croisant pour la première fois un chevalier en armure le trouva si beau qu'il pensa que c'était un Ange qu'il voyait là et décida sur le champ de l'adorer et de la suivre !

Guillaume Bianco que j'ai envie de considérer comme ton grand frère autant que ton auteur, s'applique à créer une illusion de réalité autour de ton personnage. Je me souviens d'ailleurs très bien de la cabane qu'il avait installée dans la section adulte de la bibliothèque Méjanes, au printemps 2009, à l'occasion du festival BD d'Aix-en-Provence. Elle était une sorte de cabinet de curiosités dans laquelle on retrouvait des objets plus ou moins extraordinaires t'appartenant. Dans l'album aussi il introduit des poèmes, des fables ou des planches encyclopédiques et des gazettes du bizarre, toutes sortes de documents plus ou moins réalistes pour donner épaisseur et vraisemblance à ton univers. C'est très réussi! Nous avons même tenté une expérience de spiritisme avec les enfants, en utilisant le Ouija qui est fourni, mais je crois que nous avons eu trop peur que ça marche, alors nous avons beaucoup ri. Avons-nous vexé les esprits?

A dire vrai, ton album est inclassable, c'est peut-être la raison pour laquelle il inaugurait une nouvelle collection aux éditions Soleil, la collection Métamorphose, en 2008. Au croisement du conte merveilleux, de la poésie, du fantastique, Billy est surtout un petit garçon comme presque tous les petits garçons. Il a une petite soeur adorée Jeanne, à laquelle il fait sans cesse des misères, comme tous les grands frères.

Comme toutes les belles oeuvres, l'album n'a de justification qu'en lui même et de modèle que dans l'imagination de son auteur. Billy a de grands yeux ronds d'étonnement, de curiosité, de peur, de malice ... un tricot super capuche (tous les héros ont un accessoire indispensable) et plein d'amis, surtout des filles ! (il a bien raison)

Pour finir (provisoirement) , une sagesse du père Noël: "apprends à te faire une idée de la vie et tu auras une idée de la mort!"

Voilà, Billy, je t'ai laissé le soin de te présenter toi même (voir la chronique du 22 avril) , mais tu me laisses sur ma faim ! La reproduction d'une page de l'album, même agrandie, reste dans le brouillard et ne peut être déchiffrée que par ceux qui partagent avec toi "le don de trouble vue" ... Je tiens à m'assurer que non seulement ceux-là, mais aussi tous les malchanceux auxquels il faut toujours donner des lunettes pour voir pourront te rencontrer et avoir envie d'apprendre à te connaître.

Que l'enfant qui est en toi ne s'éloigne jamais tout à fait de l'adulte que tu deviendras...
A bientôt pour la suite de tes aventures,
F.L.

Guillaume Bianco, Billy Brouillard, éditions Soleil, collection Métamorphose, 2008.

2 commentaires:

Guillaume Bianco a dit…

Waow , ben dis donc...Ca c'est de la chronique...
Une des plus belles que j'ai pu lire à ce jour.

Merci!

Association des amis du musée Mélik a dit…

Je confirme... il écrit bien ce petit Billy!