Valérie Gendre se dit opportuniste. Elle se saisit des contraintes et les impératifs deviennent des résistances auxquelles s’adosser pour construire une œuvre. L’attitude même d’une rebelle qui, si elle est prise au dépourvu, se débrouillera de l’ennui pour le sublimer. Elle n’est pas le genre d’artiste à passer par la porte, elle a souvent fait le mur.
Valérie Gendre pratique le collage depuis plus de quinze ans
en l’intégrant à son travail pictural. Pratique originale s’il en est, de mêler
l’autre et le soi, de prendre motif dans le papier imprimé pour l’intégrer par
collage à la toile, puis à la peinture et au geste du peintre. Mixité de
techniques et pluralité des sources de matières à l’origine de la création.
Valérie Gendre est une artiste complexe dans sa manière de fusionner les
techniques et de fragmenter l’espace en une infinité d’éclats de couleurs et de
formes, larges aplats et brisures infimes, déchirures intimes.
Avec la série Faire le mur, présentée cet été 2024,
Valérie Gendre radicalise sa pratique du collage. Les grands formats (environ
85 x 122 cm) et les plus petits (30x40 cm) sont de purs collages. L’artiste se
fait glaneuse, elle collecte les affiches échouées sur les trottoirs, arrachées
aux parois urbaines, couvertes, recouvertes, lavées, délavées, lacérées. La
peau des murs de nos cités, les fresques urbaines de notre société
consumériste. Elle a l’œil pour dénicher
dans ces images imprimées sur toutes sortes de supports papier, mais de
préférence les grandes affiches 4x3 à dos bleu, couleurs et textes posés par
impression numérique, sérigraphique ou offset, la pertinence d’un lambeau à
greffer sur le tableau en cours.
En réalisant ses collages, Valérie Gendre détourne les
messages performatifs des slogans publicitaires ou politiques. Par un effet boomerang, la surface du tableau
devient miroir déformant, passant du collectif à l’intime, de l’atelier à la
cimaise. Le tableau comme un espace de lutte dans lequel s’effectue en même
temps le rejet d’un monde normé, celui de la marchandise calibrée et monétisée
et la proposition d’une œuvre d’art poétique réalisée avec une économie de
moyens, mais faite pour exprimer la sensibilité de l’artiste et toucher celle
du spectateur. Après avoir collecté les affiches qui s’empilent dans son
atelier, Valérie Gendre se met au travail, regarde ce qui est à sa disposition
et s’engage dans la construction d’une
architecture en clair-obscur, architexturée (aussi) puisque le lettrage
s’invite dans les images, messages en filigrane palpitants encore d’une vie
usée, plus proche du cri ou du chuchotement que du langage articulé.
Invariablement, c’est au centre du tableau que se noue l’intrigue complexe de
la composition. La tension dramatique
révélée par une structure en forme de croix converge au centre, qui est à la
fois le point de jonction et celui des ouvertures tous azimuts des lignes de
force. C’est au cœur du tableau que le coup est porté, explosant la matière qui
se fragmente, se déchire et s’organise à nouveau suivant une expression
spontanée où l’œil guide la main pour exprimer l’émotion avec une beauté
plastique.
Comment ne pas rapprocher la pratique de Valérie Gendre, ici,
de celle des artistes français Jacques Villeglé et Raymond Hains qui ont œuvré,
après la seconde guerre mondiale et jusqu’au début des années deux mille, en
créant à partir d’affiches lacérées, récoltées dans les quartiers parisiens.
Ils ont pensé le concept de la non-action painting en ne faisant pas le
geste de peindre, mais en utilisant des supports déjà colorés, sortes de
ready-made de matière première disponible dans les rebus de la société de
production et de consommation. Ils ont puisé dans le débordement d’affiches qui
dégoulinaient des murs, dans la surabondance des images pour ne pas ajouter
d’images à l’image, mais pour la révéler en la détournant. Jacques Villeglé
parlera même de « tenir le journal de la rue », explicitant la
bi-dimension sociale et esthétique de son travail artistique. De la
même manière, Valérie Gendre, révèle la noblesse de
la couleur et de la forme dans ces affiches jetées au sol, vouées à la
destruction. Elle interrompt l’implacable destin que la société de consommation
a prévu pour l’affiche, l’obsolescence, le remplacement, la destruction. Toutefois,
si elle pratique un art pauvre par les moyens, il devient précieux et unique
par l’affleurement de sa sensibilité complexe, toute en pudeur et en retenue et
pourtant intensément émotionnelle.
Florence Laude, juin 2024
Valérie Gendre est née dans les années soixante sur la planèze
de Saint-Flour. Titulaire d’un DEUG
d’arts plastiques, elle a étudié la fresque à l’ancienne à l’école Boulle, à
Paris. Pendant plusieurs années elle a
travaillé avec le peintre sur porcelaine, Joseph Duchamp, au Lioran. Et, c’est
à Maurs, dans le sud du Cantal, qu’elle a installé son atelier, participant
activement à la vie artistique de la commune en étant bénévole dans
l’association Tousarzitmut, investie dans la diffusion de l’art en milieu rural
par l’organisation d’expositions d’art contemporain, dans la galerie
l’Epicerie.
Elle expose régulièrement à Aurillac, Boisset, Cahors, Figeac,
Grauhlet, Lacapelle Marival, Latronquière, Marcolès, Maurs, etc.
On peut retrouver Valérie Gendre à l’Atelier 147, sur
rendez-vous, au 06 72 72 92 67 et avoir la curiosité de regarder son
site : https://atelier147.jimdofree.com/
ü 18- 30 juin 2024 : galerie Cimaise,
salle Balène à Figeac
ü Septembre 2024 : FLAC (Forum lotois d’art contemporain),
chapelle Lamouroux à Cahors
ü 3 octobre - 4 novembre 2024 :
Musée Gabriel art contemporain à Latronquière